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L’alcool : la drogue validée par les lobbys (et l’Élysée)
“Un repas sans vin, c’est un repas un peu triste.”
Ces propos n’ont pas été tenus par un membre du lobby du vin, mais par Emmanuel Macron, dans une longue interview accordée au magazine Terre de Vins, en pleine campagne pour l’élection présidentielle. Le candidat y déclare son amour pour différents crus, teste quelques bouteilles à l’aveugle mais, surtout, affirme son intention de soutenir la viticulture après avoir assoupli la loi Évin en tant que ministre de l’Économie.
La santé et les risques liés à la consommation d’alcool sont à peine abordés dans l’entretien qui est une véritable ode à “l’art de la table à la française”.
EN FRANCE, L’ALCOOL EST À L’ORIGINE DE 49 000 MORTS PRÉMATURÉS CHAQUE ANNÉE (SANS COMPTER LES DÉCÈS SUR LA ROUTE).
- 22% des Français dépassent les plafonds de consommation d’alcool,
- Avec 42,8 millions d’adeptes, la France est l’un des pays qui compte le plus de consommateurs, dont 1,5 million de personnes dépendantes à l’alcool,
- L’alcool est l’une des premières causes d’hospitalisation en France.
Ces chiffres sont édifiants, mais pas de quoi s’inquiéter pour le gouvernement qui reste très mesuré lorsqu’il s’agit de prévention des risques liés à l’alcool.
“Le lobby de l’alcool a infiltré tout l’appareil d’Etat de la présidence jusqu’au ministère de la Santé en passant par le Premier ministre.” – BERNARD BASSET, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION ADDICTIONS FRANCE, SUR FRANCEINFO.
Dernier exemple en date : deux campagnes de prévention sur les risques de l’alcool qui auraient dû être lancées à l’occasion de la coupe du monde de rugby ont été annulées par le ministère de la Santé.
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« Est-ce qu’on peut associer la santé à l’alcool ? Non, évidemment. C’est très dérangeant pour le lobby de l’alcool », estime Bernard Basset, président d’Addictions France.
En lieu et place, le ministère de la Santé a misé sur une communication beaucoup moins incisive, visant les jeunes :
Au final, aucun message sur la nécessité de réduire sa consommation d’alcool. Des affiches et des spots qui ne risquent pas d’effrayer les alcooliers.
Évidemment, ce n’est pas la première fois que les lobbies de l’alcool mettent leur nez dans les différents moyens de faire de la prévention en France.
En 2019, Santé publique France voulait lancer une opération “Mois sans alcool”, inspirée du challenge Dry January qui connaît un certain succès sur internet. Une bonne idée qui a déjà fait ses preuves en France avec le “Mois sans tabac”. Un budget est établi, des visuels créés, un planning de communication fixé avec des agences… Sauf qu’au dernier moment, l’opération est annulée “à la suite d’arbitrages gouvernementaux.”
“On a appris ensuite que le blocage était venu du niveau de la présidence de la République.” – Jean-Michel Delile, président de la Fédération addiction, à OUESTFRANCE.
Vous l’avez vu, Emmanuel Macron est un amateur de grands crus. C’est aussi un grand buveur de whisky et de bières. Le chef d’État a une “bonne descente” selon ses proches. Et on a pu le vérifier lors de la finale du Top 14.
« Le président a un devoir d’exemplarité. Il ne peut pas donner cette image où on boit sans maîtrise à la télévision, associer le sport à la consommation d’alcool. Il a une responsabilité », estime le médecin Bernard Basset, d’Addictions France.
“Jamais le secteur vitivinicole n’a eu meilleur VRP à l’Élysée.” – Nathalie Schuck, journaliste POUR LE POINT.
Évidemment, Emmanuel Macron n’est pas le premier président de la République à faire la promo du vin et autres spiritueux. De Gaulle, Giscard, Hollande, Chirac (et même Sarkozy qui boit très peu) ont sifflé des verres devant les caméras au nom de la promotion du terroir. Chose qui serait inimaginable avec une autre drogue (même si elle est produite en France).
Résultat du travail des lobbys : plus d’une personne sur cinq pense que boire un peu de vin diminue le risque de cancer plutôt que de ne pas en boire du tout.
« La moitié de l’alcool consommé en France l’est par 8 % de la population. […] Si jamais, par un coup de baguette magique, il n’y avait que des consommateurs modérés, l’industrie de l’alcool s’effondrerait », Nicolas Simon, addictologue au CHU de Marseille, au journal L’Humanité.
LE PIRE DANS TOUT ÇA ? L’ALCOOL REPRÉSENTE UN “MANQUE À GAGNER” POUR L’ÉTAT : SON COÛT SOCIAL EST ESTIMÉ À 118 MILLIARDS D’EUROS.
COÛTS LIÉS À LA MORTALITÉ : 66 MILLIARDS D’EUROS
COÛTS LIÉS À LA MORBIDITÉ : 39 MILLIARDS D’EUROS (DONT 8,5 POUR LES SOINS LIÉS À L’ALCOOL)
COÛT POUR LES FINANCES PUBLIQUES : 4,9 MILLIARDS D‘EUROS PAR AN
RECETTES DES TAXES SUR L’ALCOOL : 3,2 MILLIARDS D’EUROS
« L’alcool ne rapporte donc rien à l’État, il ampute les finances publiques », écrit l’Inserm qui cite l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies.
Désormais, la communauté addictologique craint de voir le discours de prévention devenir un élément de langage politique comme un autre. Surtout face à un lobby riche qui met toutes ses forces pour défendre ses intérêts.