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Les jeunes au pouvoir, c’est pour bientôt ?

Si engagés et légitimes soient-ils, les jeunes sont invisibilisés en politique depuis toujours.

Par
Lisa Coll
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Alors qu’Emmanuel Macron et son second quinquennat ne font pas l’unanimité, particulièrement en ce moment, la représentativité des citoyens en politique questionne de plus en plus. “Mettre l’avenir entre les mains de ceux qui vont le vivre” : c’est ce que souhaite Mahaut Chaudouët Delmas, autrice, podcasteuse, militante féministe et politique et chargée de mission au Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.

À l’occasion de la sortie de son livre Le pouvoir jeune, publié aux Éditions de l’Aube, nous nous sommes entretenus avec l’autrice.

38 % des jeunes âgés de 18 à 30 ans font partie d’une association, soit 6 points de plus qu’en 2017, comment expliquer que les jeunes s’engagent de plus en plus ?

Le monde est particulièrement sombre depuis quelques années : pandémie, guerres, injustices sociales, climatique, démocratique, montée des conservatismes… face à ça, l’époque crée des jeunes combattant·es. « Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve », disait Hölderlin. Contrairement à ce qu’on entend souvent dans le débat public sur une jeunesse désabusée, désoeuvrée, désengagée, en fait, partout et concrètement elle se mobilise : c’est comme ça qu’on voit des associations féministes, écologistes, antiracistes, des collectifs citoyens et solidaires éclore un peu partout.

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On voit émerger de très jeunes figures dans le monde, dont Greta Thunberg est la plus célèbre, mais je pense aussi à Malala Yousafzai, militante pakistanaise pour l’éducation des enfants, Joshua Wong Chi-fung, militant prodémocratie hongkongais, Sepideh Qolian, activiste politique en Iran, Melati et Isabel Wisjen qui luttent contre les déchets plastiques en Indonésie, Jazz Jennings pour les droits LGBTQ+ aux États-Unis. Et en France : Anissa Maille qui lutte contre les différents types de violences faites aux enfants et adolescentes via Young&Safe, Shanley Clémot McLaren qui répond à la violence en ligne en créant StopFisha, Achraf Manar qui fait de l’éducation populaire autour des enjeux environnementaux à travers Destins Liés, Lauren Lolo qui promeut l’engagement citoyen des jeunes de banlieues en fondant la Cité des chances, Hannah Assouline qui oeuvre à une issue pacifique au conflit israélo-palestinien à travers Guerrières de la paix, le syndicaliste lycéen Manès Nadel, les militant·es écologistes Camille Etienne, Stacy Algrain ou Vipulan Puvaneswaran, les journalistes Salomé Saqué, Hugo Clément, ou Hugo Travers…

On voit aussi les rangs d’associations parfois très identifiées se rajeunir drastiquement. Prenez la Croix-Rouge : un quart des bénévoles ont moins de 30 ans, et iels sont chaque année plus nombreux·ses. C’est sans doute aussi parce qu’en face, il y a de plus en plus de jeunes qui demandent de l’aide – la moitié des nouveaux bénéficiaires de la même Croix-Rouge ont moins de 25 ans en 2023… Pour toutes ces raisons, on voit de plus en plus de jeunes qui s’engagent par solidarité, pour croire encore, trouver du sens à nos existences collectives, changer le monde. Qu’iels en aient le pouvoir, c’est une autre question.

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Pourquoi ceux qui sont les premiers concernés par l’avenir de la France ne sont pas représentés en politique ?

Il y a trois principaux obstacles.

