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L’amour au temps de la Covid

Les apps de rencontres, ce n'est plus ce que c'était.

Par
Mori Beleko
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Si ce titre inspiré par L’Amour au temps du choléra de Gabriel Garcia Marquez a été pris et repris par diverses publications qui traitent du sujet, c’est bien parce que le marivaudage est grandement contrarié par la pandémie actuelle, et l’humeur générale sur les applis de rencontres est sensiblement la même que celle du Javier Bardem neurasthénique qui erre dans le film tiré de l’œuvre susnommée.

Ayant eu l’occasion de traîner sur diverses applications dont Her (rencontres lesbiennes et non-binaires), Bumble (rencontres de tous types mais principalement hétéronormées) et Tinder (la foire d’empoigne que tout le monde connaît), j’ai eu le plaisir de rencontrer une variété d’êtres humains en quête de chaleur, d’une conversation intéressante ou simplement d’un petit coup à la sauvette malgré les règlements. Voici leurs portraits.

LE CANDIDE

Au second message, quand tu lui demandes innocemment à quoi il s’occupe pendant le confinement, il te répond non moins innocemment : « Regarder les murs de ma chambre et me branler sur des films pornos ». Comme c’est le confinement et qu’on est quand même un peu obligé.e.s de se courtiser par message, tu sens que c’est pas le bon candidat.

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L’HYGIÉNISTE

Sexuellement et sentimentalement, ça accrochait fort entre vous mais depuis que le confinement a commencé, elle ne se déplace plus sans son gel hydroalcoolique et tu dois copieusement te désinfecter les mains avant de pouvoir toucher les siennes. Et te fais pas d’idées parce que c’est la seule chose que tu es autorisé.e à toucher désormais. Vos dates ressemblent à un poème d’amour courtois en moins olé-olé car ils consistent désormais uniquement en pudiques promenades dans le quartier avec masques ; vous vivez sur les souvenirs et les sextos.

LE GEEK

Il n’a pas remarqué la différence avec ce qui se passe en temps « normal », tout accaparé qu’il est par ses documentaires sur les vaisseaux spatiaux et la biographie de Florence Arthaud qu’il est en train de (re)lire. Il te confie sa passion pour la course Vendée –Globe mais ne te pose aucune question sur toi. Il a juste envie de parler de Florence Arthaud.

LA NAUFRAGÉE

La covid a littéralement ruiné sa vie. Elle était en PVT à Sydney en train de servir des shots dans un bar de surfers quand la pandémie a frappé et elle a dû tout quitter pour rentrer au bercail. Là, en ce moment, elle habite chez son ex qui est immunodéprimée et en conséquence elle ne peut fréquenter personne (d’ailleurs vous vous voyez lors d’une promenade au parc en distanciation sociale et enveloppées chacune d’un nuage de gel hydroalcoolique). Elle n’a pas de boulot et très prochainement plus d’appart. Heureusement elle a un moral à toute épreuve et elle est morte de rire en montant la garde pendant que tu t’absentes derrière un buisson au bord du fleuve pour soulager un besoin naturel.

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LE POLISSON FRAGILE

Il t’annonce sans ambages qu’il est une âme sensible à la recherche de l’amour, mais qu’il voudrait quand même surtout baiser. « Donc ça te va si on fait du sex (oui il écrit « sex ») pour commencer ? » L’occasion est trop belle pour ne pas caler une petite introduction au concept de consentement en expliquant que tu ne signes pas d’entente à l’avance et que le « sex » n’est pas le débouché garanti d’un.e date. Donc, non gros, je ne m’engage pas à te pomper le pingouin au parc même si tu me fais miroiter l’attrayante possibilité d’une vie de couple avec toi.

Il disparaît mystérieusement de ta liste de matches, sans doute reparti en quête d’une baise plus assurée.

LA GÉNIE DÉSÉQUILIBRÉE

Cette fille sait tout faire. Elle est musicienne, formée aux arts martiaux, elle parle trois langues et elle est calée en finance. Accessoirement elle fait des cocktails de feu. Vous accrochez tellement bien dès le premier rencart que, balançant principe de précaution et sous-vêtements par-dessus les moulins, tu entres chez elle et tu te laisses aller à quelques actes sexuels sur le plancher de son salon. Le problème : elle ne veut plus que tu rentres chez toi. PLUS JAMAIS. Tu es obligé.e de fuir en catimini en redoutant qu’elle te rattrape et te traîne à nouveau chez elle après avoir interrompu ta fuite d’un low kick balayette bien appliqué.

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LE SURVIVALISTE

Il te propose une excursion en vélo et comme c’est encore l’automne et qu’il fait beau, tu es ravi.e. Tu es encore plus ravi.e quand il fait péter la bouteille de rosé face au coucher du soleil sur le fleuve. Tu es un peu moins ravi.e quand tu te rends compte que le soleil est couché, qu’il fait noir et que t’es bloqué.e à vélo dans les buissons avec un mec que tu ne connais pas. Il choisit ce moment opportun pour faire une blague sur le fait qu’il est peut-être un tueur en série. Tu prends la ferme résolution de ne jamais le rappeler.

Non listées ci-dessus mais méritant de figurer au générique, je rends ici hommage aux personnes qui pensent que le point d’interrogation à la fin des questions est un ornement superflu, celles qui pensent que la covid est une machination du gouvernement, et celles qui sont toujours amoureuses de leur ex mais qui se sentent seules et veulent discuter.

Dans l’impossibilité de se toucher et dans des circonstances pour le moins adverses, toutes ces personnes tentent de se parler, et parfois de se rencontrer. Elles ont toutes une histoire un peu drôle, un peu triste, et en ces temps étranges, chacun.e cherche sa chatte.

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