Elle est bien loin l’époque des petits appareils photo numériques savamment tournés vers soi, l’air de rien, et des webcams déposées sur l’écran du PC familial.
Cela vous rend nostalgique ? Et oui, les ami.e.s : c’est cette année que l’on célèbre les vingt ans de l’égoportrait, le terme « selfie » ayant apparu pour la toute première en 2002 sur un forum australien. Ouf, « ça ne nous rajeunit pas » comme on dit.
Bien que les techniques pour s’auto-croquer le portrait aient pas mal évolué depuis le début des années 2000, le selfie demeure une pratique bien ancrée dans nos habitudes.
Entre évolution esthétique et innovations technologiques, comment nos selfies ont-ils évolué (pour le meilleur et pour le pire) ?
L’ère pré-selfie
Avant que les égoportraits ne voient « officiellement » le jour, les « photos de soi-même prises par soi-même » parsemaient tout le même nos comptes MySpace, Skyblog et MSN. Pour se mettre en scène sur ces réseaux sociaux rudimentaires sans avoir à demander à un.e ami.e de nous photographier sous notre meilleur jour, il existait plusieurs options, toutes plus glorieuses les unes que les autres.
Premièrement, on pouvait tourner son appareil numérique vers soi, en genre de contre-plongée, moue sérieuse ou duckface idéalement, visage de trois quarts (if you know, you know).
Shout out aux effets crayonnés et autres filtres vintage de Photobooth
Deuxième option : se prendre en photo dans le miroir (avec le flash !), pour un résultat un peu mieux cadré et dévoilant au passage quelques affiches dans sa chambre. Autre technique, qui était ma préférée de l’époque : la webcam de l’ordinateur. Shout out aux effets crayonnés et autres filtres vintage de Photobooth (pour celles et ceux qui avaient un Mac).
À l’époque, j’étais très fan de ces photos de type « je me prends clairement en photo moi-même, mais je fais style que je ne m’en rends pas compte ». En voici une (gênante) preuve :
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La naissance officielle du selfie
Bien que le terme selfie existe depuis 2002, ce n’est qu’au début des années 2010 que le véritable égoportrait apparaît, avec l’iPhone 4 et sa caméra frontale.
Même si cela marque une vraie révolution, les premiers téléphones intelligents dotés de ce type de technologie proposent des images de qualité assez médiocre, merci.
À l’époque, nos selfies comportent une esthétique bien précise : le bras tenant le téléphone apparent, le visage de trois quarts et la duckface. Memories!
Allo Snapchat et Instagram
En 2011, l’arrivée de Snapchat bouscule les codes du selfie. En effet, nos photos deviennent plus spontanées puisqu’elles sont diffusées de manière temporaire. C’est également une époque marquée par une certaine fantaisie, avec des filtres de chiens qui tirent la langue et des vomis arc-en-ciel.
Yeux agrandis, nez affinés, lèvres repulpées, pommettes rehaussées: la technologie permet de modifier notre image afin de correspondre aux standards de beauté.
Peu de temps après, c’est Instagram qui vient tout bouleverser, avec ses filtres (un peu trop ?) réalistes. Yeux agrandis, nez affinés, lèvres repulpées, pommettes rehaussées : tout d’un coup, la technologie permet de modifier notre image afin de correspondre aux standards de beauté. Où le bât blesse-t-il ? Certains utilisateurs et utilisatrices vont même jusqu’à recourir à la chirurgie esthétique dans le but de ressembler à l’image que leur reflètent ces filtres.
C’est également au début des années 2010 que les stars s’emparent du selfie et les diffusent largement sur leurs réseaux sociaux. « Les stars, pour être populaires, se sont mises elles aussi à faire des selfies pour se mettre au niveau du public et imiter un comportement vernaculaire. […], croit André Gunthert, enseignant-chercheur en culture visuelle sur Europe 1, cité dans Konbini par Pauline Allione. Tout le monde veut participer à la même norme, une norme qui vient d’en bas et pas d’en haut. »
Les selfies changent, la tendance reste
Quand est-il de la tendance actuelle ?
« Les influenceurs montrent de nouvelles façons de prendre des selfies et les internautes les acceptent ou les rejettent. »
« La majorité du public répond davantage aux selfies qui se démarquent, croit Enrique, spécialisé dans le design esthétique sur les réseaux sociaux et suivi par quelque trois millions d’internautes sur TikTok, cité sur Konbini. « Outre une bonne qualité d’image et de lumière, vous devez également choisir un angle avantageux ou mettre en évidence des caractéristiques extravagantes de vous-même. C’est une interaction, les influenceurs montrent de nouvelles façons de prendre des selfies et les internautes les acceptent ou les rejettent. »
En effet, aujourd’hui, le selfie s’est démocratisé et ne comporte plus le caractère « gênant » d’il y a vingt ans. Les influenceurs et les influenceurs d’ici et d’ailleurs en publient très régulièrement, pour partager leurs looks et documenter leur quotidien, s’attirant une pluie de likes.
Même si les critères de ce qui est considéré comme étant un selfie réussi ont changé au fil des années, les buts restent les mêmes : se mettre en scène, s’approprier son image, documenter sa vie et éventuellement, susciter la réaction chez les personnes qui la voient.
J’ai sondé quelques adeptes du selfie pour connaître leur rapport à cette pratique vingtenaire.
Lydia, journaliste et influenceuse (écrivez-lui pour savoir si c’est compatible)
« Mon expérience avec les selfies ? Disons que j’ai commencé très jeune (15 ans peut-être ?) avec des selfies gros plan visage – juste pour qu’on voit ma tête, parce que concrètement c’était l’élément que je préférais de tout mon corps. On peut dire qu’avec les années, je pense m’être améliorée en selfie même si ça reste toujours plus ou moins la même chose : je fais un peu les mêmes expressions faciales : surprise, ou alors je boude, mais pour avoir un sourire, il faut beaucoup en faire.
Pour aider mes copines quand je les prends en photo, je dis souvent : « Fais l’amour à la caméra ! » et c’est un peu ce que je reproduis sur tous mes selfies.
« Je fais très attention à mes miroirs. J’en ai minimum deux : petits, grands, ronds, carrés… »
Un détail aussi : je fais très attention à mes miroirs. J’en ai minimum deux : petits, grands, ronds, carrés… vu que c’est l’élément qui fait fonctionner un selfie c’est un peu le truc que je préfère dans ma chambre. »
Camille, journaliste et oiseau de nuit
« Je pense que j’ai toujours pris le selfie un peu au second degré. On le faisait beaucoup avec mes copines sur les photos de groupe car ça nous évitait les pauses gênantes ou l’on ne savait pas où se mettre. C’était un peu une excuse mais au final on se trouvait quand même mignonnes avec la petite moue bouche en cul de poule.
« Le selfie c’est un peu une pause excuse pour se faire mousser, genre regarde j’imite les meufs qui font des selfies, mais au final j’en fais aussi. »
Puis après c’était surtout pour montrer le bronzage aux copines, les nouveaux piercings, la nouvelle coupe de cheveux (grosse dédicace à la mèche frontale prenant la moitié du visage), et le petit copain du moment. Le selfie c’est un peu une pause excuse pour se faire mousser, genre regarde j’imite les meufs qui font des selfies, mais au final j’en fais aussi.
J’avoue que les filtres ont aussi pas mal changé la donne : on est bien plus frais maintenant que sur nos selfies d’époque ! En vrai, plus t’as de filtres, plus t’assumes ton selfie ».
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