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La pandémie n’a pas créé la détresse psychologique
Mais elle nous donne l'occasion de repenser notre vie.
L’auteure, Dre Geneviève Beaulieu-Pelletier, est psychologue clinicienne et professeure associée à l’Université du Québec à Montréal. Devant la détresse psychologique et les difficultés d’accès aux soins de santé psychologique, elle souhaitait offrir son soutien par le biais d’un texte qui propose une pause pour se réfléchir.
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La pandémie n’a pas créé la détresse psychologique. Elle met en relief des sources de stress qui font pression depuis longtemps : mal-être psychologique, pression à performer, conciliation travail/famille, course effrénée du quotidien, perte de sens. Profitons de la pandémie pour nous attaquer aux sources de la détresse en repensant notre vie.
En France, on estime que près d’une personne sur cinq a souffert ou souffrira d’une dépression au cours de sa vie.
Notre santé psychologique était déjà précaire avant l’arrivée de la pandémie. En France, on estime que près d’une personne sur cinq a souffert ou souffrira d’une dépression au cours de sa vie. Et selon le Baromètre Santé 2017, une personne sur dix âgée de 18-75 ans déclarait avoir vécu un épisode dépressif au cours des 12 derniers mois. Sans compter tous ceux qui vivaient des symptômes sans rencontrer tous les critères d’un diagnostic officiel. La pandémie est certes venue accentuer des problématiques existantes et rajouter des facteurs de stress. Bien qu’il faille saluer les efforts et les investissements récents alloués à la santé mentale, si on apporte seulement des mesures de soutien psychologique pour répondre aux besoins ponctuels en lien avec la pandémie, on ne s’attaque pas aux sources du mal-être qui nous ronge depuis longtemps. Nous pouvons choisir d’utiliser la pandémie comme une occasion de repenser notre vie.
Un vide intérieur
Chacun d’entre nous a des valeurs et des désirs qui lui sont propres et qui cherchent à s’exprimer. Une version authentique de nous-mêmes. Mais au fil des années avec la pression des normes sociales et les attentes perçues, on s’égare. On s’éloigne de ce qui nous anime profondément et nous rend vivant. On s’empêtre dans les horaires surchargés, l’idéal de performance, le multitâches et l’acquisition d’objets dernier cri. Bien qu’on en ressente le poids de l’insatisfaction et de l’épuisement, le flot quotidien nous happe et il est difficile de s’en extraire. On poursuit notre chemin, à côté de nous-mêmes.
En s’éloignant de qui l’on est authentiquement, un vide intérieur se crée. Un vide qui nous met en pleine face que notre quotidien a perdu de son sens. Une perte de sens souffrante. Ce vide, on tente de le combler en s’occupant, en achetant, en mangeant, en consommant, en regardant des séries à profusion et en regardant frénétiquement notre fil d’actualité sur les réseaux sociaux. Mais ces tentatives pour combler le vide sont vouées à l’échec; elles nourrissent peu psychologiquement et ne peuvent emplir notre vide.
Repenser notre vie
Pris dans la course effrénée du quotidien, on n’a plus d’espace pour penser, pour se penser. Un contexte comme celui que nous vivons actuellement, où tout est remis en question et où on est amené à devoir penser en dehors des normes habituelles, est une occasion de s’arrêter. S’arrêter pour se permettre de penser. Repenser sa vie.
Quels sont mes sources de stress et mes irritants au quotidien?
Quelles sont les valeurs qui me tiennent vraiment à cœur?
Est-ce que mes engagements quotidiens reflètent mes valeurs?
Est-ce que mon emploi me permet de me sentir libre et utile?
Quels désirs en moi ne peuvent s’exprimer? Comment pourrais-je leur faire une place?
Qu’est-ce que je pourrais enlever dans mon horaire, là tout de suite au moment de lire ces lignes, qui me permettrait de souffler et de me concentrer sur ce qui répond davantage à mes désirs et à mes valeurs?
Penser pour mettre en mots son mal-être.
Penser pour ralentir le rythme. Et ralentir le rythme pour penser.
Faire des choix.
Pour se redécouvrir.
Une fois les bouleversements actuels estompés, nos valeurs et désirs continueront de vouloir s’exprimer.
C’est notre santé psychologique qui est en jeu, au-delà de la pandémie. Une fois les bouleversements actuels estompés, nos valeurs et désirs continueront de vouloir s’exprimer. Profitons du contexte actuel pour redéfinir notre quotidien et notre vie.
En se ramenant vers qui l’on est authentiquement, on pourra atténuer notre mal-être.