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LEGO non genrés et Superman bisexuel : la diversité sexuelle et de genre dans la culture pop

Un pas dans la bonne direction ou du simple « queerbaiting » ?

Par
Laïma A. Gérald
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En début de semaine, on apprenait que la compagnie LEGO bannirait désormais les stéréotypes de genre de ses produits. Selon le quotidien américain The Guardian, le plus grand fabricant de jouets au monde a pris une grande décision : retirer les mentions « pour filles » ou « pour garçons » de son marketing.

L’article révèle également que selon une enquête mondiale, 71 % des garçons ont peur de faire l’objet de moqueries s’ils s’amusent avec des jouets dits pour les fillettes, une crainte également partagée par leurs parents.

Parallèlement, le 11 octobre dernier, à l’occasion de la Journée internationale du coming out, DC Comics a annoncé que son nouveau Superman Jonathan Kent, le fils de Clark Kent et de Lois Lane, ferait son coming out bisexuel. Dans le cinquième numéro de Superman: Son of Kal-El, qui sortira le 9 novembre, Jonathan Kent entamera une relation amoureuse avec le reporter Jay Nakamura, avec lequel il était ami depuis le numéro d’août.

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« J’ai toujours dit que chacun avait besoin de héros et avait le droit d’être représenté par ces héros », a expliqué Tom Taylor, l’auteur de la BD.

Pour comprendre l’impact de ces deux nouvelles survenues la même journée, nous avons discuté avec Catherine Duclos, présidente du GRIS-Montréal.

​​Le GRIS-Montréal (Groupe de recherche et d’intervention sociale) est un organisme communautaire à but non lucratif fort de 250 bénévoles qui démystifie les orientations sexuelles et les identités de genre par la méthode du témoignage.

Catherine, selon toi, quel est l’impact d’une nouvelle comme celle de LEGO, qui s’efforcera désormais de supprimer les stéréotypes de genre de ses jouets ?

C’est vraiment une bonne nouvelle de retirer les étiquettes de genre des jouets. Ça envoie un message clair aux enfants et aux familles : l’identité des enfants, leurs intérêts, leurs goûts et leurs compétences sont valides.

« Ça envoie un message clair aux enfants et aux familles : l’identité des enfants, leurs intérêts, leurs goûts et leurs compétences sont valides. »

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Au GRIS, nous sommes des bénévoles de la communauté LGBTQ+, et une des choses qui nous unit, c’est qu’on a grandi avec le sentiment de ne pas correspondre aux stéréotypes de ce que la société attendait de nous. Et ça, ça vient avec un lourd sentiment d’invalidité quand on réalise qu’on n’entre pas dans la boite dans laquelle la société essaye de nous mettre. Alors, en enlevant la petite boite, ce qu’on fait, c’est qu’on dit aux jeunes qu’ils et elles sont valides et qu’ils peuvent aimer ce qu’ils veulent.

Une étiquette de genre sur un jouet, ça représente quoi plus largement ?

Ça peut paraître anodin, mais une mention « pour filles » ou « pour garçons », ça étouffe les intérêts et les aptitudes naturels des enfants. Ça les empêche de se découvrir et de se réaliser pleinement, parce qu’on leur dit comment ils et elles devraient être et comment ils et elles devraient le faire. Donc il reste du chemin à faire, mais une initiative comme celle de LEGO est un pas dans la bonne direction. Et l’impact est non seulement positif sur les jeunes, mais aussi sur la société en général.

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L’article du Guardian révèle que selon une vaste étude, c’est socialement mieux vu pour une fille de jouer avec des jouets dits « de garçon » que l’inverse. Pourquoi, selon toi ?

La société perçoit encore les sciences, les technologies, l’ingénierie et les mathématiques comme des domaines nobles et utiles à la société. Et ces domaines-là sont encore très associés aux intérêts des garçons. Ça se transcrit à travers des jeux de logique, de construction, de blocs, etc.

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Depuis environ une décennie, on remarque qu’il y a beaucoup d’efforts qui sont déployés pour que les filles qui ont ces intérêts-là se sentent légitimes. Mais malheureusement, l’inverse n’est pas vrai. On ne valorise pas autant les carrières et les aptitudes, qui sont traditionnellement associées aux intérêts et aux rôles féminins. On peut penser à tous les métiers de soin (de care) qui inspirent les poupées, jouer à la maman, à la professeure, etc.

Donc dans cette optique-là, c’est bien pour une fillette d’aimer la science et la technologie et les jouets qui en découlent. Mais pour un garçon, ne pas aimer la science et la technologie et préférer autre chose, c’est là que ça pose problème.

