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Les charmes jetables de « Mr. & Mrs. Smith »
Les films et séries d’espionnage ont presque tous une caractéristique commune.
Elles mettent en vedette des personnages qui disparaissent derrière leur travail. Personne ne sait quelle école James Bond a fréquentée ni même ce qu’il préfère manger pour déjeuner. Le charme iconique, les scènes enlevantes et les gadgets technologiques sont plus importants que le personnage et le réalisme. Et même dans les séries d’espionnage qui se veulent plus contemporaines comme Homeland, le job prime sur l’individu. Après tout, on n’a jamais su grand-chose à propos du valeureux Peter Quinn, à part qu’il avait un crush sur Carrie et qu’il excellait dans les arts occultes du meurtre et de la torture.
Puis, il y a des productions comme la nouvelle itération de Mr. & Mrs. Smith, qui cherchent plutôt à explorer l’humanité de ses personnages. Il ne s’agit toutefois pas d’une première dans le genre. Il y a eu le film original, bien sûr, mais le dessin animé Archer a également fait le tour de la question pendant quatorze saisons dans toute sa gloire rétro-yéyé-psychédélique.
Le dernier bébé des génialissimes cerveaux de Donald Glover et Hiro Murai, Mr. & Mrs. Smith s’avère toutefois la tentative la plus ambitieuse de cerner le concept, et c’est à la fois réconfortant et complètement oubliable, comme une commande McDo à trois heures du matin.
La partie qui fonctionne
Mr. & Mrs. Smith raconte l’histoire d’un homme (Donald Glover) et d’une femme (Maya Erskine) choisis par une agence d’espionnage ultra-secrète pour effectuer des missions à haut risque sans trop poser de questions. Leur couverture? Un couple nouvellement marié. Il ne s’agit donc pas exactement de la même prémisse que celle du film de 2005 où un couple déjà marié découvrait leur emploi respectif pour des agences d’espionnage en compétition.
Le couple a droit à trois échecs, sans quoi il subira une conséquence inconnue.
On ne se mentira pas : Donald Glover pourrait rendre n’importe quelle situation à la fois sexy et attachante.
Dans Mr. & Mrs. Smith, il incarne un petit garçon à maman ouvert et sensible qui prend un boulot à l’agence après une expérience traumatisante en Afghanistan. Maya Erskine (qui a remplacé Phoebe Waller-Bridge au pied levé dans le rôle principal) lui donne la réplique plus qu’adéquate en incarnant une jeune femme efficace, débrouillarde et indépendante, qui éprouve beaucoup de difficulté à faire confiance.
Il y a un inévitable plaisir voyeur à regarder un couple se découvrir l’un l’autre. Les moments complices, les petites manies, le désir latent et l’intégration graduelle de la banalité du quotidien dans la passion des débuts, c’est quelque chose qu’on aura tous vécu au moins une fois dans sa vie (si on est chanceux), et c’est à la fois rocambolesque et original de voir deux jeunes personnes passer ce rite initiatique dans des circonstances de vie ou de mort. La grande vedette de la série, c’est sans contredit la chimie entre ses deux acteurs principaux.
À titre d’exemple, le dîner d’amis avec les « autres Smith » dans le quatrième épisode est une de mes scènes préférées. La connexion authentique entre nouveaux amis qui se mélange aux rires forcés et aux silences malaisants est un cocktail à la fois surréel et profondément humain.
Bon, je dis ça et, je l’avoue, je regarderais Donald Glover parler à une serpillère pendant vingt-quatre heures dans une pièce de théâtre expérimental. Le gars est transcendant, que voulez-vous ?
C’est aussi difficile de différencier le personnage de l’interprète tout au long de la série. On dirait juste Donald Glover qui remplace un autre acteur moins talentueux et charismatique supposé interpréter John Smith.
Mes respects aussi à Maya Erskine qui fait son gros possible, mais maintenant que je sais que Phoebe Waller-Bridge était supposée incarner le rôle principal, on dirait que je comprends mieux pourquoi le reboot d’un film qui n’était pas si bon que ça au départ existe.
Là où ça fonctionne un peu moins bien
À la base, Mr. & Mrs. Smith est un concept complètement divorcé du réel. Mais, il faut se l’avouer, les fictions d’espionnage le sont toutes un peu à leur manière, parce que personne ne sait vraiment comment ça se passe, la game des agents secrets.
C’est entendu d’entrée de jeu que l’inclusion d’éléments d’espionnage est accessoire à ce qui se veut essentiellement une comédie dramatique. Sauf qu’ici, c’est un peu trop accessoire. John et Jane courent comme des poules pas de tête, kidnappent des personnages qu’on ne connaît pas pour les emmener on ne sait où et se battent contre d’autres personnages interchangeables sans jamais vraiment se questionner sur ce qui leur arrive. Ils ne sont que les employés d’une multinationale ultra-secrète qui contrôle leurs vies.
Oui, je comprends que la série fonctionne comme une allégorie de notre rapport au travail.
Le refus de John d’abandonner sa mère malgré les dangers inhérents de son boulot en est l’exemple le plus clair et attendrissant. Il s’accroche à elle comme dernier lien à une identité qu’il perd graduellement.
Mais somme toute, la série ne dit quand même pas grand-chose à ce sujet, à part qu’être trop attaché à son boulot, c’est dangereux pour sa santé physique et mentale. Si vous voulez une série complètement divorcée du réel qui aborde cette thématique, je vous conseille fortement Severance sur Apple TV+. Le propos y est beaucoup plus assumé.
C’est aussi probablement moi qui éprouve une écœurantite aiguë pour les scènes d’action hyperchorégraphiées sans enjeux importants, mais j’ai trouvé que Mr. & Mrs. Smith perdait énormément de temps et d’énergie à ficeler des scénarios qui ne mènent nulle part, juste pour mettre en scène un jeune couple qui s’obstine sous pression. C’est cute pendant deux épisodes, mais ça devient vite redondant.
Personnellement, ma scène de combat préférée des dernières années, c’est celle à la fin de Squid Game où les deux protagonistes passent le plus clair de leur temps à crier et pleurer au lieu de se tapocher. Une scène lourde en émotions qu’on ne retrouve malheureusement pas dans cette série-ci.
Votre appréciation de Mr. & Mrs. Smith dépendra de votre niveau de patience envers les scènes d’action télégraphiées (vous aimerez peut-être ça plus que moi).
J’ai personnellement trouvé ça moyen et, surtout, dénué de surprises. En gros, c’était exactement ce à quoi je m’attendais. Si vous voulez vraiment voir un petit couple cute, mais dysfonctionnel, je vous conseille plutôt de regarder l’autre série de Donald Glover, Atlanta. En plus, vous en avez pour quatre saisons d’un inoubliable OVNI télévisuel.
Pour ce qui est de Mr. & Mrs. Smith, vous aurez tout oublié avant l’été, comme vous avez oublié votre dernier passage au McDo. Ça, je pourrais le parier.