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Le compagnonnage potager : entre pratique ancestrale et science
Dans un article publié en mars dernier, je mentionnais ne pas vraiment croire aux bénéfices du compagnonnage. Quelques jours plus tard, je recevais un message de Bertrand Dumont, auteur du livre Potager productif : Associez vos légumes facilement qui proposait de tenter de me faire changer d’avis. J’ai tout de suite accepté, toujours heureuse d’apprendre sur des sujets qui me sont moins connus et de discuter avec des collègues d’agriculture.
Mais qu’est-ce que le compagnonnage ? Il s’agit d’une technique agricole qui consiste à réunir différentes espèces au sein du même potager. Elle s’intéresse aux avantages que la proximité d’une culture peut apporter à une autre. Ces associations peuvent être mutuelles ou non.
Un excellent exemple de compagnonnage est la culture des trois sœurs pratiquée par les communautés d’Amérique du Nord et d’Amérique centrale : le maïs sert de support aux haricots grimpants, qui fixent l’azote atmosphérique dans leurs nodules pour le rendre disponible à la fois au maïs et à la courge, dont le feuillage volumineux au sol agit comme paillis pour conserver l’humidité de la terre et ralentir la croissance de mauvaises herbes.
Pourquoi le pratiquer
Il existe différentes raisons de pratiquer le compagnonnage. L’horticulteur Bertrand Dumont se désole : « On a réduit le compagnonnage au contrôle des insectes et des maladies, et c’est là la grande erreur. En réalité, c’est beaucoup plus que ça : c’est créer de la biodiversité. »
Pour lui, le compagnonnage prend différentes formes. Ce peut être la mise en place d’engrais verts pour nourrir et aérer le sol, l’installation de plantes trappes pour piéger et identifier rapidement les insectes nuisibles ou encore l’implantation d’espèces hautes pour créer des barrières physiques. Ainsi, il est possible de placer du basilic à côté des courges pour réduire la présence d’oïdium et de blanc, mais on peut aussi utiliser les tomates pour faire de l’ombre aux épinards en début d’été.
Les associations entre les plantes potagères permettent d’avoir un jardin en meilleure santé et d’ainsi augmenter son rendement (le rêve !). En effet, plus d’une centaine d’études probantes ont été publiées sur le compagnonnage. Ces recherches démontrent que celui-ci est toujours accompagné d’un gain, pouvant aller jusqu’à 200 % dans certaines situations. « Si on le fait, il n’y a pas de perte ! », estime l’expert enthousiaste.
Une technique controversée
Le compagnonnage est une pratique courante – même très populaire – mais tout de même controversée. Pourquoi existe-t-il de si nombreux débats ?
En comparant différents articles sur le sujet – et différents tableaux – on se rend vite compte qu’ils se contredisent souvent. À la lecture de l’ouvrage de Bertrand Dumont, il devient évident qu’il est impossible de condenser toutes les informations nécessaires à une bonne compréhension du sujet sur une seule page. Malheureusement, on présente souvent le compagnonnage comme simple et facile. Or, la réalité est toute autre : il s’agit plutôt d’une technique avancée. Si ses principes ont de nombreux bénéfices, ils complexifient aussi la planification du jardin.
« Commencez par produire des légumes, puis introduisez le compagnonnage après quelques années », conseille Bertrand Dumont. De cette façon, vous saurez quels sont les problèmes qui méritent votre attention. Il ne sert à rien de planter du thym à côté de vos tomates pour éloigner les sphinx de la tomate (une sorte d’insectes) si vous n’en avez jamais trouvés !
Observez plutôt ce qui se passe dans votre jardin. Le vent casse vos plants de basilic ? Pensez à créer une haie brise-vent avec du maïs. Les chrysomèles de la courge dévorent chaque été vos courgettes ? Implantez des pétunias dont l’odeur repousse de nombreux insectes ravageurs. Vos aubergines produisent peu de fruits ? Ajoutez de la marjolaine pour favoriser la présence d’insectes pollinisateurs !
Ainsi, les principes du compagnonnage devraient servir de guide. Les possibilités sont nombreuses et c’est aux jardiniers et jardinières de se réapproprier les principes selon les caractéristiques de leur jardin.
« La meilleure technique, c’est celle qui marche dans votre potager ! Et celle qui marche dans votre potager n’est pas forcément celle qui va fonctionner dans le potager d’à côté ! », rappelle l’horticulteur. Il est ainsi nécessaire de faire des essais et des erreurs avant de trouver la formule gagnante.
En rédigeant Potage productif, Bertrand Dumont avait comme objectif de rendre la technique plus accessible aux amateurs et amatrices. Le livre est, en effet, très bien vulgarisé tout en offrant les outils nécessaires pour appliquer les principes à son propre jardin. Les plantes potagères sont divisées selon leur besoin en nutriments et en eau, ce qui rend l’ajout de compost et l’arrosage plus facile durant l’été. Pour chacun des légumes, des herbes, des fleurs et des fruits, les différentes associations et leurs effets bénéfiques connus sont largement expliqués. On y retrouve même des plans de rotations et d’associations pour guider ses premières expériences.
Une chose à retenir du compagnonnage ? « C’est une technique ancestrale qui marche ! »
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Pour en savoir plus :
- Le potager productif : Associez vos légumes facilement de Bertand Dumont
- L’épisode de podcast Le compagnonnage, au-delà de la controverse, des combinaisons productives de Radio légumes