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Le roi Charles III est-il vraiment écolo ?

Il affiche régulièrement son intérêt pour l’écologie de par son mode de vie et ses prises de parole. Décryptage.

Par
Audrey Parmentier
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La couleur préférée du roi Charles III ? Le vert, sans hésitation. Au sein des médias britanniques, plusieurs surnoms évoquent son prisme écolo à l’instar de « king of climate change » ou « Green King ». Le septuagénaire ne mange de la viande que certains jours, défend le bio et l’architecture responsable. Si cette liste peut prêter à sourire, il a pris position à maintes reprises en faveur de l’écologie et de la protection de l’environnement. Le nouveau souverain ferait même partie des pionniers à en croire ses harangues passées.

En 1970, le jeune homme de 21 ans prononce un discours mettant en garde contre les dangers de la pollution et son coût pour la planète. Devant des membres du Comité de la campagne galloise, dont il était le président honorifique, le prince de Galles tape du poing sur la table, peignant le portrait d’une planète malade : « Nous sommes confrontés aux effets effroyables de la pollution sous toutes ses formes cancéreuses. Il y a la menace croissante de la pollution par les hydrocarbures en mer, qui détruit presque les plages et détruit certainement des dizaines de milliers d’oiseaux de mer. »

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« Il a été le premier à démarrer l’agriculture bio en Angleterre »

À l’époque, le roi Charles passe pour un illuminé, opposé aux progrès et vieux jeu. « À ce moment-là, personne ne s’intéressait vraiment au sujet », admet l’intéressé au cours d’un entretien accordé en 2018 au magazine Vanity Fair. Loin de la figure virile que devrait arborer un roi dans l’imaginaire collectif, l’image du prince aux petits-pois fait sourire dans les médias, ses inquiétudes concernant le climat étant perçues comme « une lubie d’aristocrate ». « Il est très préoccupé par l’écologie, il a été le premier à démarrer l’agriculture bio en Angleterre. Dans les années 80, ce n’était pas à la mode donc tout le monde se moquait de lui », soutient l’écrivain Stephen Clarke, auteur du livre Elizabeth II ou l’humour souverain, aux éditions Albin Michel.

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Le fils d’Elizabeth II, qui a fait transformer son Aston Martin DB6 afin qu’elle roule avec du bioéthanol fabriqué à base de fromage et de vin anglais, met la main à la pâte. En 1985, alors que le réchauffement climatique reste invisible dans la sphère politique et médiatique, cet avant-gardiste ouvre sa ferme biologique, à Gloucestershire, dans le sud-ouest de l’Angleterre : 300 hectares de terres sont cultivés sans pesticide où de nombreux bovins sont élevés en plein air. Des milliers d’animaux y trouvent refuge, 73 proviennent d’espèces rares ou en voie de disparition. Le succès de sa ferme est tel qu’il créé Duchy original, devenu Waitrose Duchy Organic, un label de référence sur le marché alimentaire biologique. Pour couronner le tout, les ventes de Waitrose Duchy Organic reviennent au fonds caritatif de l’ex-prince de Galles.

Parmi ses autres faits d’armes : la création du Prince of Wales Corporate Leaders Group, qui rassemble des chefs d’entreprise dans le but de signer des engagements verts ou encore la mise sur pied d’une chaine de télévision dédiée à l’environnement, baptisée « Re: TV ». Dans les pages du quotidien britannique The Guardian, Tony Juniper, directeur de Natural England, qui a conseillé Charles pendant plusieurs années déclare sans nuance : « Il est peut-être la figure environnementale la plus importante de tous les temps. »

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Cependant, le roi Charles III n’est pas exempt de contradictions : le plus grand défenseur de l’environnement de la famille royale est aussi l’un des plus gros consommateurs de carbone au Royaume-Uni. Depuis quinze ans, il publie son bilan carbone annuel. Et les résultats ne sont pas bons : en 2020, il s’élevait à 3133 tonnes de CO2, contre 5070 en 2019 (année durant laquelle l’empreinte carbone de la famille royale a doublé selon le média américain CNN). Il faut dire que le nouveau souverain devait répondre aux obligations liées à sa fonction de prince : plus de la moitié de ses émissions de carbone proviennent de voyages à l’étranger en mission officielle.

Un mode de vie royal coûteux pour la planète

Pire encore : en juillet 2021, The Guardian dévoile que les avocats de la reine Elizabeth II ont fait pression sur les ministres écossais pour qu’ils modifient un projet de loi afin d’exempter ses terres privées d’une initiative majeure de réduction des émissions de carbone. « Dans les médias britanniques, on a aussi reproché au prince Charles de faire voyager les légumes de son potager en Angleterre pour les transporter jusqu’en Ecosse quand il y séjournait », rapporte Stephen Clarke.

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De quoi rendre sceptiques les Britanniques sur ses efforts personnels. « Je me demande si, pendant toutes les années de perplexité pendant lesquelles les gens ne l’écoutaient pas, Charles a jamais envisagé la possibilité que le problème ne soit pas tant lié au message , mais au messager », sifflait Marina Hyde dans sa chronique du Guardian en octobre 2021.

Un roi vert, une bonne nouvelle pour la planète ?

En dehors de sa vie privée, pourrait-il insuffler un vent vert sur le royaume ? « Le fait qu’il devienne roi est une bonne nouvelle pour le climat, il va sans doute assister à plein de grandes réunions avec les politiciens du monde », répond Stephen Clarke. Beaucoup de gens pensent qu’il a parfois outrepassé les limites de la monarchie constitutionnelle, notamment lors de son coup de gueule en 2013 critiquant les « sceptiques confirmés ». Le règne du plus vieux monarque à monter sur le trône depuis Guillaume IV (1765-1837) va-t-il être placé sous le seau de l’écologie ? « Il a été critiqué pour essayer de faire pression sur les politiciens, il a promis de ne pas trop intervenir, mais je ne sais pas s’il pourra résister à la tentation », estime l’écrivain britannique.

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En tant que roi, il risque d’être contraint par la convention selon laquelle le monarque ne devrait pas interférer dans la prise de décision politique du Royaume-Uni, ni adopter une position politique ouverte. Lors de son premier discours, vendredi 9 septembre, il n’a pas mentionné la question du changement climatique. Rien d’étonnant pour Stephen Clarke : « Dans son premier discours, il a exprimé le respect qu’il doit à sa mère, ce n’était pas le moment de prononcer des annonces politiques. » Laissons-lui une seconde chance.