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La pandémie les a convaincus d’acheter leur premier sex-toy
Parmi les secteurs qui ont été épargnés, même favorisés par la pandémie, il y a l’industrie des jouets sexuels. Partout dans le monde, la vente de vibrateurs, dildos et autre sex toys a connu une croissance considérable.
Selon Sara Mathieu-C, membre du CA du Club Sexu et chercheuse en santé sexuelle, « le quart des ventes de jouets érotiques réalisées dans la dernière année sont des premiers achats. Ça veut dire qu’une personne sur quatre a franchi le pas et a décidé d’explorer sa sexualité avec des jouets. ».
Qu’est-ce qui a poussé toutes ces personnes à se procurer leur premier jouet ? Pourquoi n’en avaient-elles pas avant la pandémie ? Et surtout, est-ce qu’elles aiment ça ?
« Je ne sais pas par où commencer… »
« pour beaucoup de clients et clientes, c’étaiENt des premiers achats. On nous demandait “Je n’ai jamais utilisé de jouet, que me conseillez-vous” ? »
Julien Arsenault, VP de Boutique Séduction, est sans équivoque. « Nos ventes en ligne ont considérablement augmenté depuis un an. » Quelques semaines après le début de la crise, Julien Arsenault, copropriétaire de la boutique avec sa sœur Édith, constatait déjà une hausse de vente de 20%. « Quand les boutiques physiques ont fermé, les gens se sont évidemment tournés vers l’achat en ligne, remarque-t-il. C’est pour ça qu’on a décidé de bonifier notre plateforme de tchat sur notre site web, pour aider les gens dans leurs choix. Effectivement, on a vite remarqué que pour beaucoup de clients et clientes, c’étaient des premiers achats. On nous demandait : “Je n’ai jamais utilisé de jouet, que me conseillez-vous ? ” ou “Je ne connais rien aux jouets, je ne sais pas par où commencer” ». Julien Arsenault remarque aussi une augmentation de la clientèle masculine, à travers une hausse de vente de masturbateurs masculins. « La pandémie bouscule nos vies, donc c’est sûr que la sexualité est impactée », ajoute Julien, joint au téléphone.
Une surprise qui vibre
Mathilde* a presque 30 ans et vit avec 3 colocs un peu plus jeunes qu’elle. Un soir, elles discutent de leurs habitudes sexuelles et la jeune femme avoue qu’elle n’a jamais possédé ni même essayé de jouet sexuel. « Mes colocs étaient tellement étonnées qu’elles ont dit qu’elles allaient m’en offrir pour mon anniversaire, et elles ont tenu leur promesse. Elles m’ont donné un vibrateur rose. C’est un bel objet et il paraît qu’il est silencieux, mais je n’y connais tellement rien que je n’ai aucun point de comparaison ».
« Je pense que j’étais curieuse, mais je ne savais tellement pas comment m’y prendre que j’étais intimidée. »
Pour Mathilde, avoir un vibrateur n’a jamais été une nécessité. « Dans ma vingtaine, j’ai beaucoup été en couple. Je pense que j’avais une vision plus “vieux jeu” de la sexualité. Genre si tu es en couple et que tu as un vibrateur, c’est que quelque chose ne va pas, avoue celle qui affirme se trouver plus ouverte aujourd’hui. Aussi, je suis contente que mon premier jouet soit un cadeau. Je pense que j’étais curieuse, mais je ne savais tellement pas comment m’y prendre que j’étais intimidée. »
Celle qui était célibataire au début de la pandémie a testé le vibrateur quelques jours après avoir déballé son cadeau coquin. « Je pensais que j’aurais une révélation, mais pas tant que ça en fait. J’ai trouvé ça cool de découvrir quelque chose de nouveau, mais je peux vraiment m’en passer. Il faut dire que je ne me masturbe pas beaucoup en général, confie Mathilde. Je suis contente d’en avoir un, c’est presque une case que je peux cocher dans ma bucket list de choses à faire avant d’avoir 30 ans, mais sans plus. Aussi, je fréquente quelqu’un depuis quelques mois, donc je me dis qu’on pourra peut-être utiliser le jouet ensemble. »
Se réinventer jusque dans sa sexualité
« Il y a plein de choses que j’ai envie d’explorer avec mon corps, alors pourquoi je me retiens ? »
