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Le courrier de l’orgasme avec une experte en la matière

On a discuté avec une spécialiste pour la Journée mondiale de l’orgasme. 

Par
Laïma A. Gérald
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Le 21 décembre, ce n’est pas juste le jour du solstice d’hiver. C’est aussi la Journée mondiale de l’orgasme.

Qu’il soit clitoridien, prostatique, synchronisé ou simulé, l’orgasme n’a pas fini de faire couler beaucoup d’encre… et de faire l’objet de centaines d’idées reçues.

« L’orgasme, c’est un relâchement de tensions musculaires, qui survient à l’apogée de l’excitation sexuelle. Il est accompagné de contractions musculaires incontrôlables dans la région pelvienne et d’un plaisir intense », explique Léa Séguin, chercheuse au département de sexologie de l’UQAM et consultante sexologique au Club Sexu, un média à but non lucratif spécialisé dans la création de contenu traitant de sexualité de façon plus positive, ludique et inclusive.

Si l’orgasme est un sujet de prédilection pour la chercheuse, c’est à cause de la complexité qu’il représente d’un point de vue physique, certes, mais surtout social et relationnel.

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« Oui, l’orgasme, c’est le réflexe physiologique plaisant que je viens de décrire, mais c’est tellement plus que ça, fait-elle valoir. Ça nous préoccupe quand on en a un, quand on n’en a pas, quand notre partenaire en a un ou n’en a pas. Il y a beaucoup de couches de significations et beaucoup de croyances autour de l’orgasme et ça me fascine. »

Le courrier de l’orgasme avec Léa

Afin de souligner cette journée spécialement réservée aux célébrations des orgasmes en tout genre, j’ai recueilli quelques questions du public (et de mes collègues), auxquelles répondra Léa.

Pleins feux sur la jouissance (ou pas).

Je simule parfois l’orgasme, pas toujours, mais ça m’arrive. Je trouve ça un peu con, mais des fois, c’est juste plus simple. Et ça préserve l’égo de mon partenaire. As-tu des petits trucs concrets pour en parler avec délicatesse à mon copain ?

« il y a moyen d’aborder le sujet et de renverser la vapeur sans dire frontalement : «Toutes ces fois où tu penses que j’ai eu un orgasme, je te mentais ! »

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Les recherches montrent que la raison numéro un qui pousse les gens, peu importe leur genre, à simuler l’orgasme, c’est que leur partenaire se sente bien. On veut que l’autre personne sente qu’elle a des bons outils, qu’elle est bonne au lit. Pour beaucoup de gens, c’est une manière de préserver les émotions positives dans une relation.

Maintenant, comment parler du fait qu’on simule régulièrement ou qu’on a déjà simulé à son ou sa partenaire ? Mon point de vue ne sera probablement pas populaire, mais je conseillerais de ne pas le dire. Ce genre d’affirmation risquerait de faire plus de dommage que de bien et je pense qu’il y a moyen d’aborder le sujet et de renverser la vapeur sans dire frontalement : « Toutes ces fois où tu penses que j’ai eu un orgasme, je te mentais ! »

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Les résultats de mes recherches sont sans équivoque : personne ne se sent bien en apprenant que son ou sa partenaire a déjà faké. En fait, les gens se sentent presque trompés puisqu’on perçoit l’orgasme comme le summum de la connexion et de l’intimité. Dans cette optique, simuler, c’est comme annuler la connexion.

«vLa majorité des gens aiment se faire guider ou savoir ce qui allume leur partenaire. »

Voici donc ce que je conseille : lors de la prochaine relation où l’orgasme n’est pas au rendez-vous, ce qui est parfaitement correct et tout à fait possible, vous pourriez simplement le dire. Par exemple : « J’ai beaucoup de plaisir en ce moment, mais je suis distrait.e et je ne pense pas que ça va arriver. » Ce n’est pas obligatoire d’avoir un orgasme à chaque relation et ça ne veut pas dire que le rapport est un échec.

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Maintenant, c’est une chose de le nommer, encore faut-il que ce soit entendu. Parce que si la personne qui se fait dire « Je ne vais pas jouir, mais c’est ok » le prend à un niveau personnel, elle nourrit malgré elle l’envie de son ou sa partenaire de simuler la prochaine fois, pour éviter un conflit. Il faut faire attention de ne pas nourrir ce cercle vicieux.

J’ajoute aussi que c’est toujours une bonne idée de communiquer ce que l’on aimerait. La majorité des gens aiment se faire guider ou savoir ce qui allume leur partenaire.

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J’ai récemment appris que les hommes aussi peuvent simuler l’orgasme. Comment et pourquoi ?

Et oui ! C’est effectivement plus répandu chez les femmes hétéros, mais ça arrive aussi aux hommes.

Commençons par « comment ». Si l’homme a utilisé un préservatif, c’est assez simple pour lui d’en disposer discrètement, et ce serait étonnant que son ou sa partenaire aille vérifier le contenu pour voir si le préservatif est plein (rires).

Mais sinon, l’homme peut inventer des excuses pour expliquer l’absence ou la petite quantité d’éjaculat : il s’est masturbé plus tôt dans la journée, il éjacule peu en général, les deux partenaires ont utilisé du lubrifiant, la lubrification est abondante, etc.

