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À mon âge, on me dit que je ne fais pas partie des personnes à risque de complications face au coronavirus. C’est aussi ce que pensaient un certain nombre de personnes atteintes de ce que l’on appelle parfois le «syndrome post-Covid» ou «Covid long», qui touche de 5 à 10% des malades selon les études. Pour ces patients parfois âgés de 20, 30 ou 40 ans, des symptômes très handicapants perdurent depuis des mois et chamboulent leur quotidien. Ils nous racontent.
Isabelle fabre: «J’ai gardé un essoufflement et une grande fatigue»
Isabelle Fabre, âgée de 33 ans, a attrapé le virus mi-mars. Ce qu’elle a pris pour une simple tourista au départ a dégénéré avec des symptômes respiratoires. «Je n’étais pas trop stressée car je suis jeune et sportive et je me suis dit que ça allait être un peu dur pendant deux semaines, puis que ça passerait», se souvient celle qui a couru plusieurs marathons et pratiquait quotidiennement course à pied, VTT ou kitesurf. Mais passé les deux premières semaines où elle ne fait que dormir, des symptômes persistent. «J’ai gardé un essoufflement et une grande fatigue et en reprenant le sport j’ai constaté que j’étais devenue asthmatique, raconte la Niçoise. En juillet, les médecins ont cru que j’avais un problème cardiaque et m’ont demandé d’arrêter le sport.»
Le plus pénible pour la marathonienne, c’est que les symptômes revenaient par vagues. «Plein de fois j’ai cru que c’était fini… J’étais épuisée et j’avais beaucoup de mal à me concentrer. J’avais des absences et l’impression d’être devenue débile ! Une fois, j’ai même essayé d’ouvrir la barrière de péage sur l’autoroute avec mon bip de garage…», confie Isabelle Fabre qui avoue avoir eu du mal avec le regard de ses amis qui ne la croyaient pas vraiment. La jeune femme se sent enfin mieux depuis la fin du mois d’août, après «5 mois de perdus», même si elle n’a pas le droit d’effectuer des efforts intenses, ce qui limit pour l’instant sa reprise sportive.
Camille, deux mois dans une clinique psychiatrique
La Niçoise reconnaît sa chance d’avoir été très soutenue par sa généraliste, contrairement à Camille qui se bat avec le virus depuis fin avril. Très vite, la jeune femme de 27 ans se rend compte qu’il n’est pas comme les autres. «J’avais les mains glacées et des symptômes très bizarres», raconte-t-elle. Lorsqu’elle tente une séance de sport, elle ressent un essoufflement mais son médecin la rassure en lui disant que «ce n’est rien». Bien que fiévreuse et prise de quintes de toux, ce dernier ne lui fait pas faire de test Covid. Au bout de deux semaines d’errance médicale, elle trouve un généraliste qui pose le diagnostic et lui donne un traitement.
S’ensuivent des jours de diarrhée, maux de ventre, maux de tête incessants et symptômes divers. «Lorsque je me levais de mon lit, je tombais par terre. Le plus difficile à gérer, c’était les difficultés respiratoires et l’oppression dans la poitrine en me levant le matin. Je ne pouvais rien faire de la journée», se souvient Camille. Des examens à l’hôpital révèlent un problème au poumon, mais lorsque la jeune femme est prise de fourmillements et crises d’angoisses, elle est hospitalisée deux mois dans une clinique psychiatrique. «Cela a été très dur», raconte avec amertume Camille qui souffre encore de tachycardie, maux de tête, fatigue, difficultés respiratoires et douleurs thoraciques.
Stéphanie Henry, douleurs articulaires et musculaires, oppression thoracique, essoufflement et toux
Pour Stéphanie Henry, dont les performances en course à pied étaient au top avant la Covid, la maladie a également décidé de s’incruster. Atteinte du virus début avril, la sportive enchaîne les symptômes puis croit au bout de quinze jours entrer en convalescence. «Mais cela a mal évolué et j’ai ressenti une fatigue beaucoup plus intense, avec des douleurs musculaires et articulaires qui me clouaient dans mon canapé et des essoufflements au moindre effort. Un mois après le début des symptômes, j’ai compris que cela allait être beaucoup plus long que ce que je pensais», raconte la Montpelliéraine.
Quatre mois et demi après la phase aiguë, Stéphanie Henry vient de reprendre le travail après deux mois d’arrêt. «Dès que j’ai une activité physique un peu supérieure à mes capacités, je rechute au niveau de la fatigue, des douleurs articulaires et musculaires, de l’oppression thoracique, l’essoufflement et la toux», dit celle qui se sent toujours sur le fil du rasoir et se remet doucement au yoga même si certaines positions lui sont encore contre-indiquées. Sa fatigue «qui pèse et qui cloue» va progressivement en diminuant, mais «à une infinie lenteur», décrit-elle.
L’avis de l’expert, le Dr Barizien
Ce phénomène de symptômes au long cours est bien connu de certains médecins. A l’Hôpital Foch de Suresnes, la prise en charge pluridisciplinaire «Rehab Covid» a été mise en place en juin par le Dr Barizien, chef du service de médecine physique et réadaptation. «Il y a ce qu’on appelle le Covid long, qui concerne des gens ayant toujours eu des symptômes qui ont diminué et reprennent plus fort, et le syndrome post-Covid avec des gens qui allaient bien et qui rechutent», explique le médecin. Contrairement aux formes graves de la maladie, qui affectent surtout les hommes de plus de 65 ans, ces troubles persistants d’ordre pulmonaire, ORL et/ou digestif associés généralement à une grande fatigue, touchent particulièrement les 20 à 40 ans — surtout des femmes — et suscitent beaucoup d’angoisse chez les patients, selon le spécialiste.
Un bilan d’une demi-journée dans son service auprès de quatre professionnels de santé (diététicien.ne, psychologue, kinésithérapeuthe et médecin) permet de déterminer le profil du patient et de poser un diagnostic : hyperventilation, syndrome de tachycardie orthostatique, déconditionnement, syndrome anxieux ou post-traumatique. Après rééducation ou suivi en ville pendant deux mois, les patients sont revus à l’hôpital. «Ils vont globalement de mieux en mieux. Certains ne récupèrent pas suffisamment vite mais on peut les accompagner avec des traitements relativement simples», se réjouit le médecin, qui se dit «impressionné par le nombre de patients potentiels». Face aux nombreuses demandes, il a mis en ligne un mini bilan permettant aux médecins généralistes de «débrouiller le terrain» et aux patients de s’auto-tester. Quant aux malades rencontrés lors de ce reportage, il lancent tous le même message : restez prudents et protégez-vous !
Un groupe Facebook «privé» a également vu le jour pour permettre aux personnes atteintes de la «forme longue de la covid» d’échanger ensemble.