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On a souvent tendance à regarder la masturbation de haut. À considérer que l’auto-érotisme est une pâle imitation de la sexualité avec un partenaire. Le sexe à deux, on trouve ça plus naturel, plus charnel. Et si c’était l’inverse?
Et si la masturbation était en fait la forme de sexualité la plus pure qui soit?
Pensez-y deux minutes.
La masturbation libère des pressions sociales de performances sexuelles. Quand on se masturbe, on n’a personne à impressionner. Ou à faire jouir, d’ailleurs. La masturbation permet d’être égoïste. On n’a pas à se casser la tête pour essayer de communiquer ses désirs d’une manière qui ne soit pas turn off. On n’a pas s’ajuster à quelqu’un d’autre, à ralentir ou à accélérer son rythme. La masturbation, c’est l’autonomisation. L’indépendance. L’autarcie.
Quand on a faim, on ne passe pas des heures sur Tinder pour rencontrer quelqu’un avec qui partager un repas : on ouvre notre frigo et on se fait un sandwich. Quand on a envie de pipi, on n’enfile pas nos vêtements les plus cool pour aller faire la file dans les toilettes phosphorescentes d’un bar : on reste en pyjama et on utilise le trône à la maison. On est une grande personne, on peut s’essuyer tout seul.
Dans les sphères non sexuelles de notre vie, quand on a des besoins purement biologiques, on n’hésite pas à y remédier de manière bien plus efficace qu’en demandant à quelqu’un d’autre de les gérer avec nous.
Pourquoi donc insiste-t-on pour générer des relations avec autrui lorsqu’il est question de sexualité? Une relation sexuelle à deux, ça requiert des habiletés sociales : du tact, de l’intelligence émotionnelle, de la séduction, etc. Et puis, on court le risque de se faire rejeter par l’autre – ce qui est super désagréable.
Ça peut être complètement aliénant, le sexe à deux.
Même si vous me dites que vous ne vous encombrez pas de telles considérations au lit parce que vous êtes égoïste en toutes circonstances, que vous vous fichez de la réciprocité et que vous vous “masturbez avec le corps des autres”, vous devez quand même dépenser de l’énergie au préalable pour persuader vos partenaires de vous laisser faire.
Pourquoi insister, surtout en cette ère technologique où la pornographie, les vibrateurs et les robots sexuels sont aisément à notre disposition?
Ma théorie? Parce que la masturbation et le sexe à deux répondent à des besoins complètement différents.
Je pense que la masturbation est en fait le chaînon manquant qui permet d’expliquer pourquoi on veut des relations sexuelles avec les autres. La masturbation est la preuve que notre envie d’avoir des relations sexuelles avec un partenaire découle de bien plus qu’une simple question de génitalité et de pulsions.
Le sexe à deux, c’est essentiellement une activité sociale. Et comme dans toute activité sociale, on va y chercher la satisfaction de besoins psychosociaux : estime de soi, attention, échange, réalisation, reconnaissance, affection, etc. Pas forcément tout ça à la fois et dans cet ordre. Mais quand même, tout ça fait partie du jeu.
Et puis l’incertitude inhérente aux relations à deux, c’est-à-dire le fait de n’être jamais assuré d’obtenir satisfaction, parce qu’on ne contrôle pas les autres comme on contrôle notre vibrateur ou notre main, bien ça nous fait complètement bander.
La masturbation n’est pas obligée d’être le pendant triste de la sexualité. On peut admettre une fois pour toutes que ces deux activités sont intrinsèquement différentes, qu’on les aime chacune pour des raisons différentes, et que, tant pis, tant mieux.