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La première fois que j’ai vu le groupe de punk-féministe Chârogne en show, j’ai été complètement soufflée. Ce soir-là, je n’étais même pas au bar pour les voir elles en particulier, mais aujourd’hui, je ne me souviens plus des autres groupes sur le line-up, juste d’elles. Juste de Catherine Jeanne-D’Arc, la leader incandescente du groupe.
Catherine avait non seulement une énergie à tout casser, mais surtout, une liberté sur scène qui m’a mise sur le cul. La femme qu’elle incarnait derrière le micro parlait fort, prenait de la place, parlait de plotte et de cul, de jouir… elle était vulgaire et pertinente à la fois. Dès les premières chansons, je l’ai enviée et admirée. J’avais le goût de lui parler.
La vie étant ce qu’elle est, c’est quelques mois plus tard qu’on s’est réunies dans un café du centre-ville pour parler de féminisme, de musique et la petite histoire de Chârogne.
À ses débuts, Chârogne n’était pas voué à devenir le groupe qu’il est aujourd’hui. Il y a environ cinq ans, c’était un band de filles qui se réunissait pour jouer des cover de groupes du mouvement Riot Grrl, mais avec Catherine dans leurs rangs, le statu quo n’a pas duré longtemps. Rapidement, elle s’est tannée de jouer les compositions des autres, a pris un rôle plus central au sein du groupe et a redirigé le projet vers des pièces originales.
Leur premier album, Mange-Moi, a été créé en quelques mois seulement. « On était jeunes pis on avait besoin de comme crier des affaires pis de pas trop penser », se souvient Catherine. « Je voulais pitcher toutes mes émotions [dans les chansons]. » Le résultat? Un album « cru, raw, imparfait », comme elle aime le décrire, mais aussi terriblement senti.
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Si sur le coup, des morceaux comme « T’es pas bon » et « Féministe Frustrée » sont sortis spontanément de leurs jams improvisés, ils sont quand même le résultat de longues introspections chez Catherine. La musicienne, qui est aussi autrice, comédienne et metteure en scène, part souvent des choses que l’on ne « peut pas » faire en tant que femme dans ses projets. La pièce « J’peux pas montrer mes seins » en est sûrement l’exemple le plus explique, mais l’idée ne passe pas que dans leurs chansons. Comme je le disais plus tôt, sur scène, Catherine brise l’image que l’on peut avoir de la femme, ou de la féministe, parfaite en faisant tout ce que l’on dit aux petites filles de ne pas faire : prendre de la place, crier, se fâcher, être vulgaire, et j’en passe.
C’est dans ces moments de liberté totale que l’artiste canalise les frustrations de la vie quotidienne. « Dans la vie, je suis assez calme, posée… Dans la dernière année, j’ai passé un an à écrire [une pièce] dans le silence, raconte Catherine. Sur scène, c’est le seul endroit où je ne pense pas… où j’ai juste du fun à gueuler, à bouger pis à faire des niaiseries. »
Chârogne, est aussi un endroit où canaliser certains traumatismes, un espace libérateur. « Dans l’une de mes chansons, qui s’appelle ”T’es pas bon”, je dis qu’un gars est pas bon sexuellement », commence Catherine. « Des fois, je la chante pis je me sens super mal, parce que je trouve ça important le dialogue… pis je veux te dire que tu peux t’améliorer [sexuellement] et tout… mais quand j’ai improvisé cette chanson-là, c’était après un abus sexuel et au lieu de me dire que je m’étais faite abusée, ma Psychée m’a dit que le gars était pas bon. » C’est cette rationalisation de l’esprit face à un traumatisme qui est ressorti dans la chanson et qui en fait l’une des plus puissante de Mange-Moi, que l’on comprenne ou non son deuxième degré.
Le projet est résolument féministe, mais sort du carcan propre et académique qu’on associe parfois au féminisme. « Je comprends que les gens peuvent parfois être sceptiques par rapport au féminisme de Chârogne », me dit la leader du groupe. « C’est qu’il est imparfait, notre féminisme. C’est ça qui fait la beauté [du groupe]. On ne réfléchit pas pendant six mois avec des théoriciennes pour décider de ce qui va être notre message. » Leur message, il sort comme il sort, avec toutes les nuances et les imperfections que ce genre de processus implique. « Je pense qu’on est tous imparfaits, pis que si tu pars de cette prémisse-là, ben qu’on peut tous s’améliorer », continue Catherine. « Si tu pars de la perfection, il n’y a pas de place pour le dialogue. Dans un combat comme le féminisme, t’es censé avoir un dialogue. »
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Chârogne parle de féminisme autrement, crument, salement, mais véritablement.
Le groupe fait paraître un nouveau single le 19 décembre prochain. Inspiré de Les fées ont soifs, la célèbre pièce de Denise Boucher, qui démonte les archétypes de la mère, la pute et la vierge, elles reprennent des extraits du texte original sur fond musical. Le même soir, elles seront d’une soirée « requiem » pour la mythique salle de spectacles montréalaise Les Katacombes, qui fermera ses portes sous peu. Pour plus d’infos, visitez leur page Facebook.