Il y a d’abord un “obstacle institutionnel” : les visages de notre démocratie représentative sont trop éloignés des “agissant·es” du quotidien, notamment cette partie de la jeunesse engagée dont je parle dans ce livre. Aujourd’hui, l’Assemblée nationale a 10 ans de plus que la France ! Certes, cela s’explique par le besoin impérieux de construire le pouvoir sur l’expérience et le savoir, mais aujourd’hui, quand on sait que les désastres de l’inaction écologique ne seront pas vécus demain par celleux qui décident aujourd’hui, ça ne peut plus être le seul prisme de fondement du pouvoir. Il faut faire de la place à celleux qui vivent concrètement les injustices, et notamment les injustices à venir. Mais ce n’est pas qu’une question d’âge : à l’Assemblée, on compte à peine 1% d’ouvrier.es, alors qu’iels composent plus de 12% de la population, et qu’on sait que les pauvres sont à la fois les moins pollueurs et les plus concernés par le réchauffement climatique. Or notre système représentatif fonctionne comme un cercle vicieux : comme on ne sent pas représenté·es, on ne va vouloir s’engager ni par le vote (par exemple, le sentiment d’un manque de représentation de leurs idées est le principal frein au vote des jeunes – 23% – selon le baromètre DJEPVA), ni par la voie militante. C’est le serpent qui se mord la queue.

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Ensuite, il y a un obstacle culturel : cette concentration du pouvoir crée un univers d’entre-soi où la domination et la violence, notamment masculine, règne et s’exerce à l’égard de toutes les catégories de population minoritaires en politique, pourtant quotidiennement plus concerné·es par l’impact des décisions qui y sont prises : femmes (3 élues sur 4 affirment avoir déjà subi des violences sexistes au cours de leur mandat), personnes racisées, défavorisées, non-valides, jeunes… et dans lequel il est donc difficile de se projeter, ou de se maintenir.

Enfin, il y a un obstacle matériel : les inégalités sociales se creusent, notamment chez les jeunes générations dont les conditions sont particulièrement dégradées : 1 jeune sur 4 est pauvre (contre 13% de la population), 1 sur 3 saute un repas par jour, 1 sur 2 doit financer ses études. Le taux d’emploi précaire des 15-24 ans a augmenté de 35% en 40 ans. Les jeunes générations payent leur logement presque 100% plus cher que leurs parents au même âge. Quand on cumule déjà nos études avec un boulot, on n’a concrètement pas la possibilité de s’engager en politique, qui demande beaucoup de temps pour comprendre le milieu, construire son réseau, travailler bénévolement, établir sa légitimité. Quand le frigo est vide, la première envie n’est pas celle d’aller à une Assemblée Générale de quartier.

Il y a toujours des jeunes qui s’engagent, mais ce seront celleux qui le peuvent matériellement, donc aussi celleux qui ne vivent pas concrètement les inégalités : et c’est là que le décrochage commence.

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Pourquoi, selon vous, est-il nécessaire qu’il y ait plus de jeunes au pouvoir ?

D’abord pour des questions de strict équilibre : parce que les seules représentations de la jeunesse qui habitent aujourd’hui le champ politique et médiatique sont la jeunesse délinquante et la jeunesse étudiante. Les rares jeunes politiques qui percent sont très souvent violentés, discrédités – on se souvient du jeune député Louis Boyard chez Cyril Hanouna – ou bien iels incarnent la “caution jeune” des groupes politiques pour lesquels elles fonctionnent comme de stricts émissaires d’affichage – à l’image de Jordan Bardella ou Gabriel Attal. Il faut qu’il y ait plus de jeunes précisément parce que “la” jeunesse ne se limite pas à ces profils très “système”, elle doit être présente dans sa diversité.

