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Jeff Bezos est-il devenu le super-vilain de la Silicon Valley ?
Internet nous a plongés de plain-pied dans le futur. Mis à disposition du grand public il y a à peine trente ans, le World Wide Web a déjà redessiné le panorama mondial, accélérant les transactions, rendant toute information disponible, construisant, déconstruisant des hommes en quelques mois. Quelques semaines, parfois. Jeff Bezos en est un bon exemple.
Le patron d’Amazon possède une fortune aujourd’hui estimée à plus de 100 milliards de dollars et pourrait atteindre 1 000 milliards de dollars en 2026. Un chiffre sûrement loin de la réalité qui ne cesse d’augmenter. Quand la Silicon Valley rend riche, elle rend très riche.
Oui, mais comment ? Bonne question, lecteurs..
Accomplissez plus avec moins
Invoquons les dieux de la culture pop et cette phrase de Lex Luthor dans Batman V. Superman : « L’échec n’est pas dans mes habitudes ». Des mots qui tombent à point nommé puisque, au-delà de sa calvitie légendaire, Jeff Bezos partage quelques similarités avec Luthor (campé par Jesse Eisenberg qui, quelques années auparavant, avait campé un autre magnat de la Silicon Valley : Mark Zuckerberg). En premier lieu : l’ambition.
La réussite, Bezos a ça dans le sang. En moins de vingt ans, Amazon est devenue l’entreprise la plus prospère au monde et le deuxième plus gros employeur aux États-Unis, juste après Walmart.
La réussite, Bezos a ça dans le sang. En moins de vingt ans, Amazon est devenue l’entreprise la plus prospère au monde et le deuxième plus gros employeur aux États-Unis, juste après Walmart. Un succès retentissant que l’homme aux 100 milliards attribue à un concept : le dépassement de soi, la volonté d’aller plus loin, toujours plus loin. En attestent les 14 principes de gouvernance de la compagnie, destinés à ses employés et futurs employés. Exemple : « Les leaders […] agissent pour la compagnie, au-delà de leur équipe. Ils ne disent jamais “ce n’est pas mon travail” ». Ou celui-ci : « Accomplissez plus avec moins ». Ou encore : « Penser petit est une prophétie qui s’autoaccomplit. Les leaders créent et communiquent une direction courageuse qui inspire des résultats ». Et les résultats, Amazon n’a pas fini de les inspirer.
Mais il y a le revers de la médaille. Lex Luthor est devenu avec le temps l’un des super-vilains les plus célèbres du monde des comics. Et, semble-t-il, Bezos est sur le point de suivre le même chemin. « Vous connaissez le plus vieux mensonge en Amérique, Sénateur ? déclare Luthor. C’est que le pouvoir peut être innocent. »
« Go back to work »
Il y a quelques temps, un certain Billy Foister, employé Amazon travaillant au sein de l’entrepôt d’Etna, dans l’Ohio, est mort d’une crise cardiaque pendant ses heures de travail. Selon des sources internes, l’homme de 48 ans serait resté allongé pendant plus de vingt minutes avant de recevoir l’aide des premiers intervenants. « Comment peut-on ne pas voir un homme de 6,3 pieds étendu au sol et ne pas l’aider en moins de 20 minutes ? » s’est exclamé son frère auprès du Guardian, ajoutant : « Quelques jours auparavant, il a mis un produit dans le mauvais panier et en deux minutes la direction l’a vu sur la caméra et est venue lui en parler. » La semaine précédant sa mort, l’employé aurait fait état auprès de la clinique interne, de maux de tête, de douleurs abdominales et de déshydratation (ce qui correspondrait à plusieurs plaintes d’employés selon qui les bouteilles d’eau auraient été retirées des entrepôts).
Il y a quelques temps, un certain Billy Foister, employé Amazon travaillant au sein de l’entrepôt d’Etna, dans l’Ohio, est mort d’une crise cardiaque pendant ses heures de travail. Selon des sources internes, l’homme de 48 ans serait resté allongé pendant plus de vingt minutes avant de recevoir l’aide des premiers intervenants.
La mort de Billy Foister s’inscrit dans une longue série d’accidents et décès, qui ont valu à Amazon d’être inscrite en 2019 dans la « Douzaine sale » (Dirty Dozen) du Conseil national pour la sécurité professionnelle et la santé (National Council for Occupational Safety and Health). Celui-ci fait état, entre autres, de six décès de novembre 2018 à avril 2019 et de conditions de travail déplorables. De janvier à mars 2019, le 911 aurait reçu presque 29 000 appels provenant de l’entrepôt d’Etna, dont plusieurs tentatives de suicide. En mars 2019, un employé de 60 ans du nom de Joe Bowman a succombé à une crise cardiaque. Quand un collègue s’est inquiété de son état de santé, le superviseur aurait simplement répondu : « Go back to work ». Dans le cas de Billy Foister, ses collègues auraient été forcés à reprendre immédiatement le travail, sans assistance psychologique ou période de repos.
Voilà comment les 14 principes de gouvernance d’Amazon prennent soudain un tout autre sens.
La grogne des employés
Amazon, ce n’est pas que Amazon. C’est aussi tout un conglomérat d’entreprises rachetées sur le chemin irrésistible du succès.
Parmi elles, la chaîne de produits organiques Whole Foods. En septembre dernier, Jeff Bezos a annoncé qu’il supprimait les prestations liées aux soins de santé de centaines d’employés à temps partiel de Whole Foods. Et ce, quelques semaines après avoir signé une déclaration promettant de s’engager en faveur du bien-être de ses employés et de ne plus travailler uniquement en faveur des actionnaires. Une déclaration ratifiée par 181 compagnies, dont Apple et Walmart.
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La déclaration de bien-être des employés de Whole Foods.
1900 employés sont ou seront concernés par ces mesures, alors même que Whole Foods a rapporté 20 milliards $ à l’empire Amazon en 2018 (certes, toujours plus modeste que les 270 milliards de Walmart). Étrange quand on pense à l’un des fameux principes de gouvernance d’Amazon : « [Les leaders] pensent sur le long terme et ne sacrifient pas la valeur à long terme pour des résultats à court terme. Ils agissent pour le bien de la compagnie entière, au-delà de leur équipe. »
Pouvoir et bonté
Mais l’état de grâce de Bezos semble toucher à sa fin, à mesure que s’écorne l’image d’Amazon.
Le 20 septembre 2019, plus de 900 employés de la compagnie, issus de tous les secteurs, ont arrêté le travail pour se joindre à une manifestation pour la transition écologique. Plus précisément : pour tenter de convaincre leurs patrons de passer au vert.
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Aussi étonnant que ça puisse paraître, Amazon est en retard question environnement. À l’heure où Apple s’est entièrement tourné vers les énergies vertes, Amazon est lui connu pour mettre à la disposition des compagnies pétrolières sa technologie de machine learning. Selon Greenpeace, depuis 2016, la firme n’aurait signé absolument aucun contrat d’énergie verte, tandis que l’ensemble de la concurrence se tourne vers des solutions écologiques (Google, Apple, Microsoft…). Pire : l’été 2019, Bezos and Co. a fait un don de 15 000 $ au think tank Competitive Enterprise Institute, qui nie l’existence du réchauffement climatique.
Voilà qui nous amène à une dernière fulgurance de Jeff Luthor : « Si Dieu est tout-puissant, Il ne peut pas être entièrement bon. Et s’il est entièrement bon, alors Il ne peut pas être Tout-Puissant ».
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