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Juliette Armanet : « “Le dernier jour du disco” est un cri d’apocalypse joyeux qui invite à la fête »

On a profité des Francos pour discuter d’amour, de disco et de fin du monde avec la chanteuse française.

Par
Laïma A. Gérald
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Si Juliette Armanet était une expression, elle serait assurément « Après la pluie, le beau temps ».

En effet, la chanteuse et reine contemporaine du disco a su chasser la tempête qui s’est abattue sur Montréal jeudi soir, à coup de paillettes et de Boum Boum Baby. Un peu avant 21 h, la pluie a fait place à ses tenues scintillantes, lui permettant de monter sur scène.

Je vois dans cette soirée une belle métaphore de la musique de Juliette Armanet, qui cherche à jeter de la lumière dans un monde parfois orageux.

Avec son tout premier album, Petite amie, lancé en 2017, Juliette Armanet s’est rapidement hissée au statut de star en France, avec 200 000 albums vendus et le Victoire de la Révélation de l’année en 2018.

En 2021, elle a lancé un deuxième album, Brûler le feu, proposant à la fois des pièces disco enflammées et des ballades piano-voix pleines de douceur.

On a profité des Francos pour s’entretenir avec l’auteure-compositrice-interprète française, au lendemain de son concert sur la place des Festivals.

Juliette Armanet/Facebook
Juliette Armanet/Facebook

Juliette, dans quel état d’esprit êtes-vous ce matin ?

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Je suis réjouie, ravie, fatiguée, mais tellement pleine de joie d’avoir vécu un si beau moment, c’était génial.

Je vous avoue qu’on a eu peur de ne pas pouvoir jouer [en raison de la météo] et j’en aurais été super déprimée.

« J’ai eu du mal à retenir mes larmes plusieurs fois, tellement j’étais contente. C’était un grand moment. »

C’était un concert tellement plein d’émotions. La dernière fois que j’ai joué ici, c’était il y a quatre ans, dans une plus petite salle [L’Astral, 14 juin 2018], devant 400 personnes. Alors hier soir, d’être sur la grande scène extérieure, à la tombée de la nuit, de voir autant de gens rassemblés, généreux, j’en étais très émue. D’ailleurs, j’ai eu du mal à retenir mes larmes plusieurs fois, tellement j’étais contente. C’était un grand moment.

Votre deuxième album Brûler le feu assume de fortes influences disco. Comment ce style est-il arrivé dans votre démarche ?

Le disco est là depuis le début. Sur mon premier album, j’avais déjà le rideau à paillettes, la grande boule disco, j’avais déjà des titres très « discoïdes », comme L’indien, À la folie ou Samedi soir.

Je suis naturellement très imprégnée de cette science-là, qui m’est très familière. C’est très naturel pour moi de convoquer ce genre-là et comme il était déjà présent sur le premier album, je l’ai laissé revenir sur le deuxième.

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Il y a aussi que c’est un style très, très joyeux et fédérateur. J’ai l’impression que ça correspond à une envie du public d’être rassemblé. C’est une musique assez physique et je crois que nous sommes beaucoup de gens à avoir envie de danser !

Justement, certaines de vos chansons sont vraiment parfaites pour danser (je parle ici d’expérience personnelle !). Comment créez-vous vos chansons faites pour faire la fête ?

J’avoue que je ne fais rien qui soit très conscient. Quand je compose une chanson, je ne pense pas spécifiquement à son « rôle » ou à l’« usage » que l’on en fera. Je me laisse plutôt porter par une énergie de travail qui est là, au moment où elle se fait.

« Je suis naturellement portée vers des choses assez énergiques, solaires et dansantes. »

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Ce qui est sûr, c’est qu’en composant le deuxième album, j’étais imprégnée de toute la tournée précédente et de l’énergie de la foule. J’étais sans doute très naturellement portée vers des choses assez énergiques, assez solaires et assez dansantes. J’avais sans doute envie de quelque chose qui bouge sur scène, quoi.

Dans vos différentes entrevues, vous dites parfois que chanter est un geste de survie. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?

