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Léonie Pernet : l’interview qui répare le monde

Par
Elise Gilles
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DJ, musicienne, compositrice de musiques de films et meuf aux beaucoup trop nombreux talents, Léonie Pernet a sorti le 6 juin 2025 son 3e album “Poèmes pulvérisés” et le monde n’est pas prêt. Après deux premiers opus encensés par la critique, cette nouvelle livraison de poésie musicale s’annonce encore un carton plein pour l’artiste qui a déjà entamé sa nouvelle tournée internationale. Accrochez-vous à vos écoutilles !

Le premier titre dévoilé de ton nouvel album s’appelle “Réparer le monde”, mais comment on le répare : plutôt avec du scotch ou avec de la glue ?

Léonie Pernet : On répare avec du lien, essentiellement. Et le lien, c’est fragile, je dirais donc clairement avec du scotch.

Le nom de ton album “Poèmes pulvérisés” est une référence à René Char : est-ce que tu peux nous en dire un peu plus sur ce bonhomme et comment il t’influence ?

René Char, c’est un poète du siècle dernier, poète de l’intensité, de la fulgurance. Il fut résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, sous le nom de Capitaine Alexandre. Cette expérience a marqué sa vie et son écriture, notamment celle de son recueil, Le poème pulvérisé. J’aime sa façon de faire imploser le Verbe pour dire l’indicible. Il ne cherche pas à expliquer, mais à révéler. Il m’inspire par son intégrité et la foi qu’il a en le pouvoir transformatif de l’écriture.

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Les images de guerre, notamment en Ukraine, ont aussi influencé ton écriture et ta création sur ce nouvel album. Tu nous expliques ?

Cet album est naturellement traversé par ces questions-là, car je le suis, car nous le sommes. L’Ukraine a été, je crois, le premier grand choc de ces trois dernières années pour nous, Européens. La guerre revenait sur le continent, nous étions sidérés. Mais c’est Gaza qui est depuis venu supplanter cet effroi, et de la sidération, nous voilà désormais plongés dans une peine infinie. J’ai depuis longtemps une nature politiquement intranquille. J’ai toujours été poreuse au fracas.

Est-ce qu’utiliser la poésie dans ton art, c’est ta façon à toi de lutter contre ces trucs super moches dans le monde (et on parle pas que de la coupe de Donald Trump) ?

Plus que ma façon de lutter, je crois que c’est ma façon de comprendre et d’appréhender le monde.

Tu as plusieurs fois pris la parole dans les médias pour montrer ton engagement politique de gaucho, notamment en 2022 avant le second tour Macron-Le Pen. Comment tu envisages 2027 ? Et on fait quoi d’ici là ?
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En 2022, j’avais publié une tribune dans Les Inrocks pour appeler à faire barrage à Le Pen au second tour, tout en encourageant un vote pour l’Union populaire aux législatives. De l’eau a coulé sous les ponts depuis… Pour 2027, honnêtement, je n’ai pas de réponse toute faite. Mais je sais qu’il va falloir se battre ardemment. Et anticiper…. Des choses sont en train de se créer, j’ai discuté récemment avec quelques musicien.ne.s qui désirent s’organiser, mettre à profit leur influence, réfléchir ensemble et dès maintenant… Des alliances se cherchent. La lutte contre l’accession au pouvoir de la droite réactionnaire et l’extrême droite doit rester notre priorité absolue.

Tu as déjà entamé ta tournée internationale pour “Poèmes Pulvérisés” : comment ce nouvel album est-il reçu par le public ? Et évidemment : c’est qui le meilleur public pour le moment ?

La réception est vraiment très forte et très belle, ça me porte énormément… Le public reçoit les nouveaux morceaux avec beaucoup d’intensité. Parfois des personnes viennent me parler après les concerts, très émus, comme si quelque chose s’était ouvert en eux. Quant au meilleur public… pour éviter une quelconque crise diplomatique, je dirais que c’est celui qui connait les morceaux !

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C’était comment d’être jurée de la Queerpalm au festival de Cannes ?

C’était intense, joyeux, prenant ! Cannes, c’est un tourbillon, mais la Queer Palm, c’est un espace à part… Plus libre, plus politique, plus queer, donc fatalement plus cool haha. Être jurée de la Queer Palm, c’est à la fois un honneur et une responsabilité : on regarde des films souvent très engagés, parfois moins, mais toujours qui racontent les marges, le désir, les luttes… J’ai adoré la teneur des débats que nous avons eus pendant le diner de délibération, et le président de notre jury, Christophe Honoré, a été d’une très grande élégance et d’une capacité d’écoute qui m’a beaucoup touchée.

Est-ce qu’il y a un film en particulier pour lequel tu aimerais ou aurais bien aimé composer la musique ?
Un film en particulier, je ne sais pas, mais justement, j’aime beaucoup le regard d’Hasfia Herzi à qui l’on a remis la Queer Palm. J’aime également beaucoup le regard de réalisatrices comme Alice Winocour ou Rebecca Zlotowski pour ne citer qu’elles. Il y a Céline Sciamma aussi évidemment, mais c’est mon copain Para One qui compose la musique de ses films donc pas touche ! <3
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