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La petite histoire de « Bring Me to Life » d’Evanescence

« Bring Me to Life » a vingt ans, mais votre adolescence est immortelle.

Par
Benoît Lelièvre
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Le journaliste et critique culturel américain Chuck Klosterman affirmait dans son ouvrage But What If We’re Wrong? Thinking About the Present as If It Were the Past : « Pour être vraiment célèbre, il faut être célèbre auprès des gens qui se crissent de ce que tu fais ».

Si je vous dis le nom d’Amy Lee, est-ce que ça sonne une cloche à quelqu’un ? Non ? C’est normal. Est-ce que la mention du groupe Evanescence vous rappelle quelque chose ? Non plus ? Je ne vous en veux pas. C’est un souvenir qui appartient à une époque révolue dans la culture populaire.

Mais Bring Me to Life ? Tout le monde connaît cette chanson (à part mon rédacteur en chef Jean-Pierre, semble-t-il). Même si le titre ne vous évoque rien, c’est sûr que vous l’avez entendu au moins une fois à la radio ou dans une pub de voiture.

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Juste sur Spotify, Bring Me to Life a été jouée près de 800 millions de fois. Le clip, lui, compte plus d’un milliard de vues sur YouTube. Environ 15 % de la planète a déjà entendu cette chanson au moins une fois – si on enlève la Russie, la Chine et l’Inde qui sont des marchés un peu moins réceptifs à la culture occidentale. Ce 15 % est donc composé de beaucoup d’entre nous : vous, moi, votre cousin, le gars qui passe en caisse dans votre rue.

Bring Me To Life est une chanson célèbre dans le sens le plus pur et dur. Elle est devenue au fil du temps le symbole par excellence de la verve mélodramatique et des émotions fleur bleue des jeunes adultes, pour les millénariaux.

Et d’ailleurs, devinez quoi ? Ça fait vingt ans aujourd’hui que Bring Me to Life est dans nos vies. La chanson a été lancée en grande pompe le 7 avril 2003 comme premier extrait de l’album Fallen et son histoire est aussi riche et dramatique que les émotions qu’elle évoque. Laissez-moi vous la raconter.

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Amours gothiques

Tout ça a commencé à Little Rock, en Arkansas, au tournant du millénaire. La jeune Amy Lee venait tout juste d’avoir 19 ans et traversait sa phase gothique avec toute l’intensité que ça présuppose. « Tout milieu très conservateur va donner naissance à une sous-culture de gens qui veulent être tout le contraire », racontait la principale intéressée à VH1. « C’est pour ça qu’on a eu du succès très tôt dans notre carrière. On donnait une voix à un sentiment qui existait déjà. »

La belle Amy était à l’époque coincée dans une relation toxique avec un jeune homme dont elle aura la bonté d’âme de taire l’identité jusqu’à aujourd’hui. Comme toute bonne jeune goth au tempérament artistique l’aurait fait, elle a décidé d’exorciser sa détresse en écrivant une chanson pour son groupe qui, à l’époque, changeait de nom aux cinq minutes. Avant de s’appeler Evanescence, il se sont appelés Childish Intentions, Stricken et un paquet d’autres affaires. « On n’avait pas vraiment de noms, mais il fallait en fournir un s’il fallait jouer quelque part, alors on en inventait sur le fly », expliquait Lee à Loudwire.

Les paroles de Bring Me to Life étaient si saisissantes qu’elles ont dégoté à Amy Lee l’homme de sa vie presque immédiatement.

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Là où l’histoire diverge de celle de tous les jeunes goths de 19 ans, c’est qu’Amy Lee possédait un véritable talent pour la composition. Lorsqu’elle crée Bring Me to Life, elle ne se contente pas que de vomir ses émotions. Elle garde aussi une oreille pour la musicalité de ses phrases, le sens du punch et l’expression d’un besoin complexe à exprimer, mais universel : celui de vivre des expériences émotionnelles plus gratifiantes que celles que vous offre votre relation de cul du moment.

Bref, c’était tellement bon que la première personne à qui elle a fait lire les paroles s’est immédiatement inquiétée. « Es-tu heureuse? », lui a-t-il demandé, parce qu’à ce qu’il parait, la jeune Amy ne laissait rien transparaître de sa détresse. Qui était ce mystérieux jeune homme qui s’inquiétait pour elle, me direz-vous? Un autre fuckboy mal intentionné? Loin de là, il s’agissait d’un dénommé Josh Hartzler, à l’époque thérapeute d’Amy Lee et, depuis 2007, son mari et le père de son fils Jack.

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Vous avez bien lu. Les paroles de Bring Me to Life étaient si saisissantes qu’elles ont dégoté à Amy Lee l’homme de sa vie presque immédiatement.

Paul qui ?

Vous ne connaissiez peut-être pas ce détail à propos de votre plaisir coupable musical préféré, mais on est collectivement passé proche de ne jamais l’entendre. Voyez-vous, la première compagnie de disque à prendre un risque sur Evanescence dans les dernières années de gloire du nu metal, Wind Up Records, insistait pour que Lee et ses musiciens engagent un rappeur à temps plein avant d’enregistrer l’album afin de maximiser ses chances sur un marché déjà en crise.

Idée de cul, vous me direz? Absolument et ça a tellement mis Lee en beau calvaire qu’elle a pris ses cliques et ses claques et est retournée en Arkansas avec la ferme intention de tourner le dos à son contrat de disque. L’idée de se coller à la culture macho du nu metal lui puait au nez.

Aujourd’hui, Evanescence interprète une version modifiée de Bring Me to Life en spectacle où Lee intègre elle-même le couplet rap à sa performance.

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Les deux partis en sont finalement venus à un compromis : il n’y aurait un rappeur que sur une seule chanson, Bring Me to Life! Comme Amy Lee haïssait quand même tout de l’exercice, elle a écrit les lignes du rappeur elle-même pour qu’il n’ait aucun apport créatif sur la chanson et fasse simplement acte de présence, qui s’est un peu passé.

Aujourd’hui, Evanescence interprète une version modifiée de Bring Me to Life en spectacle où Lee intègre elle-même le couplet rap à sa performance. Non seulement c’est meilleur, mais leur performance est ridiculement tight. Constatez par vous-même :

Encore aujourd’hui, plusieurs mythes circulent quant à l’identité de ce mystérieux rappeur. Contrairement à une croyance (à ma grande surprise) très répandue : il ne s’agit pas de Mike Shinoda, membre fondateur de Linkin Park. Il ne s’agit pas non plus du rappeur américain Paul Wall, très populaire à l’époque.

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C’est en fait la voix d’un dénommé Paul McCoy du groupe chrétien 12 Stones. Un nobody à l’époque encore plus nobody aujourd’hui. Tellement remplaçable, le gars, qu’il échappe Amy Lee dans le clip original de la chanson alors qu’il est clairement supposé la sauver. T’AVAIS JUSTE UNE JOB, BRO :

Pour ceux que ça intéresse, Evanescence fait toujours de la musique aujourd’hui. Je les ai vu à Heavy MTL en 2019 et ils sont fidèles à leur style depuis leurs débuts. Ils ont bâti un catalogue de chansons de rock gothique dont Amy Lee, qui a extrêmement bien vieilli et pas vieilli du tout à la fois, peut être fière.

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Bonne fête, Bring Me to Life! Merci de me rappeler l’intensité de ma jeunesse chaque fois que je fais du jogging. T’es pas quétaine. C’est les gens qui te tournent le dos qui le deviennent. T’es jeune éternellement et pleine de vie. Longue vie à toi!