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« Je comprends pas le pronom “iel” et à ce stade-ci, j’ai trop peur de demander… »

Le guide pratique de l'alli.é.e en herbe.

Par
Henri Bertrand-Ouellette
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Imaginez votre prochaine entrevue professionnelle.

Fébrile, rempli.e d’appréhensions, vous arrivez par l’entrée principale qui fait face à la réception. « Vous êtes le rendez-vous de 14 h ?, vous demande la personne à la réception. Kim vous attend dans son bureau ! »

En marchant, vous prenez le temps de regarder autour de vous. Les gens ont l’air gentils.

Vous arrivez dans le bureau de Kim. Vous prenez une grande inspiration.

C’est à ce moment-là que la personne vous regarde droit dans les yeux et vous lance sans la moindre hésitation (tenez-vous bien) : « Salut, moi c’est Kim. J’utilise le pronom “iel”. »

Pouf.

Juste comme ça, votre monde au grand complet se liquéfie littéralement sur le plancher de son bureau.

Sans même vous laisser une seconde pour vous ressaisir, iel renchérit en vous demandant sans pitié : « Toi, c’est quoi tes pronoms? »

Trop pour vous. Panique, pleurs.

Vos perspectives d’avenir ? Ruinées. Votre journée ? Ruinée.

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Celle de Kim ? Iel fait face à ça plus souvent que vous ne l’imaginez, mais ça ne l’empêche pas de ressentir le même mélange de colère, de pitié, et de déception.

Mais, sachez que vous n’êtes pas seul.e à être confus.e. Un nombre alarmant d’adultes scolarisé.e.s en viennent à perdre leurs moyens quand la question des pronoms est soulevée.

Du coup, pour éviter à Kim d’avoir à faire un cours 101 spontané sur la diversité de genre à une foule semi-hostile sur ses heures de job quand c’est zéro sa responsabilité, on va s’en occuper là tout de suite.

Clarifions

Commençons par clarifier certains concepts élémentaires que beaucoup de monde semble avoir de la difficulté à intégrer.

Notons qu’il s’agit ici de réalités empiriques, et non pas du fruit de quelconque idéologie ou d’une opinion personnelle.

Le sexe

« Le sexe est déterminé par un ensemble d’attributs biologiques retrouvés chez les humains et les animaux », selon le gouvernement du Canada.

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(Notons que la mention suivante est incluse : « On décrit souvent le genre en termes binaires (fille/femme ou garçon/homme), pourtant, on note une grande diversité dans la compréhension, l’expérience et l’expression du genre par les personnes et les groupes. »)

Le genre (ou l’identité de genre)

« Le genre est déterminé par les rôles, les comportements, les expressions et les identités construits socialement pour les filles, les femmes, les garçons, les hommes et les personnes de diverses identités de genre », toujours selon le gouvernement du Canada.

Le pronom « iel »

« Iel » est un pronom neutre utilisé pour « désigner les personnes ne s’identifiant exclusivement ni au genre féminin ni au genre masculin, perçus dans la société comme mutuellement exclusifs », selon le guide Apprendre à nous écrire, publié par le Club Sexu.

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Résumons

Le genre, c’est ce qui se passe dans nos têtes; c’est la manière dont on ressent ou on exprime notre identité et la façon dont on désire être perçu.e.

Le sexe, quant à lui, est déterminé par un ensemble d’attributs physiologiques (chromosomes, niveaux d’hormones, anatomie de l’appareil génital).

Une conception populaire voudrait qu’il n’existe que deux sexes, mais la réalité est en fait beaucoup plus compliquée.

Dans une phrase

« Iel », ça s’utilise exactement comme on utilise les mots « il » ou « elle ». Aussi simple que ça !

C’est un pronom personnel à la troisième personne du singulier (yikes, grammaire…).

Admettons que vous voyez une personne avec un beau t-shirt, vous diriez genre « wow, iel a un beau t-shirt ! », à la place de « wow, elle a un beau t-shirt ! », ou alternativement, « wow, il a un beau t-shirt ! ».

Oui, JE SAIS, c’est vraiment, vraiment pas compliqué, en fait.

