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La pêche sur glace pour les nuls

Avec whisky au sirop d'érable inclus.

Par
Daisy Le Corre
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« Mais t’es où encore? Qu’est-ce que tu fous? », « T’es en Alaska? Au Pôle Nord? », me demandent mes amis en réaction à ma story où l’on aperçoit un humain percer des trous sur un lac gelé. Que nenni. Ce jeudi 20 février 2020 par une matinée d’hiver radieuse et glaciale, j’ai eu la bonne idée d’aller me les geler au Centre de pêche Ronald Lauzon & Fils à Notre-Dame-de-l’île-Perrot, à une heure à peine de Montréal. Et comme je n’ai pas l’habitude de m’embarquer seule dans des galères, Emma (et ses Moon Boots), notre stagiaire fraîchement débarquée de Paris était à mes côtés.

D’abord il faut que je vous parle de Tony: sans lui, rien n’aurait été possible. Lorsqu’on lui a écrit pour savoir si on pouvait venir faire un reportage sur la pêche blanche en précisant qu’on était françaises, qu’on n’avait jamais pêché… Il a mordu immédiatement à l’hameçon et n’a pas hésité une seconde à se jeter à l’eau avec nous. Ni à briser la glace d’ailleurs. Le rendez-vous était pris.

Avec Emma, on s’était donné rendez-vous à 8h chez Discount Locations d’autos et de camions sur Papineau à Montréal. Si on avait su… Après une bonne heure d’attente et après avoir gentiment refusé la “caravane” qu’on nous proposait de louer (on devait avoir des vraies têtes de touristes), on a finalement pris la route au volant de notre Mazda coupée sport, senteur tabac froid. « Mais putain c’est ouf, y’a des montagnes de neige au bord de l’autoroute, quoi! », me lançait Emma en admirant le paysage et en se préparant mentalement à marcher/rouler sur un lac gelé. « En vrai, ça me fait un peu flipper ». Trop tard, iceberg droit devant, meuf.

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Arrivées dans la jolie bourgade de Notre-Dame-de-l’Île-Perrot, où Emma me verrait bien y élever ma petite famille dans une « maison trop mignonne » (alors que moi PAS DU TOUT mais j’ai du mal à lui expliquer pourquoi), on se rend à l’évidence: nous voilà seules au monde. De mon côté, l’angoisse monte ; Emma, en revanche « kiffe sa race ». À cet instant précis, celui où elle aperçoit des cabanes colorées à l’horizon, de la neige à perte de vue et aucun humain autour, Paris ne lui manque pas. Je vois dans ses yeux, cachés derrière ses Ray-Ban, qu’elle serait prête à déménager ici. Encore une, merde.

Et puis, armées de nos téléphones portables/cellulaires, on appelle notre messie à nous, le gourou des cabanes en bois et des poissons morts: TONY. « Ah vous êtes là! Je vous vois, vous avez une voiture noire, n’est-ce pas? » Il y a tellement personne qu’il ne peut pas nous louper. Flippant et rassurant à la fois. « Vous voyez la voiture qui roule sur le lac? C’est moi, je viens vous chercher, vous allez me suivre. » Jeudi 20 février, 10h04, j’ai donc roulé sur un lac. Normal.

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On se gare non loin de la cabane numéro 4 qui, à première vue, ne paie pas de mine. J’imagine qu’elle abrite simplement l’équipement nécessaire pour pêcher et qu’il y fait aussi froid dedans que dehors, mais je me trompe sur toute la ligne. À l’intérieur, où il fait 25 degrés grâce à un magnifique poêle à bois, Tony nous a réservé un accueil copieux: café typique Tim Hortons, croissants, pains au chocolat (et non chocolatines), muffins et surtout whisky au sirop d’érable. « Avec ou sans café le whisky? », nous lance-t-il en souriant.

Tony représente tout ce qu’on s’imagine des habitants du Québec: une chaleur humaine déconcertante, le cœur sur la main, mais aussi le goût du travail bien fait. Parce qu’on n’est pas là pour rien faire. Quoique…

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Le café à peine avalé, le croissant tout juste entamé, Tony nous présente un certain Jonathan qui entre en scène accompagné de sa « tarière »: une sorte de tire-bouchon géant électrique, prêt à en découdre avec la glace. « Il va pas tout fissurer avec ça, lui? », c’est ce que je me demande en off dans ma tête m’imaginant déjà courir, en vain, vers la terre ferme. « On va faire 9 trous et ensuite il faudra poser les lignes après avoir mis les appâts, des ménés morts », lance Tony qui s’affaire autour des trous béants, en tenant son écumoire, une sorte de louche pour touiller la glace comme de la soupe (ma partie préférée de l’activité). Le tout par -22 degrés en ressenti, le vent aidant à garder la tête froide, littéralement.

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Les lignes sont posées, on a même installé une canne pour jigger du doré, un succulent poisson selon Tony. Mais on ne serait pas contre un brochet ou de la perchaude non plus. Qu’importe la prise, pourvu que ça morde.

On taquine, on jigge, on joue avec l’écumoire, on veille sur nos trous. On rentre se réchauffer, on boit un coup, on discute. On a trop chaud, on ressort.

On taquine, on jigge, on joue avec l’écumoire, on veille sur nos trous. On rentre se réchauffer, on boit un coup, on discute. On a trop chaud, on ressort.

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On taquine, on jigge, on joue avec l’écumoire, on veille sur nos trous. On rentre se réchauffer, on boit un coup, on discute. On a trop chaud, on ressort.

On taquine, on jigge, on joue avec l’écumoire, on veille sur nos trous. On rentre se réchauffer, on boit un coup, on discute. On a trop chaud, on ressort.

Après 4h à attendre que ça morde à l’hameçon, personne n’a voulu finir dans notre assiette. On est rentrées bredouille. Et ce n’est pas plus mal: on a découvert que la pêche blanche c’était plus qu’un loisir (qui a dit sport?), c’est un concept voire même un art de vivre. C’est une invitation à la méditation, une sorte de spa où il faut rester tout habillé et où l’ennui, enfin, est roi. Plusieurs fois, durant nos 4h d’attente, j’ai eu les mêmes sensations physiques et mentales que celles vécues lors d’une séance en spa norvégien: quand tu switches du sauna au hamman en passant par les bains d’eau chaude et d’eau froide.

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« Ça fait du bien au corps et au mental la pêche blanche, ça nous sort de nos écrans, ça nous rapproche de nos familles et de nos amis. On revient à la base en faisant ça. J’étais content de pouvoir partager ça avec vous, moi ! On a aussi du yoga avec des chèvres si ça vous tente au printemps… », nous confie Tony, en nous prenant par les sentiments. À notre tour de mordre à l’hameçon. On reviendra, promis.

Après l’effort, le réconfort: un fish & chips bien mérité chez Patate & Persil. On l’aura eu, notre poisson…
Après l’effort, le réconfort: un fish & chips bien mérité chez Patate & Persil. On l’aura eu, notre poisson…