Ensuite, il faut qu’il y ait plus de jeunes au pouvoir pour des questions de qualité de la décision politique : c’est une question de parcours – vous n’allez pas avoir les mêmes priorités pour le collectif si vous êtes une jeune étudiante ou si vous cumulez les mandats depuis 30 ans. Par exemple, les femmes députées initient plus d’amendements sur les thématiques progressistes liées à l’enfance, l’immigration, l’égalité femme-homme et la santé. La demande de justice climatique et sociale est très forte chez bon nombre des 15-30 ans, qui ont grandi dans une ère de violences internationales, d’incertitude économique et financière, d’instabilité politique, de récession et d’explosion des dettes publiques, de crise environnementale, de tensions sociales, d’ultra-mondialisation et d’omniprésence du numérique, et qui connaissent précarisation, chômage structurel, difficulté d’accès au logement, fragilité psychologique, irréversibilité climatique, inégalités socio-économiques de long terme… Pour résumer, les jeunes sont les premier·es concerné·es par l’injustice climatique (précarité énergétique, catastrophes à venir), sociale (pauvreté, chômage, accès au logement), et démocratique (quasiment la moitié sont mal-inscrit·es sur les listes, par exemple). On peut logiquement attendre des arbitrages plus décisifs de leur part sur ces questions-là, s’ils·elles le pouvaient. C’est en ça que la diversité de représentation est si importante pour tout le monde.

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Enfin, si les jeunes ne constituent que des “demi-citoyen·nes” aujourd’hui, il est évident qu’iels seront pleinement les citoyen·nes de demain : il est donc essentiel de bien les politiser, et ça commence par traiter correctement leurs demandes, mieux les associer à la décision collective, cesser de penser pour elles·eux mais avec elles·eux, surtout quand ça les concerne directement. Au lieu de ça, quand iels se mobilisent – pour le repas du Crous à 1 euro, contre Parcoursup, le service national universel ou l’usage du 49.3 pour la seule année 2023 – on les infantilise. À force c’est sûr, iels ne peuvent répondre que par la colère ou l’abstention…

En quoi le fait que les « vieux » soient au pouvoir est l’illustration même d’une société patriarcale ?

J’ai du mal avec l’expression “les vieux” : je me bats tout au long de ce livre pour casser les stéréotypes qu’on porte aux “jeunes”, ce n’est pas pour le faire moi-même à l’égard de toute une génération. D’ailleurs, je l’explique longuement dans le livre, j’utilise le terme “les jeunes” ou “la jeunesse” par facilité langagière, mais quand on parle de 15% de la population, il faut bien comprendre qu’on ne peut l’essentialiser : “La jeunesse n’est qu’un mot” comme le dit Bourdieu. Et puis tout n’est pas qu’une question d’âge : par exemple, Macron a rajeuni de fait le pouvoir, mais en maintenant sous perfusion un système complètement sclérosé. D’ailleurs, on le retrouve dans le vote : il a été élu à 41% chez les plus de 70 ans. C’est moitié moins chez les moins de 24 ans.

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Il reste que le pouvoir politique tel qu’il existe aujourd’hui demeure englué dans des fonctionnements datés, et déséquilibrés : alors que la parité est un principe constitutionnel, à l’Assemblée et au Sénat, on compte encore un peu plus d’un tiers de femmes. Dans les territoires, seul·e 1 maire sur 5 est une femme, seule 1 intercommunalité sur 10 présente une femme à sa tête. 70% des communes françaises (soit plus de 25 000) sont encore des “zones blanches” de l’équité politique puisqu’elles se soustraient à toute règle élective paritaire. Parmi les adjoints, la part des femmes est inversement proportionnelle à la hiérarchie des postes. C’est une question de culture – longtemps le pouvoir politique a été taillé par l’homme et pour l’homme (je rajouterais l’homme aisé, haut-fonctionnaire, blanc) – et c’est une question de cumul – 8 élu·es sur 10 en situation de cumul de mandat sont des hommes, créant déjà de vrais systèmes de baronnies, et empêchant tout renouvellement nécessaire des incarnations politiques, notamment féminines. La lenteur avec laquelle on se détache d’une histoire politique construite sur une incarnation masculine, verticale, patriarcale, est symptomatique de la disqualification encore lancinante des femmes et des minorités de genre pour la pratique du pouvoir.

