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Évian, ville thermale connue pour ses petites bouteilles d’eau en plastique, jouit d’une renommée internationale. Et pour cause.
Cette métropole de 200 000 habitants est le véritable poumon économique et culturel de la région. Ici, les personnes âgées n’existent pas. Chaque foyer étant alimenté d’eau d’Évian par le robinet, la population se maintient entre 5 et 25 ans et à même tendance à rajeunir année après année. Dans la rue, les beaux Évianais passent des journées entières à danser face à des vitrines de magasins, ou à se faire frôler par des bébés en rollers qui exécutent des chorégraphies de break dance. Ici, on ne vit que d’air pur et d’eau fra îche…
Bon, je me suis peut-être un peu emballé là.
Évian compte moins de 10 000 habitants et se situe en Haute-Savoie, sur les bords du lac Léman qui marque une frontière naturelle entre la France et la Suisse. Positionnée entre lac et montagne, Evian est un point de chute idéal pour pratiquer les activités de la région : randonnée en montagne le matin et baignade à la plage l’après-midi en été.
Ski l’hiver, la première station se trouvant à moins de 25 minutes de route. Et si vous n’êtes pas du genre sportif, les villes de Genève et Lausanne se trouvent à moins d’une heure de voiture pour faire du shopping ou déguster une vraie fondue suisse.
Rares sont les villes de moins de 10 000 habitants qui jouissent d’une telle renommée. En plus de pouvoir se targuer d’exporter ses bouteilles à travers le monde entier, Évian se démarque par l’organisation annuelle d’un tournoi de golf féminin prestigieux, l’Evian Championship, celle du G8 en 2003, ainsi que par son équipe de football: l’Évian Thonon Gaillard FC.
Et pourtant, Évian c’est petit. Sacrément petit même. Chaque Évianais s’est déjà fait demander par un touriste où se trouve le centre-ville. Question anodine et tout à fait légitime quand on visite un territoire inconnu, sauf quand ledit touriste se trouve déjà au cœur de la seule et unique rue commerçante…
Là, c’en est presque un peu gênant.
Ce décalage qui existe parfois entre l’imaginaire et la réalité fait d’Évian une ville empreinte de mystère qui possède ses propres enjeux. Quoi de mieux pour présenter une ville que de s’attarder sur ce qui la rend unique ? Voici un métier, une initiative, un plat et un évènement que vous ne retrouverez nulle part ailleurs.
Jean-Louis: le radeleur d’Évian
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Ne cherchez pas cette profession dans le dictionnaire, elle ne s’y trouve pas.
Pour atteindre Lausanne depuis Évian, il faut compter plus d’une heure de route. La compagnie générale de navigation (CGN) assure la liaison maritime entre les différentes villes de l’arc lémanique afin que touristes et travailleurs frontaliers puissent se déplacer en 35 minutes entre les deux rives. Ne soyez donc pas surpris d’entendre quelqu’un dire qu’il part travailler en bateau, ici c’est normal.
Car oui, l’économie suisse va bien, et l’économie française… moins bien, on dira. Avec la hausse du franc suisse et la paralysie de l’économie française, on assiste à une très forte augmentation du nombre de frontaliers : ceux qui habitent en France, mais qui travaillent en Suisse.
Le rôle de Jean-Louis, en tant que radeleur, c’est d’installer la passerelle entre le bateau et le ponton pour permettre aux passagers d’embarquer en toute sécurité.
“En 5 ans, le nombre de frontaliers a plus que doublé. Chaque matin, ce sont trois bateaux qui partent d’Évian en direction de Lausanne, soit plus de 1500 personnes. C’est sûr que faire 35 minutes de croisière matin et soir afin de doubler ou tripler son salaire, ça en attire plus d’un.”
Cette fuite des talents ne se fait pas sans conséquence. Les entreprises locales situées en Haute-Savoie peinent à recruter de la main d’œuvre de qualité.
