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La petite histoire du merkin, ou “perruque de pubis”

Les perruques ne sont pas réservées qu’aux crânes clairsemés.

Par
Pauline Allione
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2011, Lady Gaga se produit sur la scène des Much Music Awards. Son visage est encadré par sa longue chevelure bleu-vert et entre ses jambes, une touffe au brushing et au balayage identiques est posée sur son pantalon. Ce que porte la queen des “little monsters” est un merkin, soit une perruque destinée à couvrir le pubis. Comme leurs consoeurs destinées aux crânes, les merkins se déclinent selon les couleurs, la longueur, la forme, la texture… Du Moyen-Âge à Hollywood en passant par la haute-couture, retour sur la trajectoire éclectique de ces fausses toisons intimes.

Le postiche de chatte voit le jour au milieu du XVème siècle, pour des raisons sanitaires. À l’époque, les prostituées utilisent le merkin pour lutter contre les morpions et cacher les symptômes et lésions génitales causées par la syphilis et d’autres infections sexuellement transmissibles. En Egypte ancienne, où la mode est déjà à l’épilation du pubis pour barrer la route aux morpions, le merkin est au contraire un signe de richesse. « Les gens nobles et riches étaient connus pour porter des perruques… et on pense qu’un type de merkin était à la mode, il pouvait être porté pour montrer qu’ils étaient assez riches pour entretenir leurs poils pubiens », explique Randy Sayer, créateur de perruques pour le cinéma et le théâtre dans le magazine Grantland.

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La composition des merkins varie, et s’avère plus ou moins sexy : poils de chèvre, crins de cheval, cheveux humains volés sur des morts par des pilleurs de tombe… Le temps et les progrès de la médecine permettent finalement de s’affranchir de solutions aussi rudimentaires, et le merkin se fait plus discret avant de revenir sur le devant de la scène, littéralement.

Pubis face caméra

Alors que la MPAA (Motion Picture Association of America) interdit les scènes de nus frontales dans les productions cinématographiques états-uniennes, le merkin se trouve une nouvelle utilité : contourner les lois en filmant des touffes bien fournies, et mettre les comédiens plus à l’aise. Sur les plateaux de cinéma, le merkin, qui se pose avec un adhésif double face ou une colle, est surtout utilisé pour les scènes de nudité frontales et les films qui se déroulent à une époque pré-existante aux salons d’esthétique et à l’épilation au laser.

Jake Gyllenhaal en porte dans Love and Other Drugs, Kate Winslet y a recours pour son rôle dans The Reader, tout comme des actrices de Midsommar ou Heidi Klum dans la comédie Blow Dry. Dans Scary Movie et Sex and the City en revanche, les merkins sont utilisés à des fins comiques, avec des coupes pubiennes plus ou moins surprenantes. Contrairement à leurs ancêtres et heureusement pour les acteurs, les merkins actuels sont fabriqués avec des cheveux humains qui proviennent souvent d’Inde ou de Chine, avant d’être attachés à de la maille ou de la dentelle.

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Catwalk et fétichisme

Émancipés de leur fonction protectrice contre les morpions, les kitty carpet – tapis de chatte – ont entrepris une ascension sociale, jusqu’à atteindre la sphère de la haute-couture. Ce transfuge de classe a été aperçu sur Carla Bruni qui, pour Vivienne Westwood en 1994, défile nue sous un manteau à fourrure, le sexe caché sous une pièce de poils assortie. En 2018, à la fashion week de New York, le designer sud-coréen Kaimin offre au merkin une nouvelle occasion de briller. Considérant que « cette acceptation de l’individualité est le vagin humain », la créatrice pare ses modèles de perruques pubiennes aux coupes punk afin de faire passer un message de tolérance.

Mais l’utilisation contemporaine des merkins ne se résume pas à l’industrie du cinéma. L’accessoire attire aussi une clientèle radicalement différente, cherchant à combler un besoin bien précis : étoffer le pubis de leurs poupées gonflables. Interviewé par Dazed Beauty, le créateur britannique de postiches, de merkins et d’autres accessoires à poils Crystal Stuart-Fawkes raconte recevoir des demandes spécifiques, photos et mesures des poupées à l’appui. « D’après les bribes d’informations que j’ai reçues, le but des merkins pour RealDoll est de les rendre plus réalistes visuellement et sensitivement. Beaucoup de mes clients ont une préférence pour les toisons épaisses. Les photos des RealDolls que j’ai reçues sont très réalistes ! ».

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D’ici là, si vous voulez changer de look, pensez à vous raser le pubis avant. Mettre de la colle dans ses poils n’est jamais une bonne idée, à moins que la sensation du chewing-gum coincé dans les cheveux ne soit votre madeleine de Proust.