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Netflix m’avait pourtant prévenu. « Si tu ne pleures pas devant 7. Koğuştaki Mucize, un film turc absolument bouleversant, on ne peut plus rien pour toi. »
Les spectateurs semblent avoir respecté la notice. Sur Allociné, chacun relate son expérience : « Le plus beau film que j’ai jamais vu », « J’ai pleuré toutes les larmes de mon cœur » ou « J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps » (faudra se mettre d’accord sur la provenance des larmes), « Cela fait bien longtemps qu’un film ne m’avait pas autant retourné, secoué dans tous les sens ». Il y a aussi du « Tout juste whouaaahhh », sa variante « Whooooohhh » et sa cousine « Wahou ».
À ceux qui bravaient l’injonction de pleurer, la plateforme lançait sur un ton accusateur : « As-tu un cœur ? »
C’est donc avec une grosse pression que je me suis plongé dans ce film turc, équipé d’une boîte de mouchoirs, d’un pot de glace à la vanille, et d’une tablette de Prozac, prêt à Tweeter moi aussi combien ce film est « Wouhouwhou ».
Deux heures plus tard, c’est le drame. Je n’ai pas versé une larme, je n’ai pas été touché en plein cœur, je ne suis pas abattu d’émotion débordante ni bouleversé de frissons dévastateurs. Je n’ai pas de cœur. Je suis un robot. Je suis comme Chandler Bing, qui avoue à ses amis le crime de ne pas avoir pleuré devant E.T. ou Bambi.
Pourtant, 7. Koğuştaki Mucize est un savant mélange de mélos qui ont fait leurs preuves.
49 % de Sam, je suis Sam (un papa déficient mental séparé de sa fille)
48 % de La Ligne Verte (une prison où se passent des choses pas cool)
12 % de Forrest Gump (un papa vraiment déficient mental)
1 % de Midnight Express (la prison en Turquie, c’est vraiment pas cool)
Le film reprend au gramme près les ingrédients des meilleures recettes de soupes lacrymales :
-Une petite fille trop mignonne
-Un papa trop gentil
-Un méchant trop méchant
-Des voyous qui deviennent bons
-Une injustice vraiment injuste
-Un dénouement qui redonne foi en l’humanité
-Et des violons… beaucoup de violons… tellement de violons.
Mais ça n’a pas marché sur moi. Le film m’a tellement sommé de pleurer à coup de ralentis et de violons (je vous ai dit qu’il y avait beaucoup de violons ?) que par un réflexe naturel d’auto-défense, je m’en suis préservé. Un peu comme face à un vendeur de robot-ménager qui me vante les bienfaits de son méga-mixeur : non, je ne veux pas acheter ta daube !
Le chercheur américain Paul J. Zak explique dans un article de Psychology Today que les personnes capables de pleurer devant un film sont celles qui ont un taux d’ocytocine élevé, et donc affichent un niveau élevé d’empathie. À l’inverse, ceux qui ne versent aucune larme devant une scène touchante seraient incapables de compassion envers les autres, et même assez narcissiques. Me voilà donc coupable d’une faiblesse mentale impardonnable. Comme le dit Joey Tribbiani à son colocataire : « You’re dead inside ! ».
Quelle sera alors ma sanction/thérapie pour enfin voir couler une larme sur mon visage ? Regarder 100 fois la scène de la mort de Mufasa dans Le Roi Lion ? Écouter en boucle le best of d’Adèle ? Relire Le Petit Prince à voix haute ? M’auto-confiner six mois de plus ?
Heureusement pour Netflix, mon manque de cœur n’a que peu d’importance. Depuis sa mise en ligne mi-mars, 7. Koğuştaki Mucize cartonne en France et aux Etats-Unis. Malgré son titre imprononçable (on se contente de dire « le film Turc de Netflix »), tout le monde en parle, tout le monde est d’accord, tout le monde adore. C’est peut-être ça, finalement, qui pourrait parvenir à me faire pleurer.