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Kanye West vs Kim Kardashian : entre rire et harcèlement

Peut-être que ce divorce n'est pas si drôle, finalement.

Par
Malia Kounkou
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C’est le nouveau feuilleton culte du mois et il n’est disponible ni en streaming ni sur les chaînes câblées. Non, cette fois-ci, c’est bel et bien sur le compte Instagram de Kanye West qu’a lieu le visionnage. À l’aide de publications aux cadrages hâtifs s’accompagnant de légendes XXL rédigées en majuscules, le monde entier est invité à suivre en temps réel les péripéties de son divorce houleux avec Kim Kardashian.

Du pain béni pour les réseaux sociaux qui, grâce aux nombreuses conversations d’internautes que ces publications génèrent, comptabilisent assez de trafic pour survivre jusqu’en 2024 au moins. Et pour les retardataires n’ayant pas encore eu vent des dernières nouvelles, la colonne des sujets d’actualité se fait toujours un plaisir de les récapituler.

examiner les faits à froid enlève cependant tout humour à la situation.

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Vous le saviez, vous, que Kim Kardashian a célébré sa Saint-Valentin aux bras de son nouveau Roméo ? Et que ce nouveau Roméo n’est autre que l’humoriste américain Pete Davidson, que Kanye (ou devrais-je dire « Ye », tel que le rappeur a légalement décidé de s’appeler) se plaît à renommer « Skete » sur Instagram ? Et que Ye a malgré tout livré un camion rempli de roses à Kim Kardashian ? Et que, durant toutes ces tentatives de reconquête, lui-même sortait avec la top-modèle Julia Fox, qui n’a gagné de cette amourette que six minutes de gloire et un sac à main ?

Non aux quatre questions ? Eh bien, vous voici maintenant dépositaire de cette précieuse culture générale.

Escalade de l’obsession

Si ce divorce est traité par les réseaux sociaux comme un fournisseur infini de mèmes (on a tous et toutes vu passer au moins huit détournements de la photo de Ye qui tient un bloc-notes devant lui), examiner les faits à froid enlève cependant tout humour à la situation. Car tout, dans les éléments rendus jusqu’ici publics, laisse même à croire que nous sommes finalement en plein cœur d’un harcèlement calibré subi par Kim.

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Ye s’en prend à elle sur une plateforme publique, tantôt par le biais de la confrontation directe, tantôt par la supplication. Ses outils d’intimidation sont multiples, allant de la publication de conversations privées avec Kim à l’humiliation de son nouveau partenaire sur les réseaux comme dans ses chansons en passant par l’achat d’une maison juste en face de la leur. « LES GENS ME TRAITENT DE FOU, MAIS ÊTRE EN AMOUR C’EST ÊTRE FOU », se justifie Ye dans son post de Saint-Valentin. Et cette phrase devrait sincèrement nous mettre la puce à l’oreille.

Amour, gloire et harcèlement

À mes yeux, la seule arme de plus dont Kim Kardashian dispose, c’est qu’elle est riche et célèbre. Le fait d’être riche permet la mise en place d’un dispositif nécessaire à sa pleine sécurité, et le fait d’être célèbre que toutes les actions de Ye à son encontre soient documentées aux yeux du monde entier. Ainsi, ce ne sera jamais sa seule parole contre la sienne.

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Car imaginons deux secondes qu’elle fasse partie du commun des mortels comme nous et ne dispose d’aucun de ces leviers. Vivre l’angoisse quotidienne d’être diffamée en ligne, ridiculisée dans sa nouvelle vie amoureuse, revendiquée tel un objet volé des mains du mari et jugée en permanence par tous les internautes qui n’auront de cette histoire que le point de vue de l’ex (et sympathiseront irrémédiablement avec lui) aurait été purement et simplement ingérable. N’empêche, peu importe la grosseur du compte en banque ou le degré de notoriété, personne ne devrait avoir à composer avec ça.

derrière ce « KimYe Gate » qui attise foules et popcorns se trouve un schéma d’écrasement progressif que de nombreuses femmes subissent au quotidien.

Voire tragique. En France, l’histoire de l’influenceuse MavaChou en est un triste exemple. Après avoir commis l’affront de simplement divorcer pour trouver l’amour ailleurs, de nombreuses personnes se sont ralliées à la cause de l’ex-mari. En effet, depuis la séparation, ce dernier n’avait que des mots durs à son égard et un auditoire dévoué devant qui librement les proférer. S’en est suivie une vague de cyberharcèlement qui a atteint son pic le 22 décembre dernier, lorsque l’influenceuse a mis fin à ses jours.

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Je ne dis pas que Kim se dirige vers ce même destin. Seulement que derrière ce « KimYe Gate » qui attise foules et popcorns se trouve un schéma d’écrasement progressif que de nombreuses femmes subissent au quotidien. Et là-dedans, mine de rien, nous avons tous et toutes notre part de responsabilité.

Le public comme outil de légitimité

Car, dans cette affaire, nous ne sommes pas appelé.e.s à être de simples témoins, mais bel et bien des spectatrices et spectateurs actifs. Dans ses légendes Instagram, Ye nous sollicite directement et sans ambiguïté. « QUE DOIS-JE FAIRE À PROPOS DE MA FILLE QUI EST SUR TIKTOK SANS MON AVAL ? » ou encore « SI VOUS VOYEZ “SKETE” EN VRAI CRIEZ SUR CE LOSER » sont de réelles phrases présentes dans ses posts.

C’est une femme coincée entre deux feux délicats : celui de l’attention générale incessante et celui de la bipolarité de son ex-mari.

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Au-delà d’émettre des avis, nous sommes aussi là pour donner à sa « quête amoureuse » un poids, une certaine forme de « légitimité ». Il lui a offert un camion entier de roses : n’est-ce pas romantique ? Pourquoi ne souhaite-t-elle pas retourner avec lui ? Que faut-il de plus ? Kim apparaît alors comme une capricieuse qui aime autant se faire désirer que voir son ex souffrir. Elle est cette femme qui a répondu “non” à une demande en mariage en plein restaurant.

À mes yeux, cependant, elle n’est qu’une personne qui essaie simplement de naviguer une situation familiale difficile tout en respectant son propre droit au bonheur. C’est une femme coincée entre deux feux délicats : celui de l’attention générale incessante et celui de la bipolarité de son ex-mari.

Santé mentale et responsabilité

Il m’est impossible de clôturer cet article sans parler de la bipolarité de Ye, une maladie qui se caractérise par des changements extrêmes d’humeur oscillant entre pics d’euphorie et extrême dépression. Depuis 2016, cette bipolarité est de notoriété publique et l’artiste a toujours été très vocal là-dessus.

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Dans une publication publique de 2020, Kim a même appelé à ce qu’on manifeste « compassion et empathie » envers Ye en dépit des paroles et actions controversées résultant souvent de ses crises. Pour ma part, j’ajouterai « lucidité » à cette liste. Certes, il est important de ne jamais écarter la santé mentale de l’équation, mais il est tout aussi crucial de ne pas s’en servir comme justification à de mauvais traitements.

Être lucide, c’est aussi distinguer que par ces publications privées rendues publiques, nous faisons partie d’une conversation qui n’est finalement pas la nôtre. Nous avons été placés au cœur d’échanges intimes et de pensées brutes dont la portée et l’implication n’ont peut-être pas pu être pleinement évaluées par Ye. Il nous revient donc de le comprendre avant que ne viennent les premiers rires — bien que le mème du bloc-notes soit assez drôle, admettons-le.

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