“Ceux qui prennent le bateau, ce sont surtout des ouvriers du bâtiment, des employés du milieu hospitalier, des serveurs ou des vendeurs. Bref, ce sont surtout des gens qui sont prêts à faire un travail que les Suisses ne veulent plus faire. Cela fait plus de 13 ans que je fais ce métier, et je sens que cette tendance va encore s’accentuer.”
Feeling and sound
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Crédits photo : Jérôme Spire
Il y a près de 15 ans, Franck Fricker cherche à démocratiser la culture techno dans la région. Entouré d’une dizaine de DJ, il décide de former le collectif Feeling & Sound qui vise à offrir une tribune aux artistes locaux. Plus que cela, son projet est de permettre à toute une génération de se retrouver lors d’évènements électro sans avoir obligatoirement à se déplacer à Genève où Lausanne.
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En été, des concerts sont organisés tous les jeudis dans les bars branchés du bord du lac et en hiver, c’est dans les stations de ski que ça se passe. Comme le dit son fondateur : “Nous sommes en croissance constante depuis notre création. Ce que nous voulons, c’est poursuivre notre action pour favoriser l’accès à la culture techno dans notre région.” Grâce au travail acharné de Franck, les jeunes ayant décidé de s’établir à Evian ont maintenant l’occasion de se rencontrer et de découvrir ensemble des DJ émergents.
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Crédits photo : Jérôme Spire
Le Frenchy Tartiflette
En Haute-Savoie, chaque plat traditionnel repose sur de savants mélanges de fromages de la région. Si vous êtes intolérant au gluten et au lactose, vous allez passer un sale quart d‘heure.
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Et pourtant, ce serait un sacrilège de ne pas visiter le O’planet burger, seul fast-food de la ville. L’idée de génie du propriétaire est d’avoir osé ce que la morale a jusqu’ici toujours interdit : mélanger le gros fast-food américain avec les non moins raffinées spécialités régionales.
Prenez le “frenchy-tartiflette” par exemple. Ce petit bijou graisseux consiste à placer une tartiflette (pomme de terre, lardons, crèmes, oignons) dans un sandwich, le tout subtilement agrémenté de quelques frites frivoles.
C’est de l’art.
Dieu merci, la bienséance est respectée : le tableau des calories n’y est pas indiqué… y a quand même des limites.
Le fabuleux village des Flottins
Chaque année, lorsqu’arrivent les fêtes de Noël, Évian accueille un “fabuleux village“.
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Imaginez toute une ville de montagne qui se remplirait de 600 sculptures en bois flotté, 22 conteurs, musiciens et comédiens. Durant 3 semaines, le centre-ville s’éclaire aux flambeaux, des bruits mystérieux sont diffusés dans les rues, les murs sont habillés de projections. Cette ambiance irréelle attire chaque année plus de 120 000 visiteurs en quête d’une alternative aux traditionnels “marchés de Noël”.
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Lorsqu’arrive le temps des fêtes, on se retrouve tous “aux flottins” pour un verre de vin chaud autour d’un feu de bois. On y retrouve les amis qui ont décidé de faire leur vie ailleurs et qui reviennent passer Noël en famille, et ceux qui sont restés. Un évènement hors du temps qui marque la fin de l’année, les soirées entre amis d’enfance et la prise de poids.
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Pour moi, Évian, c’est un peu tout ça à la fois.
Une ville unique de par ses attraits touristiques, son dynamisme et sa mystérieuse renommée internationale. Mais une ville qui doit continuellement redoubler d’efforts pour maintenir son attractivité auprès de ceux qui y vivent, qui y travaillent ou qui la visitent. Une ville de nature, de culture, de sports d’hiver.
Une ville où vous ne regretterez pas de vous être arrêté, ne serait-ce que pour déguster la frenchy-tartiflette.
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Pour lire un autre reportage Ville de la semaine : “L’Île-Bizard” de Catherine de Grandmont