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Les lapins : ces victimes insoupçonnées de la pandémie 

Ils apportent peut-être du bonheur pour certains, mais leur situation est loin d'être jojo...

Par
François Breton-Champigny
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Ça va bientôt faire un an qu’on doit composer avec la pandémie, qu’on nous bombarde de nouvelles et d’informations à son sujet, qu’on peaufine notre art de la distanciation. Et dès qu’on pense qu’on maîtrise la situation, BAM! Le COVID-19 arrive avec une nouvelle surprise, que ce soit un variant plus contagieux ou un problème de lapin.

Les lapins (aussi) vont mal, et c’est un dommage collatéral du virus. Vous l’aviez vu venir ? Pas nous.

Si on associe habituellement ces petits animaux trop mignons au réconfort et à la légèreté, de véritables problèmes concernant leur prolifération involontaire dans certaines villes de la province de Québec se sont exacerbés dans la dernière année.

On s’est entretenu avec Jason Mossa, fondateur de l’Association québécoise de protection des lapins (AQPL) et Nancy Lachance, fondatrice du refuge Adoption Lapins Sans Abri (ALSA) sur le sujet.

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Des colonies non désirées

Lorsqu’il a fondé l’AQPL en 2017, Jason Mossa a voulu combler un vide dans la protection de ces petites boules de poile bondissantes qui sont « de plus en plus populaires » comme animaux de compagnie selon lui. « Il existait une autre organisation, Lapins Secours Québec, qui se chargeait de ça, mais elle a arrêté ses activités il y a quelques années. Je me suis dit qu’il fallait absolument continuer leur mission pour le bien-être des lapins ».

Avec son association, Jason souhaite principalement sensibiliser les gens sur « ce que ça implique » de s’occuper de ces animaux à travers des campagnes d’information et des événements. « On a aussi travaillé avec la Ville de Montréal sur la nouvelle loi animalière pour inclure les lapins dans les considérations », explique-t-il, ajoutant du même coup que l’AQPL s’implique aussi à plusieurs niveaux de lobbying pour faire changer des lois provinciales et fédérales.

Les gens [abandonnent les lapins] dehors, ils se reproduisent très rapidement et ça crée des colonies comme on peut en voir à Châteauguay, Sorel-Tracy, Prévost et Longueuil. […] ils ne sont souvent pas équipés pour passer l’hiver.

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Plus récemment, Jason a dû faire plusieurs interventions de «sauvetage» sur le terrain. « Pendant la pandémie, tout comme pour les chiens et les chats, beaucoup de gens se sont acheté des lapins comme source de réconfort. Mais souvent, ils ne savent pas comment s’en occuper et finissent par s’en départir », estime le fondateur de l’AQPL, qui confie être allé chercher 9 bêtes à un domicile lundi après qu’un mâle et une femelle aient eu une portée, au grand désespoir de la propriétaire qui pensait s’être procuré deux femelles.

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S’il reconnaît que la pandémie a davantage compliqué les choses (refuges fermés, manque de ressources, etc.), Jason affirme que la situation était problématique bien avant la crise sanitaire et qu’elle ne fait qu’empirer d’année en année. « Les gens mettent les animaux dehors, ils se reproduisent très rapidement et ça crée des colonies comme on peut en voir à Châteauguay, Sorel-Tracy, Prévost et Longueuil. C’est non seulement désastreux pour les écosystèmes, mais aussi pour les lapins puisqu’ils ne sont souvent pas équipés pour passer l’hiver. Aucun animal ne devrait être abandonné de la sorte », laisse tomber Jason avec un trémolo dans la voix.

Un refuge plein à craquer

En quatorze ans de service, Nancy Lachance en a vu passer des lapins à son refuge Adoption Lapins Sans Abri situé à Québec. « Peu importe la période de l’année, c’est un animal qui a toujours été beaucoup abandonné selon mon expérience », avoue d’emblée la fondatrice de l’ALSA au bout du fil.

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Tout comme Jason, l’avocate de profession a bel et bien remarqué une augmentation significative d’adoption du petit animal bondissant depuis le début de la pandémie et note que le nombre d’adoption ne fait qu’augmenter depuis les 3 dernières années. « En popularité, je dirais que le lapin est quasiment aussi populaire que le chat en ce moment » estime Nancy Lachance.

