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Ce titre est absolument effroyable. Abominable. Épouvantable. J’en suis consciente. Mais la réalité derrière ce titre est plus triste encore.
La réalité est que tu es mort et que je ne te reverrai jamais.
Il y a deux ans, tu t’es levé par un beau matin de juillet et tu as décidé que tu en avais assez de souffrir. Assez de cette maladie mentale que tu ne comprenais pas encore. Assez de broyer du noir même quand il faisait soleil. Assez même de nourrir ton chien Henri.
On se connaissait depuis pratiquement toujours. De mes 5 ans à mes 29 ans, tu as été plus qu’un ami pour moi. Pas exactement un grand frère, mais disons un cousin. Le cousin cool qui me gardait quand j’étais petite. Qui m’emmenait au cinéma. Qui m’a donné mes premières bières quand j’étais ado. Qui m’a raconté les blagues les plus vulgaires juste avant de m’inculquer les plus grands des principes. J’entends encore ta voix qui s’exclame en me voyant. “Catouuuuuuu!!!!” Je te vois encore t’exclamer sur tout ce qui était beau dans le monde et te fâcher contre tout ce qui était inacceptable. T’étais franchement un humain de qualité comme il s’en fait peu. Je peux juste pas croire que tu sois parti pour de vrai.
Le jour où tu as choisi de mourir restera probablement l’un des plus terrifiants de ma vie.
Pas juste parce que j’ai eu mal et que j’ai encore mal, mais aussi, et surtout, parce que je sais que ta famille ne s’en remettra jamais complètement. Est-ce que tu sais au moins à quel point elle t’aimait? Es-tu mort avec au moins cette certitude-là? Cette question me hante parce que tout le monde t’aimait tellement. Un jour, après ton départ, ta mère a écrit sur Facebook : “J’espère vraiment que t’es ok et que tu vas bien.” Cette phrase… Je n’ai pas d’enfant, mais dans cette phrase, on peut lire toute l’inquiétude et tout l’amour d’une mère. T’es mort et elle espère encore que tu sois bien, parce que peu importe que tu sois allé te baigner quelque part, que tu sois parti en voyage, que tu sois en train de traverser une rue ou que tu sois mort, elle veut juste savoir que tu es en sécurité. Moi aussi j’espère tous les jours que tu vas bien; que t’aies pas trop chaud ou trop froid et qu’il y ait tes plats préférés à Noël.
Jamais je ne vais pouvoir effacer de ma mémoire les cris d’horreur qui provenaient de la maison de tes parents le soir où toute la famille s’est réunie pour essayer de comprendre ce qui venait de se passer.
Moi j’étais sur le balcon de la maison d’à côté, celle de mes parents où tu es si souvent venu, et j’assistais à ce moment irréel de pure tragédie. Mon père me disait : “Pleure pas, pleure pas” alors qu’il pleurait lui-même. Ma mère a pris un cognac pour ne pas perdre connaissance. Ma sœur était muette. Et chez toi, ça criait. J’entendais tes tantes. Quand j’ai serré ta sœur, ton frère, ton père dans mes bras, j’ai compris que leur vie serait teintée de cet évènement à tout jamais. Que jamais ils n’allaient rire ou sourire avec la même naïveté qu’avant.
Si tu savais toutes les questions qui ont été ressassées dans la tête de tous tes proches. Pourquoi? Pourquoi tu n’as pas appelé? Pourquoi tu n’as pas attendu que tes médicaments fassent effet? Pourquoi l’hôpital t’a laissé sortir? Pourquoi notre amour n’a pas été assez? As-tu vu combien de personnes étaient à tes funérailles, abasourdies?
La seule réponse que j’ai trouvée, et qui est à la fois triste et réconfortante, c’est que ce n’est pas toi qui as pris cette décision ce matin-là. C’est ta maladie. Tu étais tellement perdu. Tu ne voyais tellement plus clair. C’est la maladie qui t’a emporté. Comme si t’étais mort d’un cancer. C’est ma seule certitude. Parce que toi, le vrai de vrai toi, aimait beaucoup trop la vie pour poser ce geste irréparable.
Le jour où tu t’es jeté en bas d’un immeuble, une partie de tous ceux qui t’aimaient est tombée avec toi.
Mais j’aime penser qu’une force plus grande t’a rattrapé avant que tu ne touches le sol. Cette force, c’est ce qui a permis à plusieurs d’entre nous de commencer à voir la vie différemment. Je pense sincèrement qu’on a appris à apprécier toutes ces petites conneries qu’on nous dit d’aimer depuis toujours, mais qui passaient plutôt inaperçues avant ton départ.
Don’t get me wrong, j’aimerais mieux que tu sois encore là que le fait d’aimer écouter les oiseaux, mais je me dis qu’au moins même dans la mort, tu continues à nous inculquer les plus grands des principes.
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Si vous souffrez, êtes inquiet pour un proche ou avez perdu un être cher par suicide, n’attendez pas pour demander de l’aide. Vous pouvez appeler au 01 45 39 40 00 (7j/7 24h/24).