Et plus globalement, ça envoie le message que les garçons et les hommes sont là pour faire avancer la société alors que les filles et les femmes sont là pour prendre soin des autres. C’est tout ce portrait-là qui est véhiculé par les étiquettes qui genrent les jouets.

Certaines personnes prétendent que la décision de LEGO s’inscrit dans une dynamique de queerbaiting et qu’il s’agit d’une décision purement marketing. Qu’en penses-tu ?

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Je ne considère pas que ce soit du queerbaiting. On associe souvent « non genré » à la communauté queer, mais c’est tellement plus vaste que ça. En fait, je considère que le message de LEGO ne vise pas précisément la communauté LGBTQ+, c’est beaucoup plus large et ça touche absolument tout le monde, peu importe son orientation sexuelle ou son identité de genre.

« Selon moi, la société en ressort plus forte quand chaque individu a le droit d’être qui il veut, d’aimer ce qu’il veut (…). »

Selon moi, la société en ressort plus forte quand chaque individu a le droit d’être qui il veut, d’aimer ce qu’il veut, de se réaliser comme il le souhaite et selon ses intérêts. Nous sommes tous et toutes différent.e.s et c’est à partir de ces différences-là qu’on grandit en tant que société.

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En retirant les étiquettes, on cesse d’imposer des limites à des jeunes en train de se développer. On veut les laisser rêver et leur dire que ce qu’ils et elles souhaitent être, c’est valide. Évidemment, ça rejoint la communauté LGBTQ+, parce qu’il y a beaucoup de membres qui ont souffert de ça étant enfants.

DC Comics
DC Comics

Parlons maintenant du nouveau Superman bisexuel. Comment perçois-tu cette annonce ?

Ça aussi, c’est une excellente nouvelle parce que ça donne un modèle de plus aux jeunes. Les jeunes, et dans ce cas-ci les jeunes LGBTQ+, ont besoin de savoir que la diversité existe et que leur orientation sexuelle est valide.

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Ça envoie aussi un autre beau message : tu peux être bisexuel.le et superhéros ! Tu peux jouer un rôle clé dans la société et aider les gens, peu importe que tu sois hétéro, bi ou queer.

Un personnage comme ça, ça vient également briser les stéréotypes. On associe souvent les superhéros aux stéréotypes masculins hétéros : la virilité, la force, la rapidité, la puissance, sauver le monde (rires). Mais ici, on dit : « On peut être tout ça et être bisexuel, ça se peut. » Donc selon moi, ça peut jouer un rôle dans la perception des autres et de soi-même.

Pour les jeunes LGBTQ+, ça peut être très rassurant d’être représenté.e.s dans les jouets et dans les personnages qui occupent l’imaginaire. C’est majeur : quand tu te sens représenté.e, tu te sens valide. Et quand, en plus, tu te sens représenté.e par un SUPERHÉROS, ça aide à prendre conscience qu’une orientation sexuelle non hétéro n’a pas à te définir entièrement.

L’orientation bisexuelle de Jonathan Kent fait partie de lui et de l’histoire, mais ce n’est pas toute l’histoire et ce n’est pas non plus toute son identité. La nuance est importante.

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Ça me fait penser à l’histoire du joueur de hockey Luke Prokop, qui a fait son coming out homosexuel en juillet dernier, tout comme l’a fait Jérémy Clamy-Edroux, premier rugbyman à déclarer son homosexualité. Ce ne sont pas des exemples tirés de la fiction, mais j’ai l’impression que le symbole et la manière dont ça frappe l’imaginaire et brise les stéréotypes sont similaires.

Oui. Ici aussi, on est dans la déconstruction d’une certaine masculinité associée à l’hétérosexualité. Les modèles de genre dans le milieu du sport de haut niveau sont encore rares, mais tellement importants pour briser les stéréotypes de genre. Ça fait réaliser à tous et toutes qu’on peut être fort.e, sportif.ive, et être gai.e ou bi.

Si je reviens à la mission du GRIS, on va dans les écoles, on raconte nos histoires et on agit comme modèle pour les jeunes, pour normaliser les réalités LGBTQ+. Les nouvelles de LEGO et de Superman, en cherchant à offrir des modèles diversifiés, envoie un feu vert comme quoi les jeunes peuvent se développer comme ils et elles l’entendent.

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Quand on suit notre voix intérieure, notre cœur et nos passions, on devient des êtres humains extraordinaires et on a tellement à offrir à la société.