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L’art du 11 septembre : 20 ans à chercher quoi dire
Plusieurs études tendent à démontrer qu’un trauma pourrait être source de foisonnement créatif. Et s’il y a un moment dans l’histoire qui nous a perturbés collectivement, ce sont bien les attentats du 11 septembre 2001. Pourtant, seriez-vous capable, sans utiliser Google, de nommer une oeuvre inspirée des événements ? Une proposition vous ayant profondément marqué ? Qui vous aurait donné une perspective différente sur les événements ? Moi non plus.
Est-ce qu’on aurait manqué une belle occasion de profiter du pouvoir thérapeutique de l’art ? Et qu’en est-il de la valeur artistique des oeuvres qui ont poussé dans les cendres des deux tours ? OK, disons-le plus crûment : les oeuvres inspirées du 09/11 sont-elles… nulles ?
Revivre le traumatisme vs vivre avec le traumatisme
Les gens ont gardé un petit malaise dans les mois qui ont suivi la tragédie. On a vu quelques documentaires hâtifs apparaître en 2002 pour nous aider à comprendre ce qui venait de nous frapper. Il y a également eu le film 11’09’’01 September 11 piloté par 11 réalisateurs de renom tels que Claude Lelouch, Shōhei Imamura, Alejandro González Iñárritu et Sean Penn qui était somme toute pas mal. Peut-être un peu mélodramatique, mais on peut comprendre vu les circonstances.
Les choses se sont gâtées lorsqu’on s’est mis à faire des films de fiction à ce sujet, comme le fameux World Trade Center mettant en vedette un Nicolas Cage au plus bas de sa carrière et Remember Me, n’ayant aucun lien avec les événements du 11 septembre si ce n’est le fait (spoiler alert) qu’on comprend à la toute fin que Robert Pattinson est dans une des tours quand cette dernière est frappée de plein fouet par un avion.
« Une forme d’art comme le cinéma a des visées plus mercantiles, » m’explique le professeur de sociologie au Cégep Édouard-Montpetit et sociologue Francis Boilard. « Appeler au trauma collectif est une façon comme une autre d’intéresser les gens et faire un maximum de profits ». Les chiffres lui donnent d’ailleurs raison. World Trade Center est largement rentré dans ses frais au box-office. Remember Me aussi, mais on le doit probablement beaucoup plus au beau Robert qui était au sommet de sa popularité à l’époque.
De simples allusions faites par des rappeurs juste-parce-que-ça-rime à l’album de Bruce Springsteen qui y est entièrement dédié, il existe des centaines de références musicales au 11 septembre.
On a eu droit à d’innombrables chansons aussi. De simples allusions faites par des rappeurs juste-parce-que-ça-rime à l’album de Bruce Springsteen qui y est entièrement dédié, il existe des centaines de références musicales au 11 septembre. La plupart des grands noms de l’industrie ont fait quelque chose à ce sujet: Beyoncé, Bon Jovi, Imagine Dragons, la plus mémorable étant probablement Empty Walls, de Serj Tankian.
Même chose côté littéraire. Beaucoup de romans se sont écrits autour des événements: Falling Man de Don DeLillo, Extremely Loud & Incredibly Close de Jonathan Safran-Foer, Windows on the World, de Frédéric Beigbeder, etc. Malgré leur nombre important, ils n’ajoutent pas grand-chose au discours entourant le 11 septembre. Alors que Beigbeder et Safran-Foer nous font revivre le trauma associé aux attentats, le roman de DeLillo nous plonge dans la peau d’un survivant qui ressent une grande sensation de vide lorsque sa vie revient à la normale.
« L’art est une forme de communication et sert souvent à communiquer de la souffrance, parce que c’est une émotion puissante qui affecte tout le monde, » continue Francis Boilard. « Les victimes et jusqu’à un certain point les New-Yorkais ont vécu [les événements] avec plus d’intensité, mais on a aussi vécu quelque chose de marquant, même si c’était à travers les médias. On l’a tous vécu ensemble. C’est peut-être ça qui est profondément insatisfaisant à propos de l’art du 11 septembre. »
Les limites de l’art
Plusieurs artistes ont voulu s’exprimer par rapport au 11 septembre, mais avaient-ils toujours quelque chose à dire ?
Les attentats du 11 septembre ont testé les limites de l’art: y avait-il vraiment quelque chose à dire pour soigner la blessure collective ?
Parfois, l’intensité et l’horreur parlent pour elles-mêmes. Y avait-il vraiment quelque chose à ajouter pour soigner la blessure collective ? Personne n’a encore fourni de réponse satisfaisante à ce sujet. L’oeuvre d’art qui m’a le plus touché en lien avec les événements est l’album de vaporwave News at 11 de l’artiste indonésien 猫 シ Corp. qui imagine la programmation télévisuelle d’un 11 septembre où les attentats ne se seraient jamais produits. C’est peut-être ça l’idée la plus désarmante à explorer au fond ?
De quoi aurait eu l’air le monde si le 11 septembre avait été une journée comme les autres ?