Logo

Je ne connais personne à la fac : ni les étudiants, ni les profs

Une étudiante internationale témoigne de son quotidien.

Par
Anonyme
Publicité

Il y a quelque temps, Delphine, 23 ans, a quitté la France pour partir étudier de l’autre côté de l’océan. Avec la crise sanitaire, ils sont des milliers, comme elle, à prendre leur mal en patience, à improviser avec leur avenir. Aujourd’hui, sur URBANIA, on lui laisse la parole pour qu’elle nous raconte sa vie d’étudiante isolée, dans une promo dont elle n’a vu que des visages pixelisés et quelques photos de vacances sur Instagram.

**

Je me souviens du premier jour de la rentrée, j’avais cours de communication visuelle. On a dû se présenter à tour de rôle face à nos webcams, c’était un peu bizarre pour nous tous. Ça, c’était en septembre 2020. Je venais d’obtenir un diplôme en communication dans une université nord-américaine quelques mois plus tôt, et j’entamais alors une licence.

J’avais choisi une fac anglophone pour améliorer mon anglais, mais j’ai vite réalisé que je n’allais pas en avoir l’occasion, sans contact ni échange oral. Le fait d’être française et d’arriver dans une université anglophone m’intimidait un peu, alors je me suis dit que les cours sur Zoom auraient au moins l’avantage de m’enlever ce stress, sauf que ça a été tout le contraire. En plus de ça, mes cours qui devaient se dérouler en studio sont aussi passés en distanciel et j’ai dû acheter du matériel qui m’a coûté très cher, ce qui n’était pas prévu.

« ÇA FAISAIT QUATRE MOIS QUE JE LES VOYAIS SUR ZOOM, ALORS J’ÉTAIS À PEU PRÈS SÛRE QUE C’ÉTAIT EUX »

Publicité

Assez rapidement, une prof nous a conseillé de créer un groupe sur Facebook pour qu’on échange entre étudiants, ce qu’on a fait. Mais encore aujourd’hui, je n’ai rencontré aucune des personnes de ma promo, pas même mes profs. D’abord parce qu’il y a beaucoup d’étudiants internationaux qui n’ont pas pu se déplacer, mais aussi parce qu’il n’y a jamais eu de propositions de rencontres. Un jour, j’ai croisé deux personnes de ma classe dans la rue : ça faisait quatre mois que je les voyais sur Zoom, alors j’étais à peu près sûre que c’était eux. Je ne leur ai rien dit et je ne sais même pas s’ils m’ont reconnue, mais c’était drôle de les voir en vrai.

Sauf que finalement, il n’y a que les cours en petits groupes pendant lesquels on peut voir les visages des autres. Dès qu’on est plus nombreux, les gens n’allument pas leur caméra. C’est un peu déprimant de ne voir que des écrans noirs, et ça en devient même gênant parfois, comme quand un prof pose une question à une personne qui a désactivé sa cam et ne répond pas.

« IL Y A TOUT LE TEMPS DES GENS QUI CARESSENT LEUR CHAT EN COURS »

Publicité

Il y a aussi eu quelques moments amusants sur Zoom, comme cette fois où un gars avait un perroquet sur l’épaule. On suivait le cours, et lui il était en train de jouer avec son oiseau, c’était complètement improbable, tout le monde rigolait. Et je ne sais pas pourquoi, mais il y a tout le temps des gens qui caressent leur chat en plein milieu du cours.

Les gens ont l’air très sympa, mais c’est l’ambiance qui n’est vraiment pas plaisante. J’ai été étudiante avant le Covid et le contact me manque, les bars me manquent, les événements organisés par la fac me manquent… Au Québec, on a la chance d’avoir de grosses intégrations et des événements tout au long de l’année organisés par une association, mais là je n’ai eu aucune nouvelle de mon association de design, je ne sais même pas qui ils sont. Heureusement, j’ai déjà mon groupe d’amis à Montréal puisque j’y vis depuis trois ans, mais s’ils n’avaient pas été là ça aurait été très compliqué.

« JE NE L’AI JAMAIS VUE, MAIS ON DISCUTE DE NOS PROJETS, ON SE RACONTE NOS VIES »

Publicité

Le plus dur là-dedans c’est de rester tout le temps dans mon appart : en plus de mes 15h de cours par semaine, j’ai 7h de télétravail puisque je suis aussi assistante graphiste dans une entreprise de cybersécurité. C’est assez angoissant et déprimant de ne jamais changer d’environnement, alors avec une amie qui est aussi étudiante on se retrouve pour bosser, je vais un peu chez elle, on va à la bibliothèque… On se soutient et ça fait du bien.

Depuis quelques mois, j’ai commencé à échanger avec une fille de ma promo que j’ai trouvée sur Instagram. Je ne l’ai jamais vue, mais on discute de nos projets, de design, de choses qu’on pourrait faire ensemble, on se raconte nos vies… On parle de se voir un jour, mais sans grande ambition non plus. Peut-être que je ne rencontrerai jamais personne de ma promo mais finalement, plus le temps avance, moins ça me préoccupe. Et avec le reste de la promo, on s’en tient à des relations universitaires plus classiques : on ne se connait peut-être pas mais on partage les mêmes galères avec la fac, ça rapproche.

Pour la suite ? L’avenir nous le dira…

Propos recueillis par Pauline Allione.

Publicité