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Ça rend ça limite un peu triste qu’on soit en 2022 et que ça soit toujours pertinent de payer quelqu’un pour vous l’expliquer. Mais, vaux mieux tard que jamais, disait l’autre.

Ensuite, il y a la question des adjectifs. Là, c’est vrai que ça se corse légèrement.

Dans un contexte où c’est quelqu’un avec qui vous allez interagir, c’est aussi simple que de demander à la personne en question quelles sont ses préférences.

Si c’est plutôt une personne que vous ne connaissez pas ou quelqu’un avec qui vous n’êtes pas en interaction (comme notre personne au beau t-shirt nommée plus haut), vous devrez malheureusement accepter votre sort et trouver votre satisfaction dans l’incertitude.

Parce que (au risque de surprendre celles et ceux qui n’ont pas suivi jusqu’ici) : il est toujours, complètement, irrémédiablement, et insoutenablement impossible de deviner l’identité de genre de qui que ce soit.

On peut donc utiliser « iel » pour parler d’une personne non binaire, ou pour éviter de tenir pour acquis le genre d’une personne qu’on ne connaît pas.

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Par contre, on évitera d’employer « iel(s) » pour dire « il et elle » ou pour parler d’un groupe de personnes constitué uniquement d’hommes et de femmes cisgenres, puisque cela contribue à invisibiliser les personnes non binaires.

« C’est quoi, tes pronoms ? »

On le sait maintenant; il existe un nombre presque infini d’identités et d’expressions de genre. Considérant cette réalité, c’est à peu près aussi absurde de penser pouvoir deviner les pronoms que quelqu’un utilise que de penser pouvoir deviner son prénom.

Donc, qu’est-ce qu’on fait dans ce temps-là ? On lui pose la question !

Imaginons un début de conversation. Ça pourrait se dérouler comme suit : « Hey salut, moi, c’est Kevin, j’utilise le pronom “il”. Toi ? »

Le tour est joué ! C’est-y pas magnifique ?

Okay, plus compliqué : qu’est-ce qui arrive si la personne est en train de parler et que tu ne veux pas l’interrompre ?

Qu’est-ce qu’on fait dans ce temps-là ? On demande à son ami.e !

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Exactement comme tu le ferais avec le prénom de quelqu’un, à la place de juste supposer qu’un.e inconnu.e s’appelle Steve, par exemple.

J’ai fait une erreur ! Qu’est-ce que je fais ?

Excellente question ! Belle participation – je note.

Si vous vous trompez dans les pronoms qu’une personne utilise, le mieux à faire est de reconnaître discrètement et rapidement votre erreur puis de passer à autre chose; arrangez-vous pour faire mieux la prochaine fois.

Ce qui est considéré comme étant le plus poli, c’est même d’éviter la formule « je m’excuse » lorsqu’on mégenre quelqu’un. Vous pouvez plutôt remercier la personne ayant soulevé votre erreur (si c’est le cas) et encore une fois, passer à autre chose rapidement.

Les personnes non cis vivent ce type d’interaction tous les jours. Elles n’ont pas besoin de (en plus) se taper votre mélodrame performatif ou vos excuses interminables chaque fois que vous vous trompez.

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C’est tout ?

À peu près, oui. Pour aujourd’hui en tout cas.

Si vous vous arrangez pour être confortables avec ces pratiques de base, vous allez assurément réduire le stress des personnes trans, non binaires, et d’identités de genre diverses avec qui vous travaillez.

Rappelez-vous aussi que les personnes non cis n’auront jamais besoin d’aller à l’école pour être considérées comme des spécialistes sur le sujet de l’identité de genre. Tout particulièrement lorsqu’il est question de LEUR genre.

Donc si vous avez la chance d’avoir une personne autour de vous qui vous accorde le temps et l’énergie nécessaires à vous en apprendre davantage sur le sujet; la moindre des choses serait de lui prêter une oreille attentive en retour.

Ressources pour allié.e.s

Mieux comprendre et mieux nommer, par le Conseil québécois LGBT

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Lexique 2SLGBTQ+ par la Fondation Émergence

Ressources pour personnes 2SLGBTQ+

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