Le paternalisme s’exerce avec la même logique, et avec encore moins de retenue, à l’égard des jeunes générations, à qui on assène qu’elles trouveront du travail “en traversant la rue”, qu’on immobilise genoux à terre, têtes baissées, pour qu’elles se “tiennent sages”, à qui on cherche régulièrement à imposer l’uniforme ou une “tenue républicaine”, ou dont on pense que l’engagement politique se limite à tel ou tel challenge TikTok, à qui l’on fait des procès en naïveté dès qu’elle émet le moindre avis. Au sein des partis, les jeunes sont souvent une variable d’ajustement et d’affichage en fonction des positions. 3% à l’Assemblée nationale, 0,3% au Sénat, les jeunes entre 18 et 30 composent pourtant 13,7% de la population. Une fois élu·es, les jeunes, et les jeunes femmes notamment, sont exclu·es des postes à responsabilité : aucun·e député·e de moins de 30 ans n’occupe un poste de président·e des 10 groupes politiques, aucun ne préside une des 8 commissions permanentes, aucun·e n’occupe un des 22 postes du Bureau de l’Assemblée nationale, ni vice-présidence, ni questure, ni secrétariat. Au nom de quelle supériorité ?

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Pourquoi dit-on encore que les « jeunes sont des branleurs » alors que vous affirmez tout le contraire ?

Les jeunes générations ont toujours fait l’objet de fantasmes… C’est particulièrement le cas de la “génération Z” (née au tournant du siècle) qui est souvent vue comme paresseuse. Dans son livre Sois jeune et tais toi, la journaliste Salomé Saqué a décortiqué très méthodiquement ce discours qui vise à discréditer toute une génération dans son rapport au travail. Une génération qui est pourtant plus diplômée mais moins embauchée : le chômage des jeunes est plus de deux fois supérieur à la moyenne nationale. Quand iels ont un emploi, iels sont plus nombreux que leurs aîné·es au même âge à être dans des formes d’emploi précaires (CDD, stage, intérim, micro-entreprise, etc). À cela s’ajoutent les “ni ni”, qui ne sont ni en emploi ni en études, soit un million de personnes (un jeune sur huit).

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Le débat public est donc vraiment mal posé. Beaucoup d’études sociologiques montrent au contraire qu’il y a un attachement très fort au travail de la part des jeunes, notamment ceux et celles issu·es des classes populaires. Tellement fort qu’une bonne partie de ces nouvelles générations interrogent la place travail dans nos existences – en remettant en cause la culture du burn-out, de l’idéal capitaliste qui éreinte les corps et la planète, le productivisme forcené – tout en réaffirmant son rôle, en cherchant à l’investir d’un sens existentiel. Au lieu de faire passer les jeunes pour des glandeurs, on devrait s’en inspirer !

Êtes-vous pour l’abaissement du droit de vote en France ?

Oui. D’abord, parce qu’on n’a pas besoin d’attendre 18 ans pour s’émanciper, payer des impôts ou conduire. Alors pourquoi attendre pour participer politiquement, surtout lorsqu’on sait que les jeunes de 16-17 ans sont politisé·es ? Les mineur·es composent 1/5e de la population française, leur voix n’est-elle pas aussi importante que les autres ? Un des arguments contre cet abaissement, c’est l’abstention, or plus les individus votent tôt plus ils vont voter tout au long de la vie : abaisser le droit de vote, c’est donc au contraire un moyen de lutter contre l’abstention ! En plus le taux de participation des primo-votant·es de 16-17 ans est en général plus élevé du fait d’un contexte matériel plus favorable (vivant encore chez leurs parents, ils·elles comptent moins de mal-inscrit·es, étant encore dans le système scolaire, ils·elles sont mieux informé·es).

