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La résurrection de « Master of Puppets »

Stranger Things a ramené le classique de Metallica d'entre les morts.

Par
Benoît Lelièvre
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Mettons les choses au clair tout de suite : Master of Puppets a toujours été cool.

Depuis 36 ans maintenant, l’immortel riff de guitare interprété par James Hetfield lacère les oreilles et stimule la créativité de quiconque daigne croiser son chemin. C’est une chanson qui altère le rapport à la musique. Après avoir écouté Master of Puppets (réellement écouté, pas juste l’avoir entendue sur les haut-parleurs d’ordinateur de votre ami.e métalleux.euse), les chansons rock commerciales ne sonnent plus aussi bien. Même une bonne partie du répertoire de Metallica ne sonne plus aussi bien. C’est ce genre de chanson.

Ceci dit, ça fait longtemps que Master of Puppets n’a pas été pertinente. C’est une pièce dite de « rock classique » au même titre que Another Brick in the Wall de Pink Floyd ou Thunderstruck de AC/DC. Tout le monde la connaît, mais elle est la propriété non officielle des hommes de 30 à 50 ans qui détestent systématiquement tout ce qui s’est fait comme musique depuis la mort de Kurt Cobain.

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Du moins, elle l’était jusqu’au 1er juillet dernier, lorsque la populaire série Netflix Stranger Things a cavalièrement décidé de la redonner au peuple.

Depuis, c’est la folie furieuse. Master of Puppets a fait son entrée au top 100 des chansons de l’heure du magazine Billboard pour la toute première fois. Même chose pour le top 40 britannique. Toute une génération s’ouvre aux génialissimes riffs tourmentés de Metallica alors que ceux-qui-aimaient-la-chanson-avant-que-ce-soit-cool sont tellement insultés que le groupe a jugé bon d’écrire un message sur TikTok pour leur dire de laisser les nouveaux fans tranquilles.

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En moins de deux semaines, Master of Puppets est (re)devenue un phénomène culturel. Comment ça s’est passé ? Est-ce que c’est cool ou c’est grave ? Explorons la question ensemble.

Metallica et la bosse des affaires

Malgré ce qu’en disent les puristes, Metallica est (probablement) le groupe rock le plus reconnu et adulé depuis les Beatles. Les gars ont la fin cinquantaine et jouent encore à guichet fermé partout dans le monde, même s’ils n’ont pas écrit de chanson à succès depuis bientôt 30 ans.

C’est un groupe qui a toujours eu la bosse des affaires. James, Lars, Kirk et Rob comprennent bien leur marque, flairent les opportunités et essaient, tant bien que mal (*ahem* St. Anger *ahem*) , d’évoluer musicalement et commercialement au fil des années.

L’opportunité de faire rayonner leur héritage musical à l’aide de Stranger Things était claire comme le jour : la série se déroule à l’époque où le groupe était à son apogée créative, elle met en vedette un personnage métalleux pour contextualiser Master of Puppets et elle regorge d’éléments métal comme des créatures surnaturelles et une menace maléfique qui fait vaguement écho aux paroles de la chanson. Je sais que c’est une chanson à propos de la toxicomanie de James Hetfield, mais à part quelques allusions directes, on peut prendre la plupart des paroles au deuxième degré.

Qu’on parle de dépendance aux drogues ou d’un combat contre des créatures infernales, ce qui fait de Master of Puppets une chanson aussi extraordinaire, c’est qu’elle est un hymne aux causes désespérées et une boutade aux démons réels ou spirituels.

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Il n’y avait pas de meilleure occasion pour faire renaître Master of Puppets dans la culture populaire. Le solo d’Eddie Munson (qui transitionne gracieusement vers la chanson originale après une trentaine de secondes) et la mise en scène mettent merveilleusement de l’avant le caractère frondeur de la chanson. Qu’on parle de dépendance aux drogues ou d’un combat contre des créatures infernales, ce qui fait de Master of Puppets une chanson aussi extraordinaire, c’est qu’elle est un hymne aux causes désespérées et une boutade aux démons réels ou spirituels. Grâce au doigté visuel des frères Duffer (les créateurs de Stranger Things), tout le monde l’a compris instinctivement.

Cette inclusion dans Stranger Things était d’abord et avant tout une décision d’affaires, mais c’en est une excellente. Tous les partis impliqués en ressortent grandement gagnants, sauf peut-être votre cousin dans la quarantaine qui porte encore les cheveux longs et qui en veut automatiquement à tous les gens qui aiment les mêmes choses que lui.

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Petite histoire d’une grande réussite

« Tout comme pour Running Up That Hill de Kate Bush, c’était exactement cette chanson-là qu’on voulait », expliquait la superviseure musicale de la série Nora Felder à Tudum, le média promotionnel de Netflix. « Cette chanson-là exprime les émotions qui habitent Eddie. Les gens le voient comme une espèce de démon satanique, mais ça ne pourrait pas être plus faux. On le voit combattre ses démons intérieurs en combattant un véritable démon. »

« Cette chanson-là exprime les émotions qui habitent Eddie. […] On le voit combattre ses démons intérieurs en combattant un véritable démon. »

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Felder a donc approché l’équipe de gérance de Metallica pour lui vendre le projet. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois qu’elle faisait affaire avec le groupe. On peut entendre la chanson The Four Horsemen alors que le rebelle de service Billy se prépare à sortir dans la saison 2. Felder s’attendait donc à un long processus d’analyse et de négociations. « Master of Puppets est l’une des plus grandes chansons [du répertoire de Metallica]. Je me suis donc assurée que notre utilisation soit des plus respectueuses et que le contexte soit bien compris. Elle est non seulement intégrale à la scène, mais elle l’est aussi à la compréhension du personnage d’Eddie Munson. »

Ce fut aussi simple que ça. Tout le monde était très excité par l’utilisation de la chanson : Metallica, l’équipe de Stranger Things, l’audience de la série, etc. Les seules personnes moins enthousiastes ont été les fans de longue date du groupe (du moins, une partie d’entre eux), qui ont accueilli la scène avec un mélange d’agacement et de condescendance.

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Étant moi-même un fan de longue date du groupe et de musique métal, j’avoue que ça m’a fait un peu drôle d’avoir, du jour au lendemain, à partager quelque chose d’aussi spécial à mes yeux avec des millions de nouvelles personnes. C’est comme si mon petit coin de paradis oublié était maintenant envahi par les touristes et perdait du même coup de sa connotation magique.

C’est un peu le danger qui nous guette quand quelque chose qu’on aime devient une partie de notre personnalité et c’est un peu notre responsabilité de faire la paix avec ça. La résurrection de Master of Puppets dans la culture populaire assurera sans aucun doute à Metallica une postérité plus longue et plus importante et par le fait même, elle assurera la survie de toute une culture musicale qui commençait à s’empoussiérer.

Nouveaux et nouvelles fans de Metallica, vous êtes les bienvenu.e.s. Vous avez tant à découvrir, mais laissez-moi vous donner un point de départ avec la meilleure interprétation de Master of Puppets de tous les temps :

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