Logo

Le bikini, une histoire qui (d)étonne

Par
Marie Hazan
Publicité

Contrairement à ce que certains pensent, non, le « bi » de « bikini » n’est pas une racine latine faisant référence au nombre « 2 » comme c’est le cas pour un bicycle, un bimoteur ou un bimensuel ! En réalité, ce maillot de bain deux pièces, aujourd’hui roi des plages, trouve l’origine de son nom dans un passé plus sombre : il rend initialement hommage aux essais nucléaires menés par les USA pendant la guerre froide. Oui, ça casse un peu l’ambiance.

Itsi bitsi tini ouini

Juillet 1946, Paris. La danseuse Micheline Bernardini défile le long de la piscine Molitor dans la nouvelle création de Louis Réard, un ingénieur automobile reconverti dans le textile (pas commun, vous en conviendrez). Alors que le maillot de bain deux pièces existe déjà depuis les années 1930, Réard cherche à le révolutionner en le réduisant à quatre triangles de tissus, révélant davantage le corps de celles qui le portent.

Publicité

Quatre triangles, c’est trop peu pour ses contemporains qui s’indignent et manquent visiblement de tourner de l’œil à la vue du Saint-Nombril. Le bikini reçoit un accueil glacial (un comble, pour celui qui voulait briller les jours de grands soleils) et se voit même interdit dans plusieurs pays d’Europe comme l’Italie, la Belgique, l’Espagne, et même certaines plages françaises. On est encore loin du tube « itsi bitsi tini ouini, tout petit, petit, bikini » !

“En Bikini, elle fait l’effet d’une bombe”

Dans ce monde un poil pudibond et conservateur, ce qui dérange, c’est de voir des femmes exposer leurs nombrils. Avec le recul que nous avons aujourd’hui sur l’histoire et la guerre froide, ce qui choque davantage, c’est de voir l’industrie de la mode rendre hommage à l’arme de guerre la plus destructrice qu’il soit. En effet, si Louis Réard décide de nommer son nouveau modèle ainsi, c’est parce que le 1er juillet de la même année, soit 4 jours avant la présentation de sa création, les États-Unis entament leur campagne d’essais nucléaires sur l’atoll de… Bikini. Dans les îles Marshall. Vous voyez où on veut en venir ?

Publicité

Les frappes sous-marines américaines sont accompagnées d’une campagne médiatique colossale : une aubaine pour Réard qui surfe sur cette vague comme le ferait aujourd’hui un professionnel du référencement Google. Il décide alors de « jouer » sur cette ambivalence en accompagnant son œuvre du slogan « Le bikini, la première bombe anatomique ! », ou « En bikini, elle fait l’effet d’une bombe ». Publicité gratis. Discutable. Mais gratuite.

“Booms” simultanés

Publicité

1954, en France, le plus petit des maillots de bain explose. Quelques mois auparavant, Brigitte Bardot l’avait fièrement arboré sur les plages du festival de Cannes, ainsi que dans le film « Manina, la fille sans voiles ». La même année, quelque part au milieu de l’océan Pacifique, c’est tout autre chose qui explose sur l’atoll de Bikini : la bombe H, le « tir de Castle Bravo » : le plus puissant tir nucléaire américain jamais réalisé, considéré comme environ mille fois plus puissant que celui d’Hiroshima. Ces tirs sur Bikini confirment l’entrée durable de l’humanité dans une « ère nucléaire ».

Pendant que B.B foule le sol du célèbre festival de cinéma, les sols de l’atoll de Bikini, eux, deviennent radioactifs. En 1946, quand les USA choisissent ces îles pour mener leurs essais, l’atoll est peuplé. Les habitants sont alors payés pour partir en emportant avec eux les ossements de leurs ancêtres. Quand ils reviennent sur leurs terres après 23 essais américains, ils sont nombreux à développer des cancers de la thyroïde ou des malformations congénitales. Résultat : la population est de nouveau évacuée. Selon une étude, les sols de Bikini se sont révélés bien plus radioactifs que ceux de Tchernobyl.

Au-delà du fait que son nom soit une ode à l
Publicité
’ère nucléaire choisi par un créateur opportuniste, le Bikini continuera à diviser l’opinion jusqu’à notre
ère. De symbole d’émancipation et d’affirmation des corps à outils sexiste faisant primer le côté pile au côté face dans les concours de beauté, ce maillot déchainera l’opinion. Mais finalement, comme le dit Annabelle Hirsch dans son ouvrage 100 objets racontent une histoire des femmes
, il n’
y a qu’« une réponse à la question de savoir ce qu’une femme doit porter : autant ou aussi peu de tissu qu’il lui plait.
»