Ceux et celles qui me lisent ont possiblement constaté que je ne voyage pas pour rencontrer des gens. Je voyage principalement pour voir de beaux paysages.
J’aime la nature, j’aime l’émotion que me procure la vue de magnifiques couchers de soleil (je vais être un excellent quinquagénaire) et je suis tout à fait capable d’apprécier les moments de solitude. Cela dit, mes voyages en solo engendrent parfois des situations un brin dangereuses où je me retrouve complètement déboussolé… Mais tant que je ne me blesse pas, j’en garde généralement de très bons souvenirs.
Voici donc le récit de la fois où je me suis perdu dans le désert en n’ayant aucune idée de ce que je faisais. J’en profite aussi pour vous partager les leçons que j’en ai tirées, histoire que vous ne passiez pas près de rendre l’âme comme moi.
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Comment je me suis retrouvé là ?
C’était en 2013 et j’étais en plein voyage de slow travel à travers les États-Unis. Après un trajet de 40 heures en train dans le Colorado, je suis arrivé dans le désert de l ’Utah. Tout ce que je voyais par la fenêtre était magnifique.
Il y avait beaucoup de collines, d’étendues de sable et de petits villages/arrêts de camionneurs avec des motels qui avaient l’air d’être dans mon budget. J’en ai donc choisi un au hasard et je suis débarqué du train pour passer quelques jours dans la ville de Green River.
Le départ
J’ai trouvé un motel ridiculement peu cher pour la nuit. Au loin, j’ai remarqué une montagne et ce fut le coup de foudre. Elle était belle, semblait être à une distance de marche raisonnable et me rappelait beaucoup les paysages du film 127 heures, qui a été tourné dans les environs de Blue Canyon, où je me trouvais.
Mon objectif pour le lendemain : vivre un 127 heures… sans perdre mon bras… ou ressembler d’une quelconque façon à James Franco.
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Après une bonne nuit de sommeil, je me suis levé tôt pour profiter de la fraîcheur du désert au matin. À noter : je recommande quand même d’attendre le lever du soleil avant de partir à l’aventure si, comme moi, vous ne connaissez pas bien la faune qui vous entoure. J’ai passé une bonne partie de ma matinée à avoir peur de chaque bruit dans la pénombre.
Bref, je me suis procuré toutes les provisions qui me semblaient nécessaires dans l’alimentation/épicerie/club vidéo/mairie du village et je me suis mis en marche vers la montagne.
Me rappeler que je suis dans un autre pays
D’entrée de jeu, je tiens à préciser que c’était une belle journée et que je n’exagère pas en disant que j’ai failli mourir.
L’une des premières leçons que j’ai apprises, c’est que chez les Américains, on ne saute pas par-dessus les clôtures des gens. Je l’ai fait cette journée-là, car un énorme ranch me séparait de la montagne, et c’est à mi-chemin, après avoir rampé sous du barbelé, que je me suis rappelé que… beaucoup de gens ici ont des flingues.
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Heureusement, je n’ai eu droit qu’à un coup de semonce dans les airs (ce n’est étrangement pas la seule fois où ça m’est arrivé), mais je vous recommande de passer par des chemins qui existent. Vous éviterez un accident, et je vous rappelle que dans un village de 783 personnes, les secours n’arrivent pas très vite.
La montagne m’a menti
Dans le désert, il est très difficile d’évaluer les distances et ça, je l’ai appris à la dure.
Selon mon estimation du matin, mon objectif se trouvait à plus ou moins cinq kilomètres d’où j’étais, soit un peu plus d’une heure de marche. Après quatre heures de randonnée, j’ai été forcé d’admettre que la montagne était deux fois plus haute et quatre fois plus loin que ce que j’avais prévu.
C’est à ce moment que j’ai commis une autre erreur monumentale : j’ai estimé que j’avais encore assez d’eau et d’énergie pour me rendre jusqu’au bout et je n’ai absolument pas considéré le retour.
Truc important à retenir pour tout type de randonnée : TANT QUE VOUS N’AVEZ PAS ATTEINT VOTRE DESTINATION, LA MOITIÉ DU TRAJET N’EST PAS ENCORE FAITE. Il faut impérativement prendre en considération le retour, qui représente la même distance que l’aller, mais avec de la fatigue accumulée en plus.