Intérieurement, j’ai traversé pas mal d’épreuves, de moments où je me suis cherchée. Le fait d’avoir la musique, d’avoir pu m’exprimer comme ça et d’avoir trouvé ma liberté à travers elle m’a aidée à surmonter beaucoup de moments troubles.

La musique m’a aidée à me connecter, à me découvrir et m’épanouir. Ça me permet d’être vivante, d’être au plus près de moi-même, de me connaître.

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Justement, pour écrire vos chansons, partez-vous toujours de vous-même, de vos émotions et de vos expériences ou y a-t-il une part de fiction ?

Si, bien sûr, il y a une part de fictionnalisation, elle est d’ailleurs très précieuse. Je crois, qu’au bout d’un certain temps, dans nos vies, on a besoin de l’imaginaire pour écrire. Même plus que besoin. On a besoin de s’inventer des vies pour avoir des choses à dire. Et c’est d’ailleurs la plus grande des beautés, la plus grande des libertés d’avoir recours à la fiction.

« Je suis très partisane du fait que la fiction est un territoire de vérité, et qu’il est nécessaire de convoquer la fiction pour pouvoir écrire. »

Pour moi, c’est tout aussi autobiographique, ça raconte autant de soi ce que l’on imagine de nos vies que ce qu’on a vraiment vécu. Je suis très partisane du fait que la fiction est un territoire de vérité, et qu’il est nécessaire de convoquer la fiction pour pouvoir écrire. Une histoire vécue ou inventée a la même valeur, elle raconte autant de soi.

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Beaucoup de vos chansons parlent d’amour et de ses vertiges. En quoi ces thèmes sont-ils moteurs dans votre création ?

Parler d’amour, c’est tellement central, j’aurais du mal à parler d’autre chose. C’est le sujet qui m’intéresse et qui m’habite le plus. C’est très naturel chez moi.

Parler d’amour, c’est parler du monde. C’est parler des amis, de la famille, de l’intimité et de plein d’aspects phares de nos vies. Pour moi, c’est le sujet absolu, le sujet universel. Parler d’une rencontre amoureuse, c’est un vecteur de grandes émotions, mais aussi un levier formidable pour parler de soi et pour parler aux autres.

Il y a une forme d’universalité incroyable dans le sentiment amoureux qui transcende les classes sociales, les genres, les identités, les nationalités. Ça parle à tout le monde.

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Dans votre chanson Le dernier jour du disco, on note tout un sous-texte qui parle de la crise climatique (pour les plus attentifs et attentives). Quelle place occupe cet enjeu dans votre vie ?

J’ai eu un enfant il y a quatre ans et mon rapport au futur a pas mal bougé. Que le monde soit une maison accueillante pour mon fils est quelque chose qui est devenu très important.

Ces trois dernières années, nous avons tous été confrontés à des réflexions très profondes sur notre rapport au monde, aux animaux, aux arbres, aux océans.

Par contre, ce rapport au catastrophisme ambiant, il ne faut pas qu’il devienne handicapant ou qu’il nous empêche d’avoir envie d’avenir.

« Le dernier jour du disco Est un cri d’apocalypse, mais un cri d’apocalypse joyeux, qui invite à la fête. »

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La chanson Le dernier jour du disco, c’est un cri d’apocalypse, oui, mais un cri d’apocalypse joyeux, qui invite à la fête. Une invitation à ne pas renoncer aux grandes épopées humaines, pour que ce ne soit pas que la fin, au contraire. Il faut que ça continue.

C’est vraiment une envie de transcender des questions qui peuvent parfois être très paralysantes et d’en parler de manière presque subliminale. La chanson peut être autant à propos de la fin d’une histoire d’amour que de la fin du monde. Il y a plusieurs tiroirs dans le texte.

Justement, diriez-vous qu’avec votre musique, vous cherchez à créer des bulles festives pour insuffler un peu de joie dans ce drôle de monde ?

Oui, sans doute. C’est une manière de montrer que l’on peut se fédérer et que les constats, aussi catastrophiques soient-ils, ne doivent pas nous entraîner dans la solitude. On peut se rassembler et prendre de la force, les uns avec les autres, pour s’unir.