« La plupart des gens n’ont pas de vue d’ensemble de ce que représentent les cheveux », écrit le chercheur Kurt Stenn dans Hair: A Human History, un essai consacré à notre rapport aux poils. « Ils ne voient pas la relation avec l’histoire, la santé ou la biologie », ajoute-t-il. Pourtant, les cheveux ont été au cœur de révolutions tellement ils sont liés à notre identité.
« Peu importe où ils poussent sur notre corps, les poils envoient des signaux, explique le chercheur. Nous élaborons toutes sortes de messages en les laissant pousser, en les coupant, en les frisant, en les colorant. » Un peu comme les oiseaux utilisent leurs plumes dans le processus d’accouplement, les humains parlent avec leur pilosité. Et pourtant, il est extrêmement difficile, d’un point de vue scientifique, d’identifier précisément ce qu’ils envoient comme message.
« À quel moment des cheveux gris connotent-ils l’expérience et la sagesse, sans basculer dans la vieillesse et l’inutilité ? » , illustre-t-il.
Chose certaine, ils s’inscrivent dans la culture. Aux États-Unis, les hippies portaient les cheveux longs afin de se rebeller contre leurs parents, qui eux-mêmes les portaient courts pour se dresser contre les générations précédentes. Les hipsters n’ont rien inventé en remettant la moustache au goût du jour : la mode capillaire américaine suit un cycle d’approbation et de réprobation sociales de la pilosité faciale aussi régulier que celui des saisons. Et rien n’illustre mieux ce construit social que l’histoire de Joseph Palmer, ce fermier communiste du Massachusetts sévèrement persécuté pour avoir porté la barbe — comme 13 présidents américains après lui — dans les années 1820, à une époque où c’était socialement inacceptable.
DIS-MOI COMMENT TU TE COIFFES, JE TE DIRAI QUI TU ES
De tous les temps, les cheveux ont été des marqueurs de statut social, d’appartenance religieuse, de positionnement politique et, bien évidemment, de genre. Ces indicateurs sont des constructions sociales, qui varient d’une époque à l’autre. Les hommes des 17e et 18e siècles issus de la noblesse portaient le cheveu long et, à en croire certains, les femmes contemporaines d’un certain âge devraient s’en tenir à une toison plus courte.
« Toutes les coupes de cheveux peuvent être des coupes de lesbienne, y compris la tienne. Mais il y a des personnes dans la communauté qui veulent exprimer une rupture avec les normes de la société hétéro-cispatriarcale, et la capillarité est une excellente manière d’incarner le genre et l’orientation sexuelle auxquels on s’identifie. »
La longueur de votre touffe peut aussi révéler les secrets de votre orientation sexuelle. Ou pas… Parlez-en à n’importe quelle lesbienne qui, découvrant son homosexualité, trouve ses repères dans la ressemblance de ses consœurs à Justin Bieber. « Hell yeah ! » s’exclame Barbara Legault, qui s’identifie comme barbier butch, spécialisée dans les coiffures pour lesbiennes. « C’est sûr que les cheveux courts, ça aide à repérer les personnes avec qui on peut “vivre des affaires” », dit-elle. Jusqu’à ce qu’on se trompe, parce que toutes les lesbiennes n’ont pas les cheveux courts, et que toutes les filles qui ont les cheveux courts ne sont évidemment pas des lesbiennes.
Alors, c’est quoi, une coiffure de lesbienne ? « Aucune idée ! » répond l’experte. « Toutes les coupes de cheveux peuvent être des coupes de lesbienne, y compris la tienne. Mais il y a des personnes dans la communauté qui veulent exprimer une rupture avec les normes de la société hétéro-cispatriarcale, et la capillarité est une excellente manière d’incarner le genre et l’orientation sexuelle auxquels on s’identifie. »
En en payant parfois le prix… Car sortir des sentiers battus ne se fait pas sans conséquence. « On ne réalise pas le caractère politique de nos choix capillaires, mais on le sait qu’un mohawk, on n’associe pas ça à un poste de PDG », dit Barbara Legault.
DANS LES MARGES CAPILLAIRES