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L’hypersensible que je suis s’émeut trop facilement. Je vois du beau partout. J’émets pathétiques onomatopées d’émerveillements devant tout et n’importe quoi. Je perds tous mes moyens en présence d’un golden retriever. Et en tout haut de liste, il y a UNE chose qui me fait fondre comme d’la crème glacée au micro-ondes.
Le bégaiement.
C’est vraiment bizarre et à la limite du malsain, je sais. Il y a quelque chose d’un peu immoral à apprécier de voir quelqu’un qui cherche ses mots et qui s’embourbe dedans.
C’est un peu comme les anglophones qui se forcent pour parler dans un français cassé. Ça a le même effet sur moi. J’deviens mou.
Je sais pas d’où ça vient, cette préférence pour la phonétique fragile. Et j’en parle pas souvent parce que chaque fois ça fait sourciller tout le monde. Mais j’ai envie de m’assumer et de dévoiler mon timide amour pour les personnes avec un problème d’élocution.
J’ai toujours prêté une oreille plus attentive aux personnes qui parlaient moins ou qui avaient de la misère à s’exprimer. Et pas seulement par compassion.
J’aime comment ils ne gaspillent aucune voyelle. Le soin avec lequel ils choisissent leurs mots. J’aime aussi comment certains autres découpent leurs syllabes comme le ferait de gros ciseaux dans du papier-mousse.
Mon premier béguin pour une personne bègue s’est produit dans la télésérie québécoise « Tu m’aimes-tu ». Je suis tombé amoureux de la veuve qui avait une surcharge d’émotions et qui avait toutes les difficultés à les exprimer. Dans toutes ses adversités, elle dégageait une puissante délicatesse que je trouvais irrésistible.
Depuis, même si les bègues travaillent fort pour se débarrasser de ces problèmes (ce que je leur souhaite de tout cœur), je ne peux pas m’empêcher d’apprécier ces petites tensions qu’ils créent bien malgré eux en communiquant.
J’ai souvent la tête dans les nuages et je perds trop facilement le fil des conversations. Je pense que c’est parce que les dialogues sont codés, répétitifs et donc souvent chiants.
Il m’arrive, par exemple à mon job, de m’adresser à des personnes qui présentent des troubles de la parole. Et c’est dans ces discussions-là que je me retrouve le plus attentif, suspendu aux lèvres de la personne, en attendant patiemment le mot suivant. Sans jamais compléter les phrases à leur place (je sais qu’ils détestent ça). En prenant juste le temps d’apprécier l’effort particulier qu’ils mettent à se faire comprendre.
Puis ça m’a fait penser à ma vlogueuse préférée, la charmante Solange de la bien nommée websérie Solange te parle. Elle reproduit un peu ce phénomène, elle complique artificiellement son message afin de mettre l’emphase sur la forme plutôt que le fond. Les capsules portent sur des sujets banals mais c’est la façon dont elle en fait le récit qui capte l’attention. Cette complication forcée, cette façon de faire autrement, me touche spécialement. C’est une question de sensibilité, je pense, de privilégier l’émotion au message.
Dans le fond, c’est pas le bégaiement que je trouve mignon. Un trouble de la parole, c’est pas une fleur dans les cheveux ou une robe à paillettes. C’est un handicap qui mine des vies.
Ce que j’aime, c’est plutôt la force tranquille avec laquelle ces personnes disent les choses. Et je hais ceux qui s’impatientent à grands coups de soupirs dans ces discussions saccadées. Ils ne savent pas ce qu’ils manquent. C’est souvent eux qui ont les choses les plus intéressantes à dire, en plus. Faut juste prendre le temps d’écouter.