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Je ne suis jamais allée chez le coiffeur

Ni chez l’esthéticien.ne d’ailleurs.

Par
Lison Délot
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Après la ruée sur la farine, les œufs, le gel hydroalcoolique, le PQ, les pâtes: on se rue désormais chez le coiffeur. Et ça se comprend ! Après deux mois sans couleurs ni rasages, on a complètement changé de tête. On a vu passer quelques jolies catastrophes capillaires sur les réseaux sociaux. Entre ceux qui ont décidé de tout abandonner en attendant la réouverture des salons de coiffure, et ceux qui ont décidé de ne pas attendre et de s’en occuper eux-mêmes… Fascinant et hilarant.

Aujourd’hui, les coiffeurs ne savent plus où donner de la tête. Difficile de réserver un créneau pour les prochains mois… Je dis ça, mais à vrai dire, je n’en sais rien parce que je ne suis pas allée chez le coiffeur depuis le déconfinement et je n’ai pas prévu d’y aller, tout court. En fait, je ne suis jamais allée chez le coiffeur… Ah si ! Une fois, mais c’était un cas d’extrême urgence.

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Fous rires en série

Depuis que je suis toute petite, c’est ma maman qui me coupe les cheveux. Comme beaucoup de mères, elle s’est improvisée coiffeuse (entre autres) pour ses enfants. Pour mon petit frère, c’était facile : un coup de tondeuse et le tour est joué. Pour moi, ça a été plus compliqué.

Jusqu’à mes dix ans j’avais les cheveux blonds, fins, et lisses. Rien de plus simple à couper. Et pourtant…

Entre les franges de quatre centimètres à droite et dix à gauche et les carrés ratés, on peut dire que ma mère ne m’a pas loupé. Mais apparemment, ça la faisait beaucoup rire. De ce qu’elle me raconte aujourd’hui, je me retrouvais toujours avec une coupe de folle: mes parents étaient morts de rire.

Heureusement pour eux (et pour moi), j’étais petite. Autrement dit, aucun moyen de me défendre ou de donner mon avis. Je ne me rendais même pas compte de ce qu’il m’arrivait. Je pensais certainement avoir la même coupe de cheveux que toutes les petites filles de mon âge… si j’avais su.

Ça sert à quoi d’aller chez le coiffeur ?

Puis j’ai grandi. Mais je ne voyais toujours pas l’intérêt d’aller chez le coiffeur alors qu’on avait des ciseaux dans le tiroir de la cuisine. Pourquoi dépenser autant d’argent tous les mois, alors que ma mère était (plus ou moins) capable de me couper les cheveux?

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Je devais avoir treize ans lors de ma première expérience capillaire, dirigée par ma mère, dont je me souviens. Je ne suis pas folle, je sais à qui j’ai affaire. Je sais qu’elle n’est pas coiffeuse donc je lui demande simplement de me couper les cheveux. Pas de frange, pas de dégradé ni de mèches, « juste les pointes hein ! ».

Depuis quelques années, j’avais des cheveux longs, bruns, épais et très (très) bouclés. Mais après une petite douche, beaucoup de démêlant, un coup de peigne et une serviette sur les épaules, je suis prête.

Comme d’habitude, elle s’applique à séparer mes cheveux en deux, les passe devant, et hop, elle coupe. Quelle ne fut ma surprise lorsque je vis que ça n’était pas droit du tout ! Plus de peur que de mal.

J’ai quand même décidé de faire une pause, et pendant des années, jusqu’à mes dix-sept ans, je ne me suis plus jamais coupé les cheveux. Ni chez le coiffeur ni chez moi. Et puis ce jour est arrivé. Le jour de LA catastrophe.

La catastrophe

Ce jour-là, j’ai décidé que je voulais des cheveux plus courts, ras-le-bol des cheveux longs jusqu’aux fesses et qui trempent dans la soupe. Je demande donc à ma mère de me les couper aux épaules. Pour sa défense, elle a tout d’abord refusé : « Non mais Lili tu sais que je suis nulle, je ne veux pas ! ».

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Mais bon, c’est ma mère, je sais comment la convaincre. Je me prends même à la rassurer, à l’encourager ! Je me retrouve donc au milieu de ma chambre, assise sur un tabouret, les cheveux mouillés et prête à changer de tête (enfin).

C’est alors que ma mère, en grande professionnelle, me dit: « Tiens, je vais changer de tactique. Au lieu de mettre tes cheveux devant et de ne pas couper droit, je vais tourner autour de ta tête ». Vous la sentez arriver la catastrophe ?

Elle prend les ciseaux, et commence son petit tour. Elle part au niveau de mon épaule gauche, et sans s’arrêter de couper, arrive jusqu’à mon épaule droite, ou plutôt, mon oreille droite… Il n’y a pas de miroir, je ne vois pas ce qu’elle a fait. Mais au son de son souffle et au rire qu’elle retient, je m’imagine le pire. Et encore, c’est pire que ce que j’imagine.

Je vous laisse imaginer le carnage : d’un côté mes cheveux m’arrivaient à l’épaule, de l’autre en dessous de l’oreille. Je n’exagère pas.

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Elle commence à essayer d’égaliser les deux côtés, mais rien n’y fait, plus elle coupe, plus je pleure. Je ne m’arrête plus de pleurer. Je ressemble à Jeanne d’Arc. Mon frère entend mes cris de désespoir et arrive dans ma chambre. C’est un gentil lui, je me dis qu’il va essayer de me rassurer, de me dire que ça n’est pas si moche. Mais non. À la place, je me prends un « si tu veux, je te prête une casquette ». Ma mère et mon frère explosent de rire, et moi, je pleure de plus belle.

Malgré ses rires, je sens que ma mère s’en veut. Elle sait que c’est en grande partie de sa faute et celle de sa merveilleuse « nouvelle technique ». Elle est désemparée et ne sait plus quoi faire. Une décision s’impose : aller chez le coiffeur pour la première fois de ma vie.

Première expérience dans un salon de coiffure

Il ne faut que cinq minutes à pied de chez moi jusqu’au salon de coiffure le plus proche. Les cinq minutes les plus longues de ma vie, les plus humiliantes. Je sors de chez moi, avec un bonnet, une capuche et un foulard pour masquer ma tête et mes larmes. Pourtant j’avais encore l’impression que tout le monde pouvait voir au travers de mon couvre-chef.

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Le coiffeur a tout de suite vu le désespoir marqué sur mon visage et a accepté de me prendre en urgence, sans rendez-vous. Après une heure sous les coups de ciseaux, ma coupe de cheveux était (à peu près) passable.

Ma mère m’a offert une robe en sortant du salon pour se faire pardonner, preuve qu’elle s’en voulait vraiment ! Aujourd’hui encore elle se souvient de cette journée, on en rigole. Maman, si tu lis cet article, sache que je ne t’en veux plus.

«je ne suis jamais retournée chez le coiffeur. Je n’en vois absolument pas l’utilité.»

Autant vous dire que cette expérience traumatisante m’a suffi. Je ne me suis plus jamais coupé les cheveux depuis, et je ne suis jamais retournée chez le coiffeur. Certain.es n’y vont pas car ils/elles sont timides et détestent les discussions qui ne servent à rien pendant qu’on leur coupe les cheveux. Moi, c’est juste que je n’en vois absolument pas l’utilité.

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D’ailleurs, ça me fait penser que je ne suis jamais allée chez l’esthéticienne non plus… Ça va, je peux m’épiler toute seule quand même, et sans ma mère. Si je change d’avis, je vous préviens…