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Ce récit provient des ateliers d’écriture animés par les journalistes de la Zone d’Expression Prioritaire (la ZEP), un média qui accompagne l’expression des jeunes pour qu’ils et elles se racontent en témoignant de leur quotidien et de toute l’actualité qui les concerne.
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En cours d’histoire, en primaire, on parlait de religion et le prof nous demandait nos origines. Mon tour est venu. J’ai dit que j’étais d’origine israélienne, tunisienne, polonaise. Le prof m’a dit : « Tu es juive ? » J’ai répondu oui. La sonnerie a sonné et, à la récré, un camarade de classe m’a lancé sans raison particulière : « Sale juive. » Comme c’était la première fois que ça m’arrivait et que j’étais petite, j’ai pensé : « Bizarre, pourquoi des propos comme ça alors que c’est juste une religion ? »
Ma mère a peur pour nous
Une autre fois, même chose, un cours d’histoire où on parle de religion et où je dis que je suis juive. À la récré, un autre élève : « Sale juive, vous avez rien à faire là » ; « Allez brûler. » C’est aussi arrivé à des personnes de mon entourage, mais ce n’était pas dirigé directement contre eux. Par exemple, ma mère coiffait un monsieur, il avait des boucles, et il a crié : « ROLALA, ENLEVEZ-MOI CES BOUCLES À LA JUIVE ! »
Depuis qu’on m’a insultée de « sale juive », ma mère nous demande de ne pas trop dire qu’on est juifs. Par exemple, ma sœur a un collier avec une étoile de David et elle lui dit « le porte pas ! » pour ne pas qu’elle se fasse agresser ou insulter. Mes parents disent qu’ils sont juifs, mais ma mère a peur pour nous.
Au centre aéré, un ami à moi a entendu que j’étais juive. Il est venu me voir pour me demander si c’était vrai, j’ai répondu que oui. Il m’a dit : « Moi aussi. » Après, je lui ai demandé : « Pourquoi tu n’en parles pas ? » Il m’a dit qu’il ne préférait pas. J’ai trouvé ça choquant, il avait l’air d’avoir peur, parce qu’il a stoppé le sujet direct.
Moi, je le dis…
Moi, je ne vois pas pourquoi je ne le dirais pas, donc j’assume, je le dis… seulement si on me le demande. Je ne le cache pas mais si je peux éviter de le dire, j’évite. Depuis la cinquième, quand on me demande mes origines, je réponds. Mais quand ils me demandent si je suis juive, je rétorque que ça ne les regarde pas. Parce que quand ils posent la question, ça se sent que ce n’est pas avec une bonne intention.
Ça ne me pèse pas parce que si je dois le dire je le dis, mais je sais que je pourrais me faire réinsulter parce que je suis juive.
Rachel, 16 ans, lycéenne, Bondy