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L’école des fafs de Marion Maréchal (Le Pen) fait aussi sa rentrée

Par
Oriane Olivier
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Marion Maréchal (Le Pen) l’a annoncé cet été sur la plateforme X (ex-Twitter), l’ISSEP, l’institut de science politiques privé qu’elle a fondé à Lyon pour concurrencer le mastodonte Sciences Po – dont l’enseignement est jugé trop orienté à gauche par la vice-présidente de Reconquête – va bientôt ouvrir une nouvelle antenne à Paris. Pourtant la première école, qui s’est installée en 2018 dans la Capitale des Gaules, ne fait déjà plus bander grand monde. Son modèle économique ne tiendrait même qu’à un fil, et à la générosité de quelques mécènes traditionalistes, d’après un article paru en 2022 dans Le Monde qui révèle que “87,4 % du chiffre d’affaires de l’Issep est constitué par ‘des ressources liées à la générosité du public”, mais également que “les revenus tirés des étudiants ont baissé en un an de 28,8 %”.

Ce qui n’empêche pas le centre de formation pour futurs petits kapos du management d’entreprises ou de la communication d’essaimer dans d’autres villes, tels des Poudlard du néo-fascisme. D’ailleurs, une autre filiale avait déjà vu le jour en Espagne en 2020, également financée en coulisse par de très discrets bienfaiteurs. Mais si on ne connaît pas l’identité des donateurs qui ont mis la main au porte-monnaie pour permettre à ce troisième établissement de s’implanter dans le XVème arrondissement de la Capitale, on sait déjà à quoi peuvent s’attendre les futur.es étudiant.es du campus parisien.

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CE QU’ON TROUVERA À L’ISSEP

UN PROGRAMME ÉCLECTIQUE

Parmi les enseignements dispensés au sein de l’établissement, on retrouve bien sûr les grands classiques de ce type de cursus : géopolitique, droit européen, communication institutionnelle, philosophie… Mais également des intitulés de cours qui laissent songeur. Comme cette “histoire de l’esclavage”, dont l’instruction est assurée à Lyon par Philippe Pichot Bravard, docteur en droit mais également animateur depuis 2004 d’une émission sur Radio Courtoisie. Mais si, vous savez ! Cette radio associative qui avait fait les gros titres après que son ancien président Henry de Lesquen a été condamné par la justice à 16 000 euros d’amende pour des tweets révisionnistes et racistes du genre : “Centrée sur le rythme, la musique nègre s’adresse au cerveau reptilien”. Bien qu’il ait été dégagé de l’antenne depuis par les administrateurs du média inquiets de voir disparaître leur fréquence, il regrettait encore en 2020 sur son blog (dans un billet toujours en ligne à l’heure actuelle) l’abolition de l’esclavage, qu’il décrivait comme un “moindre mal” vertueux et bénéfique pour l’économie. Vivement les partiels de fin de semestre !

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DES ACTIVITÉS DIVERSES POUR COMPLÉTER VOTRE FORMATION

Au menu, des stages de cohésion, de leadership, mais surtout des stages dits “d’aguerrissement” en nature. Et ce terme, dont la définition exacte renvoie au champ lexical martial (“Fait de s’aguerrir, de s’accoutumer peu à peu aux difficultés de la guerre”) n’a certainement pas été choisi au hasard. C’est un clin d’œil à peine voilé à ces séjours commandos, qui connaissent un immense succès auprès des jeunes militant.es d’extrême droite depuis quelques années. La version survivaliste d’un weekend d’intégration si vous préférez. A ceci près qu’on peut supposer que la menace agitée par les organisateurs du séjour ici n’est pas pas la gueule de bois du lendemain de soirée, mais les hypothétiques migrant.es qui vous attendent de l’autre côté de la via ferrata. Parmi les autres activités proposées ? Des cours d’oenologie, parce qu’un.e vrai.e dirigeant.e ne trinque pas à l’eau minérale, et des cours de danse garantis sans twerk, pour faire guincher les oligarques de tous les pays.

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DU BOEUF STROGANOV À LA CANTOCHE…

… et peut-être aussi des passerelles pour travailler main dans la main avec le Kremlin. Car Marion Maréchal Le Pen voue une fascination de longue date à Vladimir Poutine qu’elle ne manque jamais une occasion de défendre sur un plateau télé. Ainsi, lorsqu’elle finit par admettre à contrecoeur sur BFM TV en 2022, que le dirigeant russe est bel et bien coupable du déclenchement de la guerre en Ukraine, elle complète immédiatement sa réponse en parlant “de torts partagés” entre les deux pays, pour éviter de condamner trop durement l’attitude belliqueuse de la Russie. Un Etat qu’elle refusait d’ailleurs en 2014 de qualifier de dictature sur la chaîne I-Télé (“La Russie, contrairement à ce qu’on dit, n’est pas une dictature.”), préférant célébrer le “patriotisme” de son dirigeant. Et c’est vrai qu’un pays où les contre-pouvoirs sont totalement inexistants, où l’on bâillonne les médias indépendants qui refusent de jouer le jeu de la propagande d’état, où l’on menace de 15 ans de prison les journalistes qui qualifieraient de “guerre” le conflit russo-ukrainien, où on les oblige à s’exiler massivement dans des pays voisins pour continuer à faire leur boulot, et où l’on envoie dans des camps de travail forcé les opposants comme Alexeï Navalny, lorsqu’on ne les fait tout simplement pas assassiner comme la militante des droits humains Anna Politkovskaïa (pour ne citer qu’elle) est un très beau modèle de liberté politique et de démocratie.

