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Le revers des contenus bienveillants sur les médias sociaux
Peut-être que je suis trop présente sur les réseaux sociaux, mais j’observe depuis peu une tendance grandissante sur Facebook et (surtout) Instagram : celle de la création de contenu bienveillant.
Ce type de publications a pour but de nous pousser à nous écouter davantage, à normaliser le fait de refuser des invitations et à valider certaines émotions, réactions ou certains ressentis. Je ne sais pas si ce mouvement s’est amplifi é suite à la pandémie ou grâce à la déstigmatisation progressive de nombreux troubles de santé mentale, mais je croise des contenus de ce genre quotidiennement.
D’emblée, je dois affirmer que pratiquer la bienveillance, l’autobienveillance (Est-ce que ça se peut ? En tout cas, ça dit ce que c’est !) et le self-care en prenant soin de soi et des autres sont des actions absolument nécessaires, surtout dans une société comme la nôtre où la performance est valorisée à outrance.
Je me questionne toutefois sur les bienfaits de cette possible surabondance, qui n’est pas une mauvaise idée en soi, mais ne vous en faites pas, je vais m’expliquer.
Une histoire de désamour
Fut un temps où j’aimais toutes ces publications au point d’y déposer un important like et même un petit émoji mignon en commentaire. Elles me faisaient du bien. Mais les choses ont commencé à changer à la lecture d’une publication en particulier. Ce jour-là, on avait eu droit à une nouvelle franchement déconcertante dans l’actualité et sur l’image du compte Instagram que je consultais, il était globalement dit que « toutes » les réactions étaient « valides ».
Toutes ? Vraiment ?
Je comprends l’intention derrière, mais il me semble que, dit comme ça, ça reste fort de café. Ce sont peut-être mes études en philosophie qui essaient de briller, mais je dois dire que ce quantificateur m’a glacé le sang. Des phrases style psycho-pop comme celles-ci sont tout bonnement lancées dans l’univers, puis re-partagées à des milliers de reprises et donc rendues visibles à des yeux vulnérables et pas toujours bien outillés.
Cette tendance à l’autobienveillance constante me semble donc un peu glissante et j’en ai personnellement connu les limites l’année dernière (Où celle d’avant ? Foutue pandémie…)
Faire face à la difficulté
Comme vous le savez peut-être, je suis en thérapie pour mon trouble anxieux et mon trouble du comportement alimentaire (TCA). Au début de mon traitement, j’étais dans l’autobienveillance à fond la caisse. Je publiais fréquemment des mises à jour à propos de mes progrès (aussi petits étaient-ils) et je me mettais en scène afin de recevoir des encouragements, des félicitations, mais surtout, des likes. On me disait que mon parcours était spectaculaire, exemplaire, inspirant, alors qu’en réalité, je ne me mettais jamais réellement au défi.
Se confronter et tolérer : voici comment je réussis, peu à peu, à prendre le dessus.
Et c’est justement là où je veux en venir. Une des choses qui revient le plus souvent lors de mes thérapies, à mon grand malheur, c’est le besoin de me confronter à ce qui m’effraie pour aller mieux. Faire l’inverse de ce que mes petits démons me poussent à faire lorsqu’ils me font croire que c’est bel et bien ce que je désire.
Concrètement, pour moi, cela peut passer par accepter une invitation de dernière minute et aller souper chez une amie sans savoir ce qui est prévu pour le repas. Ça peut aussi consister en tolérer un mal de dos sans en rechercher la cause sur Google. Se confronter et tolérer : voici comment je réussis, peu à peu, à prendre le dessus sur mes bébites (et accompagner le tout de ma médication ne nuit pas, remarquez).
Sortir de l’évitement
Je dois maintenant aborder le sujet délicat des fameux déclencheurs, communément appelés triggers. Il y aurait certainement un lien à faire ici avec l’exposition, parce que s’exposer, c’est parfois choisir d’affronter ses angoisses.
Dans mon cas, par exemple, j’accepte de temps à autre d’entendre les gens parler de poids ou de régime, même si je considère toujours la lutte contre la culture de la diète essentielle à une société plus juste. Néanmoins, il ne me semble pas constructif d’exiger de mes proches qu’ils ou elles n’abordent jamais certains sujets. Ce problème est systémique et dépasse les individus qui le reproduisent et qui, possiblement, en souffrent.
J’ai donc décidé d’accepter que le monde ne s’ajusterait pas à moi, mais que je gagnerais à plutôt m’ajuster au monde.
M’exposer à des discours potentiellement déclencheurs, c’est aussi me battre contre mon TCA et pouvoir échanger avec d’autres personnes vivant des enjeux similaires aux miens. C’est mettre en pratique des outils acquis en thérapie afin d’éventuellement retrouver une certaine qualité de vie.
J’ai donc décidé d’accepter que le monde ne s’ajusterait pas à moi, mais que je gagnerais à plutôt m’ajuster au monde. Évidemment, je peux tenter d’agir pour apporter des changements au sein de la société en militant pour des causes qui me tiennent à cœur; la lutte contre la culture de la diète, notamment.
Mais commencer à vraiment me confronter a eu beaucoup d’impacts positifs. Je me prive de moins de souffrances au nom de l’évitement. C’est sauté, pareil. Et même s’il est vrai que cette démarche de confrontation peut prendre de l’énergie, il me restera toujours du temps pour pratiquer l’autobienveillance et le petit self-care nécessaires.