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Le marketing olfactif : l’art de vous faire acheter avec votre nez

Entre aromathérapie et concept immersif, de plus en plus d'entreprises se créent une facture olfactive.

Par
Billy Eff
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En 2012, des usager.ère.s du réseau de transports en commun de la ville de Séoul, en Corée du Sud, ont soudainement eu envie d’un café du Dunkin’ Donuts. Comme ça, un peu de nulle part, sans pouvoir s’expliquer pourquoi.

Ce n’est que plus tard, lorsque les ventes de la chaîne dans ce pays ont grimpé de 29 %, que les client.e.s nouvellement conquis.es ont appris que c’était une tactique de marketing olfactif. Le principe est simple : des systèmes automatisés de diffusion d’arômes étaient installés dans les autobus. Chaque fois que le jingle de Dunkin’ Donuts jouait à la radio, un jet était lancé et emplissait le véhicule de l’odeur riche et réconfortante d’un bon café bien chaud.

De la publicité invisible

Assurément, vous en avez été victime aussi. Yeux bandés, vous seriez capables de reconnaître et suivre l’odeur qui vous guiderait vers un McDonald’s grâce à son étiquette olfactive. Le marketing olfactif, branche du marketing sensoriel, utilise les odeurs pour influencer les émotions et les comportements des consommateur.rice.s, et est utilisé par plusieurs grandes compagnies.

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Avant de lancer Élixir Marketing Olfactif en 2016, Christine Chamberland-Beaudoin était à l’origine dans le marketing numérique. Plutôt que de créer des campagnes de publicités pour le web, elle le fait aujourd’hui à travers les odeurs. Elle travaille avec des entreprises locales et internationales, petites et grandes. Entre autres, Élixir compte comme partenaire des spectacles du Cirque du Soleil ou encore des résidences pour personnes âgées.

« 75 % de nos émotions quotidiennes sont reliées à l’odorat »

Elle explique qu’en termes d’expérience client le marketing olfactif semble être ce que celui numérique était il y a encore peu de temps : une chose avec laquelle les entreprises savent qu’elles doivent composer, sans nécessairement savoir par où commencer.

« Mon ancêtre, c’est la lampe Berger ou les chandelles », estime-t-elle en riant. « Aujourd’hui, on peut numériser et programmer des odeurs dans de grands espaces. Tout est programmable à distance, sur son téléphone; on est loin d’avoir à mettre des gouttes d’eau dans son diffuseur ! »

En effet, des systèmes domotiques sont installés à travers les espaces, avec des odeurs qui peuvent changer selon l’heure de la journée. Toutes les fragrances d’Élixir sont hypoallergènes, écoresponsables et infiniment personnalisables. Pour l’instant, Christine travaille essentiellement seule, appuyée par des collaborateur.rice.s externes d’expérience qu’elle connaît depuis longtemps. Cela lui permet d’avoir un lien intime avec la cinquantaine de client.e.s qu’elle dessert annuellement.

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Changer de mood, au gré des odeurs

Sa clientèle est variée et sa mission est simple : on appelle Christine pour utiliser les odeurs et les émotions qui y sont rattachées afin de stimuler les gens de différentes manières. Dans un magasin qui vend des maillots de bains, par exemple, on souhaitera mettre les consommateurs dans un mood tropical et relaxant. Des odeurs de noix de coco, une suggestion d’iode marine ou des fragrances qui évoquent le soleil et l’exotisme aideront la personne qui magasine à se projeter dans le contexte dans lequel elle portera les items choisis. Par contre, si elle travaille avec un salon funéraire, elle ne pourrait pas se permettre les mêmes odeurs !

Yeux bandés, vous seriez capables de reconnaître et suivre l’odeur qui vous guiderait vers un McDonald’s grâce à son étiquette olfactive

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Dans ces cas-là, m’explique Christine, son travail est moins dans la parfum et plus dans l’arôme. Grâce à la science et à la technologie, nous savons que certaines composantes aromatiques ont des effets clairs sur le comportement des gens. Une chaîne de molécules bien séquencée peut, par exemple, inspirer la bienveillance et la tolérance dans des endroits où la situation peut être tendue, comme à des funérailles.

« Ikea, c’est l’exemple parfait : ils ne produisent pas des brioches à la cannelle toute la journée! Mais la cannelle est souvent utilisée, parce qu’elle est évocatrice. » Une visite dans l’un des magasins de l’entreprise suédoise est toujours une étape redoutée, dans un couple. Mais, comme me confie Christine, les expert.e.s en expérience-client se sont rendu.e.s compte que l’odeur de la cannelle dans les magasins avait un genre de superpouvoir; il apaise les conflits et les tensions entre les sexes, mais est aussi un puissant anti-stress qui réduit l’hyperactivité cérébrale.

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Diffuser son identité de marque

Toutefois, me rassure la propriétaire d’Élixir, des lois existent pour régir le marketing olfactif. Notamment, un commerce ne peut pas diffuser l’odeur d’un produit qu’il ne vend pas. Par exemple, vous n’auriez pas le droit d’utiliser l’odeur des biscuits au chocolat fraîchement cuits pour attirer les gens dans votre magasin d’accessoires pour téléphone (à moins que vous en vendiez vraiment).

Un autre bon exemple de marketing olfactif est McDonald’s. Peu importe où vous allez dans le monde, vous reconnaîtrez sans l’ombre d’un doute l’odeur d’un de ses magasins, même s’il est 10 km plus loin sur l’autoroute ! Mais la chaîne ne cherchait initialement pas à utiliser l’odeur comme marketing : c’est tout simplement l’odeur du suif qui a donné son goût si particulier à leurs frites. Quand l’entreprise a fait le choix d’utiliser de la graisse végétale pour ses fritures, la qualité olfactive en a souffert et les McDos ne sentaient plus le McDo. Un grave problème, vous en conviendrez; c’est un peu comme si vous arriviez au cinéma et que ça ne sentait pas le popcorn. Aujourd’hui, la chaîne a développé son propre type de graisse à friture, 100 % végétale et sans gras trans, avec des arômes de bœuf qui évoquent le suif et sentent bon le McDo.

« Aujourd’hui, on peut numériser et programmer des odeurs dans de grands espaces. Tout est programmable à distance, sur son téléphone »

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Et comment fait la chaîne, ou encore ses compétiteurs comme Subway, pour que les odeurs de frites dorées ou de pain fraîchement cuit circulent dans tout le quartier ? Avec l’aide d’un système de ventilation par lequel les odeurs aspirées par les hottes des restaurants peuvent être diffusées à travers un plus grand rayon.

Si une odeur particulière peut vous faire franchir la porte d’un magasin plutôt qu’un autre, ou vous faire faire un détour parce que ça sent bon la frite, c’est parce qu’il s’agit d’un des sens les plus rattachés à la mémoire. Si on se souvient de quelque chose qu’on a vu ou entendu pour environ trois mois, on se souvient d’une odeur jusqu’à trois ans plus tard! De plus, 75 % de nos émotions quotidiennes sont reliées à l’odorat. Le travail de Christine consiste donc à créer des fragrances qui évoquent des souvenirs agréables pour le plus de gens possible, ce qui n’est pas une mince affaire. C’est l’équivalent olfactif de créer une annonce publicitaire qu’on ne se tanne pas d’entendre.

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Ça implique donc des focus group et Christine a même un petit truc dans sa manche pour s’assurer qu’elle est sur la bonne piste… « Je travaille souvent avec des enfants et j’adore ça, parce qu’avec eux, il n’y a pas de juste milieu. Soit ça sent bon, soit ça pue et c’est dégueulasse ! »