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Aussi parce que la pyramide des âges et le vieillissement de la population font de la jeunesse une incompressible minorité. Le Brexit, l’élection de Donald Trump, les récents cataclysmes électoraux ont montré que les voix des personnes les plus âgées hypothèquent l’avenir des plus jeunes. L’abaissement du droit de vote peut rééquilibrer cette donne. Mais surtout, cela servirait à mieux politiser les jeunes générations, qui se sentiraient alors plus concernées par le champ politique.

Enfin parce que prendre en compte l’avis des plus jeunes c’est aussi mieux connaître leurs besoins et mieux adapter nos politiques publiques. 5 pays de l’Union européenne l’ont fait, on peut le faire ! Mais on ne peut pas s’arrêter là, il faut aussi penser d’autres mécanismes de participation continue, qui ne consistent pas seulement à voter pour quelqu’un·e tous les 5 ans : réformer l’éducation morale et civique, limiter le cumul des mandats, créer des cellules de formation et de transmission dans les partis politiques…

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Pourquoi ne pas avoir développé la montée du militantisme des jeunes de droite dans votre livre ?

En effet, beaucoup de jeunes à droite, à l’extrême droite, font de la politique, parfois même à un niveau bien supérieur, à l’image de Jordan Bardella. Si je ne parle pas d’elleux dans ce livre, c’est d’abord parce que je ne parle pas beaucoup d’étiquettes droite ou gauche, qui n’ont plus tellement de sens pour beaucoup de jeunes générations. C’est aussi que je suis partie non pas d’une problématique d’âge, mais vraiment de renouvellement des idées et des méthodes politiques. Et pour moi, les jeunes des blocs de l’exclusion (par le nationalisme ou le capitalisme) n’incarnent qu’un renouveau générationnel d’idées conservatrices et de vieux fonctionnements politiques. Parfois même ils·elles l’aggravent : le parti Reconquête d’Eric Zemmour est rempli à craquer de jeunes hommes conquis par les idées masculinistes et rétrogrades.

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Je m’intéresse moins à “la jeunesse” comme catégorie politique ou sociale qu’à ceux et celles qui réinventent le sens de l’engagement politique (au sens noble – collectif, pour la cité), font rupture, questionnent de fond en comble nos modèles, proposent des alternatives, interrogent notre rapport au travail, au genre, à l’autre, au vivant, à la planète, promeuvent de nouvelles façons de militer par l’éducation populaire, l’autodidactie, la prise directe avec les causes, l’horizontalité et l’inclusivité des luttes… et qui s’avèrent très nombreux·ses, finalement, à être jeunes. Et c’est aujourd’hui du côté des luttes de l’arc social, populaire, écologique – traditionnellement la gauche – que cette nouveauté s’exerce et s’affirme, mais sans que ce soit une identité structurante.

Croyez-vous à une révolution jeune, à court ou moyen terme, capable de soulever le pouvoir politique actuel ?

Je pense que notre génération ne veut pas tellement la révolution. On ne veut juste plus être des citoyen·nes par éclipses, être négligé·es parce qu’on n’est pas un public très stratégique électoralement.

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D’ailleurs même si on voulait faire la révolution, on ne le pourrait pas : on entend beaucoup “c’est à vous de changer le monde !” mais on a économiquement très peu de moyens de le faire, il faut d’abord pouvoir manger et se loger pour s’organiser politiquement.

J’ai un autre souhait : celui que le système politique fasse sa propre révolution. Aujourd’hui, seuls 18 % des Français·es estiment que les décisions prises par les politiques ont un impact positif sur leur vie, 82 % pensent important d’associer les citoyen·nes aux initiatives visant à transformer le fonctionnement de nos institutions. Le système politique ne parle plus à personne. C’est à lui de changer, et pleins de solutions existent : limiter les mandats, les salaires, les privilèges, renouer avec l’éducation civique et la transmission, rendre sa qualité au débat public, rompre avec la culture de la violence – notamment sexiste -, cesser d’être dogmatique, sectaire, outrancier, changer les modes de scrutin, faire participer continuellement les citoyen·nes à la décision – et notamment les plus exclu·es du pouvoir : femmes, pauvres, racisé·es, non-valides… et jeunes.