À ce moment-là, j’aurais dû rebrousser chemin, mais je suis un imbécile.
Désert : « Ah? Tu pensais qu’il faisait déjà chaud ? C’est cute. »
J’ai déjà été en festival en plein cagnard. Je sais donc ce qu’implique l’action de transpirer, mais le désert de l’Utah, c’est autre chose. Une tout autre catégorie, même.
Il fait chaud dans le désert. Une chaleur sèche qui fait exponentiellement transpirer au fur et à mesure que la journée avance.
Normalement, au retour d’une randonnée, il est recommandé de boire le double de la quantité d’eau qu’on a consommée à l’aller. Ça aussi, je ne le savais pas, alors oui, j’ai manqué d’eau et oui, j’ai pissé dans une bouteille au cas où ça dégénérerait vraiment.
Je n’ai pas eu à boire mon urine, mais ça reste une image qui va me suivre longtemps. Surtout que tou.te.s les survivalistes s’entendent pour dire que ce n’est pas un bon truc. Ne faites pas ça.
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Pour revenir au sujet de la chaleur, le désert a une particularité liée à son sol. Le sable absorbe la chaleur jusqu’à un certain degré. Quand ce degré est atteint, le sol relâche cette chaleur vers toute personne qui a le malheur de faire une rando à ce moment-là. Il fait donc non seulement chaud, mais chaud par en haut et par en bas. Et comme si ce n’était pas assez, il n’y a pas d’arbre, donc pas d’ombre non plus.
Mettre son ego de côté
J’ai décidé de rebrousser chemin la première fois où je suis tombé par terre, ce qui est un très mauvais signe.
J’en profite ici pour faire un petit aparté édito. J’attribue cette volonté de me rendre à la montagne coûte que coûte à de la fierté masculine très malsaine qui m’a mis en danger pour des raisons tout sauf brillantes.
Pour de vrai, ça m’aurait coûté quoi, de revenir pour réessayer le lendemain avec plus d’eau et une meilleure connaissance du terrain ? Absolument rien, et je n’aurais pas passé trois jours dans le motel à me réhydrater par la suite. Ceci dit, j’avais au moins mis de la crème solaire. Étonnamment, je n’ai attrapé aucun coup de soleil.
C’est au retour que je me suis véritablement perdu.
J’ai donc utilisé ma technique favorite pour me rendre chez moi à pied quand j’ai trop bu : réduire ma réflexion au strict minimum afin de n’utiliser que des stratégies logiques trèèèèès simples que mon esprit affaibli peut comprendre.
C’est ainsi que j’ai décidé de m’orienter à l’aide du soleil vers l’est, là où je savais que la rivière se trouvait. Le village s’appelle Green River. Même perdu, je m’en souvenais.
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Une fois arrivé au cours d’eau, je n’ai pas bu l’eau de la rivière pour des raisons évidentes (même si c’était tentant), mais j’ai pu me foutre le visage dedans toutes les cinq minutes de marche, et ainsi avoir le sentiment de revivre brièvement.
Un peu avant le village, j’ai aperçu une maison qui ne semblait pas abandonnée comme les autres. J’y ai sonné et j’ai expliqué (dans un anglais très discutable) aux mormons qui y habitaient que je voulais juste de l’eau. Ils m’ont gratifié de ce que j’estime être le meilleur verre de limonade ever et on a parlé de Joseph Smith et de la comédie musicale Book of Mormons pendant une heure.
J’ai eu de la chance et je le sais. Possiblement que je serais arrivé au village par la rivière sans leur aide, mais ça se peut très bien que non aussi. Dans tous les cas, merci, les gens.
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En conclusion
Je tiens à dire que c’était une belle journée pour moi et j’encourage tout le monde à un jour savourer le désert par soi-même, mais en restant en sécurité. Le désert de l’Utah est un endroit magnifique qui ne ressemble à rien de ce que j’ai vu dans ma vie. Les paysages sont à couper le souffle et les petits villages d’autoroute comme Green River valent vraiment la peine d’être explorés.
Il y a quelque chose que je répète souvent et que ma conjointe déteste : « C’est vraiment le pied quand je ne meurs pas. » Je sais que ce n’est pas rassurant, mais je le pense. Ne pas trop savoir ce que je fais et savourer l’inconnu est pour moi le meilleur type de vacances.