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CE QU’ON NE TROUVERA PAS À L’ISSEP

DE LA DIVERSITÉ

Il faut dire qu’à 5 500 euros l’année de magistère pour apprendre à manier la rhétorique d’Eric Zemmour, sans aucune aide ou bourse possible, autant binge-watcher sur Youtube les vieux épisodes d’On n’est pas couché… En tout cas les promos précédentes ne brillent pas par leur inclusivité. En témoigne cette vidéo d’anciens élèves :

Cela dit, on peut comprendre les réticences des personnes racisées à intégrer une école dont l’administration ne verrait aucune objection à coller une obligation de quitter le territoire à des enfants d’immigré.es de troisième génération… Même constat du côté du corps enseignant. Un bref survol de l’organigramme des profs de l’ISSEP Lyon, composé à 100% d’hommes blancs dans la fleur de l’âge, suffira à se rendre compte que malgré les belles promesses de Marion Maréchal qui assurait vouloir créer un institut “apartisan” et censé rassembler toutes les droites, les priorités et valeurs de l’établissement sont à l’image du programme de Reconquête : sans aucune nuance ou diversité.

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DES PROFESSEURS RÉMUNÉRÉS

En 2021, une grande partie de l’équipe ne se payait pas. Ainsi, d’après l’audit d’un cabinet d’expertise lyonnais, 2 385 heures travaillées relevaient en fait tout simplement du bénévolat. Alors vous vous demandez peut-être ce qui peut pousser des enseignants qualifiés et des employés à donner gratuitement de leur temps pour un institut de formation privé ? Peut-être la perspective de former la future élite de nazillons de la nation. En tout cas, avec toutes ces belles âmes prêtes à sacrifier leurs salaires pour alimenter la fièvre identitaire, le soft-power d’extrême droite a de beaux jours devant lui.

DU BOULOT A LA SORTIE

Et oui, malheureusement, l’ISSEP délivre des formations payantes non diplômantes, c’est à dire non reconnues par l’Etat : cela dit, si votre plan de carrière est d’intégrer ensuite l’équipe de campagne d’Eric Zemmour ou de faire partie des futurs cadres du mouvement, vous avez frappé à la bonne porte. Mais en dehors de certains think-tank d’extrême droite ou du cabinet d’un édile qui soutient Reconquête, n’espérez pas trouver facilement du travail en dehors de leur réseau. Seul.es les aspirant.e journalistes ne manqueront pas d’options et de débouchées puisque Vincent Bolloré a racheté la moitié des médias français.

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UN ENDROIT SÉCURISANT POUR LES FEMMES

La nouvelle filiale parisienne sera-t-elle aussi lamentable que sa grande sœur lyonnaise sur la prise en considération des violences faites aux femmes ? C’est bien possible, même si la première a déjà mis la barre très haut. Car l’ISSEP est dans le collimateur de la justice française depuis 2021, après deux plaintes déposées par une étudiante. La première plainte, pour viol, vise un membre de Génération Identitaire qui participait régulièrement aux soirées organisées par l’école dans le bar associatif La Traboule, fief des fachos lyonnais. La seconde plainte, pour harcèlement moral, met en cause deux responsables de l’établissement – également anciens élus du RN – pour harcèlement moral. Les dirigeants de l’institut auxquels la plaignante a fait part de son agression auraient en effet fait pression sur elle pour qu’elle retire sa plainte, et menacé de la virer de l’école. Une enquête préliminaire est toujours en cours, dont on ne connaît pas l’issue à l’heure actuelle.

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Mais attendez,ce n’est pas fini ! En 2020, Oleg Sokolov,qui enseignait l’histoire à l’institut, a écopé de 12 ans de prison en Russie pour avoir tué et démembré sa compagne (une ancienne étudiante de l’université de Saint-Pétersbourg, âgée de 24 ans). Et si l’ISSEP l’a bien sûr limogé dès l’annonce de son arrestation, avant de s’émouvoir dans un communiqué de ce “crime atroce”, la direction a oublié de préciser que l’enseignant était déjà connu depuis 2008 pour des faits de violence à l’encontre d’une autre étudiante, avec laquelle il avait entretenu une liaison. Mais pour l’administration de l’école, attacher sa copine sur une chaise et la menacer de la marquer au fer rouge parce qu’elle veut rompre n’était visiblement pas un signal d’alerte suffisant pour annuler l’entretien de recrutement….