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Le conflit en Ukraine est plus que géopolitique, il est économique

Ce n’est pas qu’une guerre de territoire ou de chauvinisme national, c’est une question d’argent.

Par
Billy Eff
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Mercredi soir, après plusieurs semaines de tension sur la scène politique mondiale, le dirigeant russe Vladimir Poutine annonçait lors d’une allocution télévisuelle qu’une opération militaire spéciale serait lancée en Ukraine. Cela s’est traduit par une série de frappes de missiles en territoire ukrainien ainsi que le déploiement de près de 190 000 soldats avec chars d’assaut, Poutine prévenant au passage les pays étrangers et l’OTAN que toute tentative d’interférence dans ce qui ne peut être qualifié autrement que d’une occupation forcée « conduirait à des conséquences que vous n’avez jamais rencontrées dans votre histoire ».

On rapporte une centaine de morts dans l’est de l’Ukraine, dont une dizaine de civils, ainsi que plusieurs blessés.

Alors que des expert.e.s s’inquiètent d’un conflit armé en sol européen d’une ampleur que l’on n’avait pas connue depuis la Deuxième Guerre mondiale, les marchés mondiaux se voient fortement bousculés. Et les guerres, c’est avant tout (ou in fine), une question d’argent. Donc si on s’imagine que cette possible guerre n’affectera pas notre quotidien, il est temps de nous détromper.

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Voici ce qu’il faut savoir sur les conséquences économiques globales de l’invasion russe en Ukraine, et comment elles pourraient empirer la situation géopolitique.

La base : qu’est-ce qui se passe ?

Pour avoir une vue d’ensemble de la situation, mon collègue Jean vous a préparé un excellent article.

Pour réellement convaincre la Russie de se retirer de l’Ukraine, il va falloir des sanctions majeures, qui affecteront son économie

En somme, le 15 février dernier, une assemblée fédérale russe a voté en faveur de la reconnaissance de l’indépendance des territoires Donbas, soit Luhansk et Donetsk, tout comme différents corps gouvernementaux. Quelques jours plus tard, le président Poutine lui-même suivait le pas, après avoir passé plusieurs années à concrétiser dans l’esprit des Russes que l’Ukraine n’a jamais, à proprement parler, été un pays. Ainsi, ses supporters voient cette occupation comme étant une opération de rapatriement de leurs cousins éloignés, chassés par les Bolchéviques. Mais des expert.e.s croient plutôt que les raisons de l’occupation seraient économiques, la région étant très industrielle, et la main-d’œuvre locale sous-payée.

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Frapper là où ça fait mal : le portefeuille

Voyant la tendance se dessiner à l’horizon, les autres pays du G20, comme la plupart des dirigeants de la planète, ont condamné les actions politiques et militaires de la Russie, avant même que celle-ci ne lance l’opération d’hier soir. Cela fait plusieurs mois que des sanctions plus ou moins efficaces ont été mises en place.

Pour réellement convaincre la Russie de se retirer de l’Ukraine, il va falloir des sanctions majeures, qui affecteront son économie à un point tel que le jeu n’en vaudra pas la chandelle pour le gouvernement de Poutine. Entre autres, des joueurs majeurs du monde banquier pourraient cesser de financer des opérations en Russie, ou encore bloquer des transferts de fonds de banques russes. Du côté de la technologie, le pays pourrait voir son accès à des pièces essentielles comme des semi-conducteurs et des micropuces être révoqué. De telles pressions sur la vie financière et quotidienne des Russes pourraient fomenter une colère envers le gouvernement, qui a besoin du soutien de son peuple s’il veut se lancer dans des matchs de bras de fer comme celui-ci.

« Le Pentagone a dépensé plus d’argent en janvier que la Russie n’en dépensera en une année entière. »

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Dans un communiqué signé par les membres du G7 et l’Union européenne (UE), la présidente de l’UE Ursula von der Layen a promis « d’affaiblir la base économique de la Russie, ainsi que sa capacité à se moderniser », en plus de « geler les avoirs russes dans l’Union européenne et stopper l’accès des banques russes aux marchés européens ».

Le président américain Joe Biden a de son côté annoncé tout un programme de sanctions qui limiteront l’exportation de produits vers la Russie, afin d’« imposer un coût sévère à l’économie russe, à la fois immédiatement et sur le long terme ». Il a aussi annoncé des sanctions qui visent à « couper » les banques russes du système financier international.

De son côté, le premier ministre canadien Justin Trudeau a annoncé qu’une soixantaine d’individus et de personnes morales, dont des membres de la bourgeoisie russe, seront visés par des sanctions économiques similaires à celles des États-Unis. Qui plus est, des centaines de permis d’exports vers la Russie seront annulés, représentant une perte de plus de 700 millions $ pour des compagnies russes.

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Mais si les pays de l’Ouest imposent des sanctions à la Russie, leur économie aussi pourrait être bouleversée. Le prix du pétrole brut a déjà atteint plus de 105 $ US le baril, et l’on prévoit une hausse substantielle du prix du gaz naturel. L’économie russe et celle de l’Europe sont fortement entremêlées, car le pays de l’Est fournit à l’Europe 25 % de ses barils de pétrole, un tiers de son gaz naturel, des matières fossiles brutes, mais aussi des métaux de construction, comme le nickel et l’aluminium, en plus d’être un leader mondial de la production de grains. Ces pays devront donc procéder avec prudence dans leur choix de sanctions, sans quoi ce pourrait être leur peuple qui en souffriront.

Une guerre coûteuse

Mais, comme je vous le rappelais il y a quelques mois, la guerre, c’est un énorme business, et ça coûte cher ! Malgré une armée importante, le budget militaire de la Russie ne fait simplement pas le poids comparé à celui de l’OTAN. Comme le soulignait récemment Greg Myre, spécialiste en sécurité nationale, au micro de NPR : « La Russie dispose de ressources limitées par rapport aux États-Unis, par exemple. Le budget militaire américain est au moins 12 fois plus important. Le Pentagone a dépensé plus d’argent en janvier que la Russie n’en dépensera en une année entière. »

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Les sanctions économiques auront-elles l’effet dissuasif escompté ? Rien n’est moins sûr. Et avec la Chine comme seule alliée potentielle, Poutine aura des choix importants à faire s’il souhaite conserver une image sympathique auprès de ses supporteurs et maintenir en vie sa nation.

Entre-temps, sanctions économiques ou non, ce sont surtout les Ukrainien.ne.s qui souffrent.

Si vous souhaitez venir en aide aux Ukrainien.ne.s affecté.e.s par l’invasion russe, voici une liste d’organisations qui recueillent des dons.