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Le « matriarcat » québécois expliqué aux Français

Bref, c'est pas vraiment un matriarcat.

Par
Lucie Piqueur
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De nombreux Français pensent au Québec comme une utopie féministe, un genre de paradis glacé dominé par des amazones guerrières à cheval sur leur motoneige. On entend même dire que le Québec serait une société matriarcale. Ah oui ?

Un matriarcat, c’est, selon le dictionnaire Larousse, un « régime d’organisation sociale dans lequel la femme joue un rôle politique prépondérant. » Or, le Québec n’a eu qu’une seule première ministre dans son histoire (Pauline Marois, pendant 19 mois), sa capitale n’a jamais eu de mairesse, et sa plus grande ville, Montréal, n’en a eu qu’une (Valérie Plante). Pas ce que j’appellerais « prépondérant ».

Mais alors d’où ça vient, cette idée de matriarcat québécois ?

La Germaine

La seconde définition du matriarcat que nous propose le Larousse est un « fonctionnement familial dans lequel la mère a une influence, une autorité prépondérante. » C’est là qu’intervient un concept / jeu de mot que tous les Québécois connaissent : la Germaine.

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Germaine, c’est le petit nom la mère de famille québécoise stéréotypée : elle gère et elle mène tout son foyer à la baguette. Dans la culture populaire, la mère de famille québécoise est presque toujours représentée comme une commandante autoritaire, et son partenaire comme un autre enfant à surveiller.

Notez que ce cliché est présent dans de nombreuses cultures : les mamas italiennes, juives et arabes ont toutes aussi la réputation d’être des germaines. Ailleurs, on appelle ça la charge mentale, lol.

(Et, petite parenthèse pendant qu’on est dans les expressions pittoresques : au Québec, « avoir du sable dans le vagin », ça veut dire être une féministe fâchée…)

Le catcalling

N’importe qui possédant une paire de seins et connaissant un peu la France et le Québec vous le dira : l’expérience bien banale de marcher dans la rue est très différente entre les deux endroits. Au Québec, c’est très rare de recevoir d’inconnus des remarques sur notre apparence, de se faire siffler, demander notre numéro en faisant nos courses ou frotter dans le métro.

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En fait, ce sont toutes les dynamiques de séduction qui sont différentes. Il y a moins de galanterie, les femmes font plus souvent le premier pas, et très peu d’hommes croient encore qu’ils pourront gagner le coeur d’une femme en lui criant qu’elle fait bander depuis le trottoir d’en face. (Sauf une fois, un gars m’a fait enlever mes écouteurs pour me dire que j’avais des osties de belles grosses foufounes… Mais honnêtement l’expression m’a tellement fait marrer intérieurement que ma journée n’a pas été gâchée.) (NB Foufounes, au Québec, ça veut dire fesses)

C’est pas prouvé, mais je parie que les Québécoises ont moins de rides. Parce que c’est vraiment relaxant de se balader en public sans se faire lancer des répliques dégradantes.

Le français

Après des siècles de séparation, la langue française d’un bord et de l’autre de l’Atlantique s’est quelque peu différenciée. Là où le français québécois a pris de l’avance, c’est dans le retour des titres féminisés (qui étaient courants avant que l’académie française les bannissent). Alors qu’en France, certains et certaines trouvent encore qu’il est dénigrant de se faire appeler mairesse plutôt que maire quand on est une femme, au Québec, c’est parfaitement normal. Autrice, philosophesse et médecine font un retour plus timide (et sont en ce moment même soulignés en rouge par mon correcteur orthographique), mais ils vont revenir, j’en suis persuadée. Qui lutterait contre un terme aussi cool que « philosophesse » ?

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Le mariage

Le mariage n’a pas vraiment la côte au Québec. Mais pour ceux et celles qui sautent le pas, il y a une grande différence avec la France. C’est dans le code civil : la femme québécoise ne prend pas le nom de son copain au moment du mariage. Si on voulait être tout à fait matriarcaux, on donnerait carrément le nom de la femme au mari, mais bon.

Et le taux de fécondité est un des plus bas du monde, mais les Québécois qui ont des enfants ne leur donnent pas systématiquement le nom du père. En fait, la majorité des gens donnent à leur progéniture les noms des deux parents accrochés ensemble. Résultat : la plupart de mes amis ont des noms de famille interminables.

Bon, tout ça ne fait pas du Québec un matriarcat, mais on sent tout de même une ouverture à l’amélioration de la condition des femmes dans la société. Pas mal plus qu’en France, je vous dirais.

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