« La première fois, c’est sacré. La pénétration est le seul rapport sexuel valable. Il faut jouir à tout prix. Une vraie relation passe forcément par la sexualité. Ne pas aimer le sexe est une maladie. » Autant de phrases qui font partie du lot des mythes et normes autour de la sexualité.
J’ai récemment pris conscience de l’omniprésence de la sexualité dans notre société, mais aussi du nombre d’injonctions qui planent autour de la bonne manière de la vivre. Je ne suis pas vaginique, je suis hyposexuelle, et je vis parfois la sexualité comme une injonction de laquelle j’aimerais me défaire. J’ai l’impression que la sexualité, a fortiori pénétrative, doit encore faire obligatoirement partie de nos rapports, même si cela nous provoque inconfort ou douleur. Aujourd’hui, j’ai donc eu envie de m’intéresser au vaginisme : il s’agit d’une réponse physique du corps qui, au moment d’une pénétration vaginale, va se contracter pour empêcher cette dernière.
Il y a de nombreuses causes à ce trouble, j’ai voulu en savoir plus sur le sujet.
Une réponse du corps
Alexandra Hubin, sexologue et fondatrice de la plateforme belge Sexologie positive, explique que le vaginisme est une phobie de la pénétration, et surtout, un signal du corps. Phobie parce que de nombreuses personnes atteintes de vaginisme désirent avoir un rapport sexuel pénétratif avec leur partenaire, mais que leur corps le refuse.
Au moment de la pénétration, il va donc se crisper et le rapport sera trop douloureux pour être poursuivi. Elle poursuit : « Les muscles du vagin deviennent tellement serrés que la pénétration d’un pénis, et parfois d’un doigt ou même d’un tampon ou du spéculum chez le gynéco, en devient impossible ».
En ce qui concerne les causes, elles peuvent être diverses, mais surviennent généralement après un traumatisme du corps comme une agression sexuelle ou un viol. Cela peut aussi être dû à une éducation sexuelle qui a diabolisé la sexualité, ou encore à des violences gynécologiques ou obstétricales, ou après un accouchement difficile. On parlera alors de vaginisme primaire, qui apparaît dès les premiers rapports, ou de vaginisme secondaire, s’il survient après un événement. Alexandra Hubin liste sur son site internet les nombreuses causes du vaginisme.
Au-delà de la douleur physique, j’ai pu remarquer, par plusieurs témoignages de femmes qui en souffrent, que le vaginisme est assimilé à une déception et un échec. C’est le cas de cette femme qui m’explique son quotidien et notamment son impossibilité de pratiquer le sexe pénétratif : « J’avais encore mal alors je ne l’ai pas fait. Et au moment de me coucher, j’ai versé une petite larme quand même. Je l’ai un peu vécu comme un échec, je l’avoue. Je suis tombée sur un partenaire gentil et à l’écoute de mes envies et besoins, aujourd’hui on s’en tient à du sexe oral, je me renseigne, lui partage des articles (qu’il lit). Ça va mieux même si ce n’est pas encore ça. Le plus important c’est de faire ce dont on a envie sans ressentir la moindre pression. »
Une maladie, si on la considère ainsi soi-même !
« Ça devient assez phobique, car même avec du lubrifiant je sais que je vais avoir mal, je ressens cette “pression sexuelle”. J’avais ça jusqu’à ce que je comprenne pourquoi : je n’avais pas envie de pénétration ».
Voilà deux témoignages qui m’ont fortement marquée.
En fait, je me demande si l’on ne peut pas aussi changer de paradigme, de manière d’envisager la sexualité : ne pas avoir de rapport sexuel pénétratif pourrait être aussi normal que de ne pas vouloir pratiquer la sodomie, la fellation, etc.
Bien sûr, je ne dis pas qu’il ne faut pas chercher à soigner un vaginisme si l’on en ressent le besoin, mais pourquoi n’arrêterions-nous pas aussi de partir du principe que la sexualité doit forcément inclure une pénétration vaginale ?
A* me raconte : « Si je lui disais de “sortir”, il sortait, il n’y avait pas de problème de ce côté là. En revanche, je sentais une espèce de pression au fait qu’il veuille toujours me p énétrer, il disait que je ne savais pas encore ce que c’était, donc qu’il fallait bien “forcer un peu” pour que ça marche… En soi peut être, aujourd’hui je peux me faire pénétrer plus facilement, mais je n’aurais pas dû ressentir une pression comme ça de sa part. »
En effet, comme on peut le lire sur la géniale plateforme de téléconsultation en sexologie Mia.co, « le vaginisme n’empêche pas pour autant certains couples de s’épanouir ou de vivre leur sexualité différemment ».
Pourtant, et pour reprendre les mots bienveillants de Maïa Mazaurette, chroniqueuse sexo au Monde, « l’invitation au plaisir prend tellement de place qu’on oublie la douleur ». On parle de libération sexuelle, de jouissance féminine, de clitoris à tout bout de champ, mais la sexualité reste quand même encore et toujours, une injonction. Celle de prendre du plaisir à tout prix n’est d’ailleurs jamais bien loin.
D’ailleurs, un autre témoignage que j’ai reçu va dans ce sens : « Je n’ai pas d’autre raison de mal vivre le vaginisme qu’une source extérieure », m’explique Y*. « Je me disais que je n’étais pas vraiment une [petite] copine ». Or, son ex-copain lui a expliqué qu’il n’avait jamais eu une sexualité aussi forte que pendant sa relation “vaginique” avec elle.
Guérir du vaginisme
Il existe des programmes variés pour guérir du vaginisme qui vont axer sur une gestion psychologique, physique, et parfois les deux. Il me paraît évidemment important de parler de la possibilité de guérir ce trouble.
La première question à se poser, selon moi, avant d’entamer ce processus, est bien de savoir si le vaginisme entrave notre vie. S’il est un véritable calvaire pour certain·e·s, d’autres parviendront à vivre avec puisqu’iels envisageront la sexualité autrement.
Toutefois, je tiens évidemment à rappeler qu’avoir mal lors d’un rapport sexuel n’a rien de normal. Que l’on ne doit de sexe à personne, sous aucune des formes. La pénétration est une option comme les autres. Et surtout : nous sommes tous·tes différent·e·s, nous ne pouvons donc pas régler nos problèmes de la même manière. Quelque chose d’handicapant pour une personne ne le sera pas pour d’autres.