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La police me plaque, mon père me frappe

En partenariat avec la ZEP (Zone d’Expression Prioritaire).

Par
La ZEP
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Ce récit provient des ateliers d’écriture animés par les journalistes de la Zone d’Expression Prioritaire (la ZEP), un média qui accompagne l’expression des jeunes pour qu’ils et elles se racontent en témoignant de leur quotidien et de toute l’actualité qui les concerne.

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Les contrôles de police, dans le quartier, j’ai l’habitude. Depuis que j’ai 12 ans, je me fais contrôler et il n’y a jamais eu de soucis. Ça se résume en trois mots : contrôle, fouille, relâche.

Je sais qu’ils font ça parce qu’ils pensent qu’on participe au trafic de drogue du quartier. Je vous explique : là d’où je viens, les Grands (les jeunes de 18-19 ans) donnent la drogue aux petits pour leur business. Ils peuvent te mettre la pression pour que tu l’apportes d’un endroit à un autre. Je ne sais pas trop de quelle drogue il s’agit, parce qu’à moi on ne m’a jamais rien demandé. Ni à mes potes. Tout ce que je sais, c’est que si tu acceptes, va falloir la livrer. Si t’as le malheur de t’en débarrasser, va falloir payer et c’est eux qui choisissent comment.

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J’ai connu des gens qui traînaient dans ce genre de business. Ils m’ont raconté qu’ils se faisaient 100 euros par semaine juste en dealant un peu ou en guettant. T’en as qui font ça tout le temps. Ils vendent de la drogue au client, même si la police est dans les parages. En vrai, je sais qu’ils vivent dans la peur, même s’ils font les forts. Bref, vu le climat du quartier, pas étonnant que je me fasse souvent contrôler.

Le plaquage de trop

Mais, un jour, c’est allé trop loin. Je sortais de la boulangerie et j’étais en retard pour rentrer chez moi. Ça ne rigole pas à la maison donc je me suis mis à courir et, là, j’ai entendu : « Arrête-toi ! » C’était un keuf. Il m’a plaqué au sol et j’ai crié, m’a dit de fermer ma gueule et m’a envoyé près d’un bâtiment avec d’autres jeunes de la cité. Il n’était pas seul. Là, ils nous ont fouillés avec leurs chiens qui nous montaient dessus. Il m’a demandé comment je m’appelais et j’ai paniqué alors j’ai inventé un faux blaze. C’était la première fois que je me faisais attraper comme ça par eux. Je n’aimais déjà pas la police avant. Ils m’ont toujours fait peur avec leur flingue, leur matraque, leur Taser et tout, mais depuis ce jour c’est encore pire.

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Puis, ils sont partis. Mon frère avait vu la scène. Il a appelé mon daron qui a débarqué direct. Il était vraiment énervé. Tellement qu’il avait à peine eu le temps de s’habiller. Il est arrivé avec un vieux débardeur. J’avais la honte.

C’est violent de ne pas être écouté

À la maison, mon père n’a rien voulu savoir. Je me suis fait frapper. C’était vraiment injuste. C’est violent, de ne pas être écouté. J’aurais aimé qu’on parle. D’habitude, il est plus à mon écoute. Il n’a pas compris que c’était violent, ce que j’avais vécu. Qu’on m’avait attrapé et plaqué au sol. Je lui ai dit, mais il n’a rien entendu. J’ai été privé de sortie pendant cinq mois. C’était vraiment la double peine.

Depuis, dès que je demande un truc, c’est toujours non. Comme s’il y avait eu un avant et un après cet événement à la maison. C’est toujours moi qui prends pour tout. Mes parents croient que je deale. Moi, je sais que c’est faux mais eux ils le croient. Le plus dur, c’est leur regard au quotidien. Je vois bien qu’il a changé. Comme si, d’un seul coup, une distance venait de se créer entre eux et moi.

Sofiane, 16 ans, collégien, Bondy