Et pourquoi le feraient-ils ? Sensiblement pour les mêmes raisons que les femmes, c’est-à-dire pour que leur partenaire se sente compétent.e. On parle de raisons altruistes.

J’ai toujours trouvé ça très frustrant, cette espèce de croyance populaire qui veut que l’acte sexuel entre deux partenaires hétérosexuel.le.s se termine par l’orgasme masculin alors que la femme n’en a pas eu. Pourquoi est-ce ainsi et surtout comment communiquer ses attentes à son partenaire ?

« Un orgasme, c’est important pour moi, j’aime ça jouir et ce n’est pas forcément fini pour moi quand ça l’est pour toi. »

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Selon mes recherches, cet écart orgasmique se ressent plus dans les relations casuals (comme les one nights, les hook ups, etc.) que dans les relations de couple plus engageantes, où l’orgasme féminin est souvent plus valorisé.

La dynamique que vous décrivez montre qu’on perçoit l’orgasme masculin comme essentiel à la satisfaction sexuelle masculine, mais pas celui des femmes. On perçoit ce dernier comme un bonus. Genre « c’est cool si ça arrive, mais sinon, ce n’est pas la fin du monde ! »

Je conseillerais d’avoir une conversation sur les croyances et les mythes reliés à l’orgasme avec son partenaire. Par exemple : « L’orgasme est essentiel pour les personnes avec un pénis, mais pas pour celles avec un vagin. » En tant que femme, j’essayerais de nommer la chose suivante : « Un orgasme, c’est important pour moi, j’aime ça jouir et ce n’est pas forcément fini pour moi quand ça l’est pour toi. » Ou alors : « Tu as joui et tu n’es plus dur, mais moi, je viendrais mieux avec ta langue ou tes doigts de toute façon. »

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Autre croyance qui circule, qui n’est absolument pas légitime et qui n’aide pas la cause : c’est compliqué de faire jouir les femmes. Si ce mythe perdure, c’est en partie à cause des pratiques prédominantes chez les couples hétérosexuels. Puisque le schéma veut que les rapports sexuels hétéros soient construits autour de la pénétration, et que peu de femmes jouissent uniquement grâce à ce type de stimulation, on a l’impression qu’elles ne jouissent pas (ou jouissent moins). Et donc, on a l’impression que c’est compliqué, et ça devient une forme de prophétie autoréalisatrice. Qui plus est, si on a l’impression que c’est compliqué pour qu’une femme jouisse, on le voit comme un travail, comme une tâche, comme une corvée.

« si on a l’impression que c’est compliqué pour qu’une femme jouisse, on le voit comme un travail, comme une tâche, comme une corvée. »

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C’est donc tout ce script qu’il faut revoir. Dans une dynamique hétéro traditionnelle, où l’homme propose et la femme dispose (elle accepte ou refuse, mais ne propose pas), si elle a l’impression que l’homme vient de faire tout ce fameux « travail compliqué » pour essayer de la faire venir, elle voudra lui donner une récompense en jouissant (de façon réelle ou simulée). Ça met une pression immense de jouir, comme pour récompenser les prouesses sexuelles de son partenaire.

Il faut aussi revoir la conception comme quoi tout ce qui n’est pas la pénétration avec un pénis, comme les caresses, le sexe oral, la masturbation, les jouets sexuels, etc, sont des pratiques secondaires qui préparent à la pénétration, considérée comme « le plat principal ». Ce sont d’ailleurs ces pratiques-là (souvent appelés « préliminaires », terme que je déteste) qui procurent des orgasmes aux femmes.

Mais encore une fois, c’est bien de communiquer, mais il faut un partenaire qui écoute. Dans une dynamique hétéro, si l’homme n’a pas d’intérêt à voir l’importance de l’orgasme pour sa partenaire, ça n’ira pas loin.

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Est-ce normal qu’un orgasme soit différent à deux que seul.e ? Il y a certaines choses que je me fais à moi-même qui me procure du plaisir, mais si mon partenaire fait la même chose, je ne ressens pas autant de plaisir.

Quand on se touche soi-même, on connait son corps, on sait comment il réagit et le feedback est direct. On le sait instinctivement si on souhaite aller plus vite, plus lentement, plus fort, plus doucement, etc.

« Tout cela peut révéler une pression de performance. »

Avec quelqu’un d’autre, il faut communiquer (physiquement ou verbalement) pour indiquer ses préférences. Il y a des gens qui sont capables d’avoir un orgasme seul.e, avec leur main ou un vibrateur, mais si une autre personne est présente et les regarde, ou que la personne reproduit exactement ce qu’il ou elle se ferait, ça ne marche pas.

Tout cela peut révéler une pression de performance. « Est-ce que j’ai l’air sexy quand je bouge comme ça, quand je respire comme ça ? », « Ah, là, ça serait un bon moment pour l’encourager avec des gémissements », etc.

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Et cette pression de performance là, c’est une distraction. Et une distraction, c’est dans le chemin de l’excitation et de l’orgasme.