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La culture de la diète
Tous les deux ou trois mois, les algorithmes de mes médias sociaux semblent se rappeler que je suis grosse. Je vais soudainement avoir plein de publicités de produits miracles « amincissants » et de suggestions de pages d’influenceuses minces faisant la promotion de thés laxatifs. J’ai beau toujours m’assurer d’indiquer que je ne suis pas intéressée et j’ai beau absolument ne rien suivre de ce genre de contenu, ça revient toujours.
Dans mes souvenirs, cette omniprésence de l’obsession de la perte de poids a toujours été là. Je ne peux pas me souvenir d’un temps où les femmes dans ma vie ne dépréciaient pas leur corps, en se partageant les nouvelles des dernières modes de diètes. On avait rarement des collations sucrées chez nous, ayant plutôt toutes les variantes sans sucre et sans gras avec des noms incorporant automatiquement les mots DIÈTE, MINCEUR, ZÉRO CULPABILITÉ ou un logo directement sorti de la vallée de l’étrange avec une mascotte bovine anormalement mince. Hey, les vaches ne sont pas supposées être minces.
La culture de la diète me dit depuis toujours que la minceur est la seule façon d’être belle, en santé et acceptable.
La culture de la diète me dit depuis toujours que la minceur est la seule façon d’être belle, en santé et acceptable. Le message est encore le même aujourd’hui : il faut être mince à tout prix. Dans mon cas, le prix était ma santé mentale. J’ai commencé à développer des troubles alimentaires autour de mes 12 ans. J’étais plus grande et large que mes amies et, même si j’étais loin d’être grosse, on me parlait déjà de mon poids. J’ai commencé à comparer la largeur de mes cuisses à celles de mes amies et à ignorer ma faim. Au courant de mon adolescence, et même de ma vie adulte, j’allais être frustrée contre moi-même de « trop manger ». Ironiquement, ma nutritionniste m’a plus tard expliqué que je ne mangeais pas assez. Ce que la culture de la diète oublie de nous dire, c’est que la prise de poids est beaucoup plus complexe qu’un simple calcul de calories consommées puis dépensées.
Dans le cas de ma grosseur, mes antidépresseurs, mes tentatives de diètes du passé, ma génétique et ma maladie chronique sont probablement plus lourds dans la balance.
J’ai déjà pensé que pour me libérer de la culture de la diète, je n’avais qu’à apprendre à aimer mon corps. Bien que je suis contente d’avoir fait cette démarche, je réalise que ce n’est pas assez. J’ai beau être bien et me trouver belle, le monde entier tient constamment à me rappeler que mon poids est un échec. Beaucoup de gens croient encore qu’être gros est une faille personnelle, voire morale, et ne se gênent pas de le rappeler à n’importe quelle personne grosse osant s’aimer. Quand on est gros, tout le monde assume savoir à quoi ton rythme de vie et ton alimentation ressemblent. Ils semblent aussi parfois penser qu’ils sont les premiers à te faire remarquer que tu es gros, avant de te donner un « conseil » que tu as déjà entendu des centaines de fois. Oui, monsieur random dans un parc, j’ai déjà pensé à manger des légumes.
D’ailleurs, sur Instagram, chaque emploi du mot-clic #bodypositivity me garantit un abonnement ou un message d’un compte d’entraineur.euse me vantant son programme de perte de poids. Les conseils de perte de poids, c’est comme les dick pics. On ne devrait jamais en envoyer des non sollicités et, personnellement, je n’en sollicite jamais.
Les conseils de perte de poids, c’est comme les dick pics. On ne devrait jamais en envoyer des non sollicités et, personnellement, je n’en sollicite jamais.
Je suis épuisée de me faire répéter qu’on « s’inquiète simplement pour ma santé » par des gens qui n’ont clairement jamais pris le temps d’écouter nos témoignages de grossophobie ou qui supposent qu’on ment quand on dit qu’on est bien avec notre poids. Même dans mes relations interpersonnelles, j’ai dû imposer des limites à des gens que j’aime. On ne me parle pas de mon poids. Je ne tolère plus que mes ami.e.s minces se traitent de gros.se.s ou se plaignent de leur poids devant moi. Je ne leur en veux vraiment pas, iels sont aussi victimes de la culture de la diète, mais je leur explique à quel point c’est blessant d’entendre qu’iels ont peur de me ressembler. Ça en froisse certain.e.s, mais ça en vaut la peine.
Je me dis que malgré mon sentiment d’impuissance devant une obsession pour la minceur soutenue par une industrie gargantuesque, je garde mon pouvoir dans ma relation avec les gens qui m’entourent. Je peux partager mes ressources favorites et mes propres idées à celleux qui veulent bien m’entendre. J’essaie aussi de garder mon empathie et ma douceur pour les femmes qui m’ont accidentellement appris à haïr mon corps. Elles auraient mérité de s’aimer.
Quelques-unes de mes ressources anti-diète et anti-grossophobie préférées :
Sites web :
Articles :
– (En anglais) Everything you know about obesity is wrong de Michael Hobbes
Podcasts :
– On s’appelle et on déjeune avec Bernard Lavallée et Catherine Lefebvre
– (En anglais) Maintenance phase de Aubrey Gordon et Michael Hobbes
Livres :
– Corps Rebelle: Réflexions sur la grossophobie de Gabrielle Lisa Collard
– La vie en gros de Mickaël Bergeron
– (En anglais) What We Don’t Talk About When We Talk About Fat de Aubrey Gordon
– (En anglais) Fearing the Black Body : The Racial Origins of Fat Phobia de Sabrina Strings