Les réseaux sociaux, qui permettent aux amateurs de lapin de se rassembler, ainsi qu’une meilleure connaissance de l’animal qui n’est plus considéré nécessairement comme de la nourriture, mais plutôt comme un petit animal « mignon, propre et qui prend pas trop de place » seraient quelques-unes des raisons derrière cette popularité récente, selon la fondatrice du refuge.

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Elle mentionne que peu de nouveaux propriétaires savent qu’ils doivent faire stériliser leur bête rendue à un certain âge s’ils ne veulent pas que leur mignonne bestiole se reproduise à vitesse grand V et qu’il y ait une « forte odeur » qui en émane. « Plusieurs vont s’en débarrasser en les mettant dehors ou en les envoyant vers un endroit comme notre refuge lorsque des “complications”, comme des allergies ou le fait que les lapins rongent des fils dans la maison, commenceront à apparaître », ajoute la fondatrice de l’ALSA.

À l’heure actuelle, son centre peut accueillir entre 60 et 65 lapins à la fois. « Si on avait 500 places, elles seraient toutes prises, c’est sûr », laisse tomber Nancy, visiblement un peu à bout, qui précise prioriser les lapins provenant de SPCA ou d’animaleries sur le point d’être euthanasiés.

Pour adopter un lapin de l’ALSA, le potentiel acheteur doit remplir un questionnaire exhaustif, afin de s’assurer que ce n’est pas un achat « impulsif » et qu’il s’occupera comme il se doit de son nouveau compagnon. « Nos familles d’accueil sont choisies avec soin. On ne veut pas déplacer le problème d’un propriétaire à l’autre. C’est beaucoup de gestion et de temps, mais on veut bien faire les choses ».

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Sauver les lapins un par un

La situation problématique des lapins domestiques dans la nature est particulièrement complexe puisque ces mignonnes bêtes tombent « entre deux cracs » selon Jason. « Il n’y a pas vraiment d’organisme qui fait des sauvetages de lapin au Québec et ce n’est pas dans le mandat de la SPCA de faire ce genre de chose non plus. Ensuite, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs et les municipalités vont se lancer la balle pour savoir comment intervenir et c’est souvent très long », explique le fondateur de l’AQPL un peu découragé.

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Selon Nancy Lachance, une solution assez simple existe pour améliorer la situation. « Il faudrait interdire catégoriquement la vente de lapins non stérilisés dans les animaleries ou les SPCA partout au Québec. Ça viendrait couper le problème à la source et ça serait plus facile de faire notre job de protection ».

De son côté, Jason Mossa essaie tant bien que mal de faire sa part avec son association en donnant des soins aux petits animaux qui en ont besoin, en les stérilisant et en leur trouvant une bonne famille d’adoption pour s’en occuper.

Il faut en faire davantage pour que monsieur et madame Tout-le-Monde soient informés correctement sur les lapins

Avant que la situation s’envenime davantage et qu’elle devienne hors de contrôle, il aimerait que les gens aient de plus amples connaissances sur ces animaux. « C’est d’abord important de savoir si on a affaire à un lapin domestique en liberté, un lapin à queue blanche (sauvage) ou un lièvre. Si on n’est pas certain, on peut appeler notre centre de services animaliers local pour savoir quoi faire ».

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Nancy Lachance est d’accord avec Jason là-dessus : il faut en faire davantage pour que monsieur et madame Tout-le-Monde soient informés correctement sur les lapins. « Même s’il y a encore du chemin à faire, il faut dire que les choses se sont quand même améliorées depuis 10 ans. Il y a moins d’abandons qu’il y en avait à l’époque et il y a de plus en plus de campagnes de sensibilisation qui voient le jour », conclut la fondatrice de l’ALSA sur une note d’espoir.

Comme on le voit, avoir un lapin comme animal de compagnie n’est pas si facile que ça en a l’air. Si vous ne savez pas quoi faire avec le vôtre, plusieurs ressources existent pour vous aider. Mais dans tous les cas : n’abandonnez pas votre boule de poile dehors. Surtout pas en plein hiver.