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Le film « Prey » : même les monstres arrivent au XXIe siècle

Un vent de fraîcheur sur une vieille franchise poussiéreuse.

Par
Benoît Lelièvre
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Pour la grande majorité des êtres humains nés entre 1980 et 1988, les films d’Arnold Schwarzenegger sont un plaisir intemporel. À chaque visionnement, ils sont tout aussi ridicules, invraisemblables et délicieux que la première fois. Le chef-d’œuvre Predator en est peut-être l’exemple le plus probant.

C’est un film unique et iconoclaste qui met en vedette une bande d’haltérophiles aux biceps huilés armés jusqu’aux dents qui doivent défendre leurs vies contre un extraterrestre invisible qui n’avait aucun rapport direct avec leur mission. C’était nouveau, imprévisible, parfois hilarant et surtout original et innovant d’un point de vue cinématographique. Le créateur de la créature Jim Thomas a essayé au moins quatre fois de recapturer la magie de l’original sur grand écran, mais sans aucun des éléments qui ont fait du film de John McTiernan un classique. Jusqu’à vendredi dernier.

Écrit et réalisé par le créateur de l’excellent 10 Cloverfield Lane Dan Trachtenberg, Prey (Proie dans sa version française) est de loin la meilleure suite de la franchise. Au-delà de ses ambitions cinématographiques, le film se démarque par sa distribution, qui met en vedette plusieurs actrices et acteurs issus des Premières Nations. C’est d’ailleurs la première fois dans l’histoire du cinéma que l’héritage culturel de la Nation comanche est mis de l’avant.

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Chassera bien qui chassera le dernier

Prey raconte l’histoire de Naru (interprétée par la jeune actrice Sioux Amber Midthunder), une guérisseuse de la Nation comanche du XVIIIe siècle qui souhaite devenir chasseuse comme son frère Taabe (Dakota Beavers). Bien qu’elle soit meilleure pisteuse et plus débrouillarde que la plupart des chasseurs de sa tribu, Naru est rejetée et forcée d’adopter un rôle qui ne lui convient pas… jusqu’au moment où un extraterrestre invisible de huit pieds se met à chasser dans les environs.

Bon, Prey ne brisera aucun record d’originalité sur le plan narratif. C’est un bon vieux slasher qui se déroule dans le bois, il y a 300 ans. Ceci dit, c’est un film quand même rafraîchissant et oui, l’utilisation d’UNE protagoniste à la place d’UN protagoniste y est pour quelque chose. La jeune Naru doit faire environ 110 livres, ne possède pas d’armes à feu pour se défendre et vit à une époque où c’est difficile (voire carrément impossible) de comprendre la menace qui plane sur sa tribu.

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Les armes de prédilection de Naru pour combattre le prédateur? Sa vitesse d’esprit et sa capacité d’adaptation. Plus que n’importe quel protagoniste de la franchise (oui, oui, plus qu’Arnold), elle comprend et accepte sa vulnérabilité face à la créature afin d’établir une stratégie 100 % basée sur la contre-attaque. Elle observe des subtilités (que je ne divulgâcherai pas) dans l’approche du prédateur qui avaient été ignorées jusqu’à présent.

C’est peut-être pas votre truc, mais personnellement, j’en ai un peu ma claque des fusillades à n’en plus finir et des batailles à coups de poing ultrachorégraphiées qui règlent tous les problèmes au cinéma. Elles prennent souvent beaucoup trop de temps d’écran et sont du pareil au même. Prey offre une différente sorte de confrontation. Un jeu du chat et de la souris avec des conséquences mortelles à chaque tournant. La loi du plus fort ne règne pas dans Prey. C’est la loi du plus intelligent et du mieux adapté.

Un film à grand budget (un peu) éthique

Les choix audacieux de Prey en rapport à la représentation et au respect de la Nation comanche ont fait couler beaucoup d’encre dans les médias. Avec raison d’ailleurs. C’est très bien fait : le contexte narratif du film s’y prête, les acteurs et actrices connaissent visiblement les us et coutumes des Comanches et on demeure constamment dans le paradigme du mythe.

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Il existe d’ailleurs une version doublée en comanche si vous voulez l’expérience intégrale. Honnêtement, ça vaut la peine. Prey n’est pas un film très porté sur le dialogue et la plupart du temps, les personnages s’échangent de l’information pragmatique parce qu’ils sont pas mal toujours en situation de vie ou de mort.

Bon, au Québec, on est un peu privilégié.e.s lorsque vient le temps de juger la précision langagière de Prey, parce qu’on y retrouve aussi un clan de trappeurs du nouveau monde composé de : 1) quelques acteurs américains qui baragouinent quelques mots de français approximatif et 2) deux gars qui parlent avec l’accent le plus queb que vous avez jamais entendu dans un film américain. Donc, oui, le film en général a le souci du détail… mais pas à vitesse égale, mettons.

Prey est disponible gratuitement aux abonné.e.s de Disney+ depuis vendredi dernier, alors vous pouvez le regarder dans le confort de votre foyer sans rien débourser (à part le frais d’abonnement mensuel à la plateforme, bien sûr). C’est un film qui ne passera peut-être pas à l’histoire, mais qui secoue les cordages de bien des idées préétablies à Hollywood et ça, ça fait du bien à l’âme.

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