« Je trouve que l’utilisation de jouets sexuels chez les hommes, particulièrement les hétéros, c’est tabou », affirme d’emblée Mathieu, en couple avec sa conjointe depuis maintenant 8 ans. Au début de la pandémie, le jeune papa de 37 ans est en pleine redéfinition de lui-même. « J’ai perdu mon emploi, je me suis lancé à mon compte et je suis retourné faire des études dans un domaine qui m’a toujours attiré, explique-t-il. Depuis un an, on nous martèle qu’il faut nous réinventer. Toutes ces réflexions de redéfinition identitaire ont ruisselé sur ma vie intime. »
Mathieu s’est donc posé différentes questions. « Il y a plein de choses que j’ai envie d’explorer avec mon corps, alors pourquoi je me retiens ? Par peur du jugement des autres ? Pourquoi est-ce que je brime certaines envies ? Qu’est-ce qui me bloque ? »
Le jeune homme, qui se considère bisexuel et très en phase avec la mouvance queer, s’est donc rendu sur un site web afin de concrétiser ses fantasmes. « Je me suis commandé un ensemble de plugs anales, confie Mathieu. Ma copine est tout à fait au courant. Cela dit, c’est plus quelque chose que j’utilise seul. »
Pour Mathieu, les femmes ont une attitude plus ouverte face à l’exploration de leur plaisir, en y incluant des jouets notamment. « J’ai l’impression que l’intimité des hommes souffre de l’influence du patriarcat, croit-il. Beaucoup d’hommes ne se donnent pas le droit d’explorer certaines facettes de leur sexualité, et c’est dommage. J’ai envie de partager mon expérience pour que l’utilisation des jouets chez les hommes se démocratise. »
« en l’espace d’un mois, je suis passé de 0 sex toy à 5 »
Catherine, 35 ans, avait toujours eu un préjugé sur les jouets sexuels. « C’est comme si j’avais peur qu’en utilisant un dildo, un vibrateur ou autre, mon plaisir, mes sensations allaient être altérées à jamais, avoue la jeune femme. J’ai les mêmes questionnements avec le porno: si on en écoute trop, est-ce que ça influence et conditionne notre imagination ? Bref, c’est comme si j’avais peur que les jouets me rendent dépendante. Je n’avais pas envie d’avoir “besoin” de ça pour avoir du plaisir et des orgasmes. Et puis, ma main faisait très bien l’affaire. »
« C’est comme si j’avais peur qu’en utilisant un dildo ou un vibrateur, mon plaisir, mes sensations allaient être altérées à jamais. »
Au début de la pandémie, Catherine est célibataire et suit les consignes sanitaires à la lettre. « En discutant avec des amies, je me suis dit “C’est le moment ou jamais de me procurer mon premier jouet!” J’ai épluché le web, j’ai lu beaucoup, beaucoup de reviews, j’ai demandé conseil autour de moi, parce que je voulais vraiment faire “un bon achat”. Je me suis finalement acheté le fameux Womanizer. C’est la meilleure chose EVER, j’ai déliré ! », s’exclame la nouvelle adepte de jouets vibrants.
Celle qui se considère à l’aise avec sa sexualité, quoique discrète, laissait désormais son jouet traîner dans la maison. « Personne ne venait chez moi de toute façon, donc le jouet a vraiment commencé à faire partie de mon quotidien. Et ça a ouvert une porte ! »
Catherine a attendu des soldes en ligne et a décidé de se procurer d’autres jouets. « À partir des recommandations de mes amies et des reviews lus sur le web, je me suis commandé 3 autres jouets, avec des fonctions différentes. Avec mes achats, la compagnie m’envoyait un jouet gratuit. Donc en l’espace d’un mois, je suis passé de 0 sex toy à 5 ! », s’exclame Catherine, pour qui l’utilisation de jouets survivra à la pandémie et au confinement, qu’elle soit célibataire ou en relation.
Que ce soit pour explorer de nouvelles facettes de son plaisir (certaines femmes révèlent même avoir atteint leur premier orgasme grâce à un jouet !), combler un manque créé par les mesures de confinement ou pimenter sa vie de couple, l’utilisation de sex toys tend bel et bien à se démocratiser. « On en est presque au point où sur Instagram, on partage une recette de pain et une review de sex toy juste après », remarquait Sara Mathieu-C, lorsque nous lui avons parlé en février dernier, dans le cadre du lancement de l’application Club Solo.
Voilà peut-être un bon côté de la pandémie. Donc ne boudons pas notre plaisir… Pensez juste à bien nettoyer vos jouets.