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Qu’est-ce que l’académie des futurs leaders ?

C’est un des nombreux collectifs qui ont essaimé ces dernières années – Investies, Génération Leaders, Different Leaders, Destins liés… – qui ont pour ambition de former de jeunes citoyens, notamment celles et ceux issu·es des quartiers populaires ou des minorités. L’Académie des Futurs Leaders rompt notamment avec le principe d’autopromotion, puisqu’on ne peut qu’être inscrit·e au programme par d’autres personnes, sur le modèle de Justice Democrats qui a fait d’Alexandria Ocasio-Cortez, serveuse dans le Bronx, la plus jeune parlementaire jamais élue au Congrès des États-Unis. Mais face à l’hermétisme et l’entre-soi des partis politiques, c’est encore difficile en France d’imaginer de pareilles trajectoires.

Sur quelles nations ou dispositifs étrangers la France peut-elle prendre exemple ?

Pleins d’initiatives existent pour émanciper politiquement les jeunesses et surtout améliorer notre système démocratique par la même occasion : l’Irlande, le Canada ou l’Islande ont tenté le tirage au sort pour engager des réformes fondamentales de leurs pays. L’Ecosse, l’Autriche, la Belgique, Malte ont abaissé le droit de vote à 16 ans. On peut aussi s’intéresser aux systèmes partisans étrangers : par exemple au parti libanais Sabaa qui est organisé selon un système de mentorat et de solidarité intergénérationnelle, ou au Parti vert d’Aotearoa en Nouvelle-Zélande, qui a intégré de façon très significative les jeunes militant·es aux processus décisionnels. On peut aussi parler de l’initiative législative Not too young to run au Nigéria, où 70% de la population a moins de 35 ans. Véritable plaidoyer pour abaisser l’âge légal pour se présenter à des élections, cette disposition a eu un écho mondial pour pousser des jeunes leaders politiques à s’engager.

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Mais on n’a pas forcément besoin de regarder chez nos voisins : on pourrait réformer des institutions existantes ici en France, à qui donner des vrais pouvoirs, comme le Conseil d’orientation des politiques de jeunesse ou le Parlement des enfants. Le Conseil économique social et environnemental est l’une des seules structures à institutionnaliser la consultation des jeunes à travers les pétitions citoyennes : il faut généraliser cette pratique à travers un vrai référendum populaire, ne nécessitant “que” 500 000 ou 1 million de signatures au maximum (contre 5 millions aujourd’hui), et en menant des campagnes de participation ciblées jeunes. On pourrait aussi pousser à une refondation des partis politiques : leur financement (créer, comme le propose l’économiste Julia Cagé, des “bons” citoyens de 7 euros, que chacun·e pourra annuellement flécher vers un parti de son choix au moment de sa déclaration de revenus) ou leur système d’investiture (séparer les pouvoirs entre les chefs de partis et l’investiture aux élections pour casser le système de féodalité et d’ancienneté).

Et certains dispositifs n’existent pas, ils sont tout entiers à imaginer : pourquoi pas créer un statut de citoyen·ne participant·e comme c’est le cas pour le juré d’assises, avec un aménagement d’horaires professionnels. Pourquoi pas aussi un Parlement du long terme avec au moins une partie de ses membres tiré·es au sort, et avec une pondération générationnelle des voix en fonction de l’impact qu’aurait telle ou telle décision à 20, 50, 100 ans. Quoi qu’il en soit, on aurait tout intérêt à intégrer les jeunes, notamment les enfants qui par essence n’ont aucune limite imaginative, à ces projets émancipateurs. Je suis certaine qu’on aurait des idées géniales. Pour 2024, on peut porter cette résolution !

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Le pouvoir jeune est disponible à l’achat en ligne ou en librairie.