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La petite histoire des Sims

On rembobine la success story du jeu de simulation incontournable des années 2000.

Par
Pauline Allione
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Tout millenial connaît la faucheuse, les noyades dans une piscine sans échelle et les sessions de crac-crac sous une couette agitée. À coups de packs d’extensions et de kits d’objets, le jeu phare d’EA Games évolue continuellement pour développer l’expérience des joueur·se·s. Le 31 janvier dernier, une mise à jour faisait notamment un effort de représentation pour les personnes transgenres en ajoutant à son sa garde-robe un binder (le bandage destiné à aplatir la poitrine) ou de laisser une cicatrice de torsoplastie sur le corps d’un Sim. Retour sur la genèse d’un jeu qui n’a pas fini d’évoluer.

Derrière les Sims, il y a d’abord un cerveau : celui de Will Wright. Le développeur californien basé à Oakland réalise le potentiel divertissant de la construction d’une ville alors qu’il planche sur un jeu d’avions, Raid on Bungeling Bay. Il imagine alors SimCity, un jeu de simulation urbaine qui est suivi d’une poignée d’extensions au succès relatif.

DE L’ARCHITECTURE AUX BESOINS VITAUX

En 1991, Will Wright voit sa maison disparaître dans des incendies qui ravagent la région d’Oakland. Cette tragédie l’amène à réfléchir à la valeur des objets domestiques et à la manière dont ils influent sur la vie de ceux qui les possèdent. Le Californien développe alors le prototype d’un jeu nommé Dollhouse qui permet de voir évoluer des personnages dans un environnement créé. Mais “Dollhouse” se rattachant trop au genre féminin, l’éditeur n’est pas convaincu : selon eux, le jeu ne sera pas assez attirant pour les hommes, qui sont le cœur de cible.

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En travaillant sur le projet, Wright s’intéresse de plus près aux personnages, qui n’étaient jusque-là que secondaires. Il se documente sur la gestion du temps des Américains à travers des études sociologiques et s’inspire des Tamagochi, mais aussi de la pyramide de Maslow qui définit cinq types de besoins fondamentaux : les besoins physiologiques, les besoins de sécurité, les besoins d’appartenance et d’amour, les besoins d’estime et le besoin d’accomplissement de soi. “Il y a toute une couche subconsciente d’efficacité temporelle dans nos vies. D’une manière ou d’une autre, notre vie se résume à la recherche et à l’optimisation de la meilleure stratégie en temps réel qui soit”, détaille Wright.

Alors que le studio Maxis que Wright a cofondé est racheté par Electronic Arts, les Sims est remis sur le devant de la scène. La société multiplie le budget alloué au jeu par quatre et lui octroie une équipe de 50 personnes. Une fois le jeu abouti, EA envoie le développeur présenter publiquement son jeu à l’E3 de 1999, le plus grand salon du jeu vidéo au monde, à Los Angeles. Sauf qu’entre-temps, EA préfère miser sur les jeux de divertissement et d’évasion. «Tout ce qu’ils font, c’est manger et chier ! Combien de fois est-ce que je vais devoir défoncer ce jeu avant qu’on passe à autre chose ?! », aurait lancé un cadre supérieur de la société éditrice, visiblement blasé de l’importance des besoins primaires dans le jeu. Au E3 1999, où il ne bénéficie que d’un petit stand, Will Wright présente sa démo dans laquelle il inclut un baiser langoureux lesbien. Une stratégie qui lui vaut enfin l’attention médiatique, après sept ans de travail sur le projet.

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NAÎTRE, SOCIABILISER, PISSER ET MOURIR

Les Sims voit le jour en l’an 2000, d’abord sur PC. Dans cette version de base, les joueur·se·s peuvent créer un avatar, personnaliser ses tenues et sa personnalité et lui construire une vie virtuelle ponctuée par des interactions et la satisfaction de besoins, représentée graphiquement par une jauge. Parmi ces huit besoins fondamentaux, on retrouve la faim, l’énergie, l’hygiène, la vessie, l’amusement, le social et la maison. Dans les Sims, la vie est un long fleuve tranquille : on naît, on meurt et entre les deux, la vie s’écoule dans une banale normalité.

Pour que le jeu s’exporte plus facilement à l’international et ne pas lasser les joueur·se·s avec des dialogues répétitifs, les Sims ont leur propre langue. Ponctuées de grands mouvements étranges (vous voyez sans doute à quoi ressemble un Sim quand il a envie d’uriner, qu’il drague ou qu’il est en danger), leurs interactions sont simplifiées par le Simlish, un langage improvisé à partir d’un mélange de plusieurs langues, dont le tagalog des Philippines. Plusieurs artistes ont d’ailleurs ré-enregistré leurs tubes en Simlish, dont Lilly Allen, les Pussycat Dolls ou encore Ariana Grande.

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DES EXTENSIONS EN MASSE

Deux ans après son invention, les Sims se hisse en tête des jeux les plus vendus sur PC et touche un large public féminin. Économiquement, le jeu se base sur le même modèle que SimCity, à savoir une version de base et des packs d’extensions ou kits d’objets offrant de nouveaux décors, vêtements et activités. On peut citer le pack Animaux et Cie, le pack Vie nocturne ou encore le pack Heure de gloire des Sims 4 où un avatar peut viser une carrière d’acteur ou d’influenceur. Certains add-on sont aussi le fruit de collaborations, à l’instar des Sims 2 : IKEA Home Design, des Sims 3 : Katy Perry – Délices sucrés qui dévoile un tas d’objets liés à la chanteuse ou du kit d’objets Moschino des Sims 4.

EA Games lance les Sims 2 en 2004 et en profite pour complexifier les personnages. Ceux-ci ont désormais des aspirations, des peurs, une mémoire, et permet de poser des arcs narratifs à moyen et long terme. Après quatre jeux, une tonne d’adds-on et 200 000 exemplaires vendus, la franchise serait actuellement sur le chantier des Sims 5 et compte bien continuer à laisser des souvenirs de vie 2.0 aux nouvelles générations. Dans les lignes de Vice, Stephen Kearin, l’acteur voix des Sims, réfléchit tout haut au succès du jeu : « Les Sims étaient une forme de sécurité et d’évasion. C’est un autre monde. On a tous besoin d’un autre monde, parce que parfois, le nôtre ne fait pas l’affaire ».

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