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N’en déplaise à Johnny, on a tous en nous quelque chose de Larry David. Marre des conventions sociales qui nous pourrissent la vie (oui Elodie, je m’en tape sévère de ta cagnotte d’anniversaire), des bonnes manières qui insufflent un vent d’hypocrisie sur nos relations… peu importe où se situe votre niveau de misanthropie, vous trouverez forcément quelque chose à becter parmi les 121 épisodes de Larry et son nombril – Curb your enthusiasm de son titre original, traduit plus judicieusement par Cache ta joie au Québec – série désormais culte chez nos cousins outre altlantiques et injustement méconnue par chez nous. Le dernier épisode de l’ultime saison se diffusait le 7 avril et il est était plus que temps qu’on rende hommage à ce petit bijou pretty… pretty… pretty… pretty good.
Larry David, whatelse?
Commençons par le commencement : qui se cache derrière ce septua à la désertion capillaire galopante ? Au départ, il y a un Juif new-yorkais qui veut se lancer dans le stand-up (comme 99% des gens aujourd’hui, mais à cette époque c’était un tout petit peu plus rare). Non seulement, il n’est pas terrible (qu’il dit) mais en plus il engueule le public quand ces derniers ne rigolent pas à ses vannes. Il cumule donc les petits boulots notamment celui de chauffeur particulier pour une riche femme aveugle, ce qui lui permettait de laisser la voiture en bordel sans que la cliente n’y voit que dalle (anecdote qu’il ressert à l’envi dans Curb). Puis on le retrouve dans les bureaux du Saturday Night Live comme auteur. Là encore c’est un échec. Pendant 1 un an, aucun de ses textes ne sont utilisés. Il raconte même un jour avoir pété un boulon en hurlant sur tout le monde, et en annonçant qu’il se cassait de cette équipe de nazes. Puis il décide finalement de revenir le lundi suivant comme si de rien n’était parce que c’était tout de même con de s’asseoir sur un salaire pas dégueu pour des questions d’ego. Coup de bol ou tristesse infinie : tout le monde a ignoré son coup de sang et le réintègre à l’équipe comme si de rien n’était (une histoire qu’on retrouve dans l’épisode “The Revenge” de Seinfeld).
Une série qui parle de rien : le jackpot
C’est à 42 ans qu’il s’associe à l’humoriste Jerry Seinfeld pour produire une sitcom éponyme dont il sera aussi le showrunner durant les 7 premières saisons avant de quitter la série ; il reviendra uniquement pour le dernier épisode, qui constitue l’une des fins les plus mal reçues de l’histoire de la sitcom : le procès des 4 protagonistes. Toutefois, Seinfeld n’en est pas moins le plus gros carton des sitcoms américaines. Réservée en France aux abonnés Canal dans les années 90 (ces gens qu’on a longtemps considérés comme des êtres supérieurs), la série n’est alors connue que de ces rares élus qui ont trouvé là l’occasion rêvée de mépriser les fans de Friends, pâle copie de son aïeul. Parce que Seinfeld c’est un peu l’anti-Friends avant l’heure, les 4 personnages principaux ne sont animés d’aucuns bons sentiments (certains personnages secondaires comme la fiancée de George meurent sans qu’on y prête plus que ça attention).
La série ne raconte rien (“A show about nothing”) et scotche pourtant des millions de téléspectateurs devant leur petit écran (l’épisode final tant décrié réunit tout de même 76,3 millions de téléspectateurs). Si Larry David n’y apparaît qu’à travers la voix de Steinbrener (le boss de Georges) et quelques caméos, il y sème tout au long des saisons les graines de sa douce aversion pour le reste de l’humanité. De nombreuses intrigues sont inspirées de sa vie personnelle, d’ailleurs George Costanza est clairement son double et le personnage de Kramer s’inspire sans détour d’un de ses voisins.
Après une tentative foireuse dans le cinéma avec la réalisation du long métrage Sour Grapes qui ne marquera pas l’histoire, Larry signe avec HBO un nouveau projet : sorte de mockumentary d’une heure sur sa vie d’ex-producteur légendaire et gigallionnaire (Seinfeld lui aurait rapporté la coquette somme de 250 millions de dollars) signant son retour dans le stand-up. On est en 99, et l’air de rien, Curb your enthousiasm est né.
Improglio
Il faut attendre le vrai début de la série en 2000 pour se délecter du générique dont la mélodie signée Luciano Michelini a été créée en 1974. Larry l’avait entendu par hasard dans un centre commercial des années auparavant et a décidé d’en faire le thème principal de Curb. Il deviendra rapidement le thème musical le plus reconnaissable de l’histoire des séries, se mariant à la perfection avec une bande-son proche de l’univers gaguesque circassien.
Si vous cherchez des beaux plans de cam’ et une réalisation aux p’tits oignons passez votre chemin. Ici le procédé est simple : on jette quelques répliques sur le papier pour avoir une idée du propos de la scène. Pour le reste, les comédiens improvisent et les cameramen les suivent comme ils peuvent en essayant de ne pas louper une miette de ce qui se déroule sous leurs yeux. Et tant mieux parce qu’on s’en fout du reste, tout ce qui compte ce sont ces situations de malaise urticantes dans le joli monde de L.A. dans lesquelles Larry va systématiquement s’empêtrer. Sous couvert de son égocentrisme apparent, son personnage permet de porter en dérision des sujets graves, ou du moins traités comme tels. Après tout, pourquoi ne pourrait-on pas offrir une machine à coudre à un petit garçon ouvertement efféminé fan de “fashiooooon” (la palme d’or pour ce personnage relevant du génie).
Après tout, pourquoi ne pas réclamer l’argent qu’on a prêté à un type récemment diagnostiqué Alzheimer ? Son comportement est moins louable quand il élabore un plan pour larguer sa copine atteinte d’un cancer et dont il n’a pas envie de s’occuper, ou pour éviter à tout prix de filer un rein à son meilleur pote mourant. C’est justement ce qui fait tout le sel de cette série à la plus grande longévité, et qui se permet des pauses parfois insolemment longues (6 ans entre le 8e et la 9e saison). On y croise beaucoup de guests qui jouent parfois leur propre rôle : Michael J. Fox qui utilise sa maladie de Parkinson pour jeter des trucs sur Larry, Salman Rushdie qui explique comment avoir une fatwa contre lui est le meilleur plan pour pécho, ou encore les acteurs de Seinfeld qu’on retrouvera tous dans les épisodes concernant la “Seinfeld reunion”. Larry va même jusqu’à faire rejouer à Michael Richards (Kramer) sa violente sortie raciste lors de son spectacle.
Quant aux récurrents, certains jouent leur propres rôles (feu l’hilarant Richard Lewis, Ted Danson ou encore Mary Steenburgen) d’autres composent avec des personnages fictifs qui deviendront cultes (Jeff le manager et sa dragonne de femme Susie en tête). Beaucoup d’humoristes peuplent d’ailleurs de casting, à commencer par les susnommés Susie Essman et Richard Lewis, mais aussi Bob Einstein (qui nous a également quitté) ou encore J.B. Smoove sans doute la clé pour une partition comique en grande partie improvisée.
A l’instar de Seinfeld, Curb est aussi une série sur rien, sur les micro drames et quiproquos du quotidien qui prennent des proportions tragiques (et parfois cruelles comme le neveu adolescent de Funkhauser mort des suites d’une maladie vénérienne contractée après un rapport sexuel avec une prostituée payée officieusement par Larry). Elle met en évidence l’absurdité même de l’existence, alors pourquoi l’entraver avec les emmerdes que nous impose la bonne société ?