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J’ai jamais pris ma bite en photo. C’est grave, docteur ?

Ou le roman noir de la dick pic.

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Ça a été un sacré séisme dans mon groupe de potes quand on a appris la nouvelle. Comme quoi, finalement, on ne connaît jamais tout d’une personne. C’était en pleine affaire Benjamin Griveaux, après la révélation de ses frasques. Vous en avez forcément entendu parler… Rappel des faits. La candidature de Benjamin Griveaux, représentant de La République En Marche pour la mairie de Paris, s’est arrêtée net avec la publication d’une vidéo de son engin, relayée sur les réseaux sociaux, originellement envoyée à une ancienne maîtresse. Ce jour-là, on était au bar entre amis, quand Jérémie nous a dit, un peu honteux : « Moi, j’ai jamais fait de dick pic ». On n’a plus dit grand chose ensuite. La dernière bière est passée avec amertume. Chacun est rentré chez soi, en mode MalaiseTV.

Plus tard dans la soirée, sur notre groupe WhatsApp, on s’est envoyé des messages en mode :

« -En 2020 ? Ça existe encore des mecs qui ne l’ont pas fait ? »

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« -Écoute, il a sûrement ses raisons… Il n’a peut-être pas encore rencontré la bonne… »

J’ai pris la nuit pour réfléchir, je suis resté devant des rediffusions nocturnes à la télévision avec cette question en boucle dans ma tête : « Si un homme politique de premier ordre fait des dick pics, c’est que tout le monde en fait, non ? ».

Ces mêmes hommes politiques qui font tout pour garder secrètes leurs stratégies, utilisent des objets du quotidien, les smartphones, pour communiquer des choses bien plus intimes. Certainement parce qu’ils ont besoin de couper de ce monde politique, et de se sentir comme les autres. Ou bien pour relâcher la pression, et ils ne se rendent pas compte des conséquences. Une situation inimaginable il y a 20 ans, du moins sous cette forme.

La Dick Pic, ou « zizimage », était née. Ça sonne bien en anglais, moins en français.

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Les maîtresses des Présidents de la République arrivaient cachées dans les camions de livraison des fleuristes de l’Élysée. Tout le consentium médiatico-politique le savait, mais ne le révélait pas aux grands médias. Même les paparazzis. Il y avait une certaine conscience. Et puis, honnêtement, les premiers téléphones portables ne permettaient pas de s’envoyer ce genre d’images. On comptait déjà le nombre de caractères utilisés pour ne pas utiliser un SMS supplémentaire qu’on payait 15 centimes d’euros.

Et puis tout est allé plus vite : la vitesse de communication, la technologie d’information, l’envie de chacun d’exister via ces nouveaux médias. Une forme de pornographie s’est invitée dans les messages privés. Car l’accès à la pornographie s’est libéralisé : plus besoin d’aller au vidéo-club pour voir des acteurs copuler, tout se faisait via la bande passante et les sites qui pullulaient. Et comme pour tout, des « individus » au sens « personnel » de la chose, ont reproduit ces pratiques dans leurs conversations. Ainsi, puisqu’un gars voyait des gars montrer leur zizi dans la vidéo, et que ça l’excitait, il s’est dit que ça devrait exciter ses potentielles conquêtes.

Mais ce qui peut être troublant dans notre époque, c’est que certaines femmes ont commencé à demander ces fameuses dick pics.

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La Dick Pic, ou « zizimage », était née. Ça sonne bien en anglais, moins en français. « Tu veux voir ma bite ? » est un Meme bien connu des Internets, devenu le nouveau « Tu as déjà vu un monsieur tout nu ? ». Et puis, certains ont commencé à en envoyer sans demander si ça intéressait le ou la destinataire. Une sorte de bonjour, mais aussi de harcèlement. Tu ouvres des DM et bim, tu tombes sur « la bite à Jean-Mi », souvent poilue et pas très appétissante. Et je ne vous parle pas de la communauté gay qui utilise Grindr. Connexion, bonjour, dick pic en guise de carte de visite. Deux minutes après le match, envoi de « OK, passe chez moi tout de suite ». Au moins c’est efficace.

Mais ce qui peut être troublant dans notre époque, c’est que certaines femmes ont commencé à demander ces fameuses dick pics. Notamment sur les réseaux de snacking sexuel comme Tinder. Le samedi après-midi suivant l’annonce de Jérémie, à l’occasion d’un verre en terrasse, j’ai demandé à des copines si elles avaient déjà eu recours à cette demande. « Bien sûr ! T’es ouf ou quoi ? », m’ont-elles répondu en chœur. Leurs raisons sont diverses : créer la sélection naturelle entre ceux qui se la racontent et ceux qui sont prêts à aller plus loin, voir si le mec n’a que de la gueule, ne pas être trompée sur la marchandise, savoir si ça vaut le coup de continuer la conversation, créer un rapport de domination, juste se faire plaisir, ajouter une énième photo à l’album « BITES » de son smartphone… Bref, il y avait beaucoup plus de justifications que je ne m’y attendais. J’envoie un WhatsApp à Jérémie : « Pizzeria place d’Italie, 20 heures, juste nous deux ».

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Après deux Spritz à l’orange pour le détendre, on commande les pizzas et une bouteille de Valpolicella. On peut enfin causer du vrai sujet : « Mais aucune meuf ne t’a jamais demandé de lui envoyer une Dick Pic ? ». Et il me dit que si, bien sûr, c’est arrivé plusieurs fois sur Tinder, mais qu’il n’a jamais réussi. Il y a toujours un problème pour aller jusqu’au bout. D’abord, sous quel angle la prendre ? Ouais, Jérémie se la joue photographe semi-pro. Mais il n’a pas tort : il faut la mettre en valeur, Zézette. Et pour ça, il faut déjà qu’elle soit dure. Mais bon, quelques sextos devraient l’aider à prendre son envol. Ensuite, il me dit qu’il faut être chez soi, pas aux horaires de bureau. J’avoue que j’ai entendu quelques copains raconter qu’ils avaient envoyé une photo depuis les toilettes de l’entreprise. Voire même assis à leur bureau. J’ose espérer que ce n’était pas à un moment où il y avait les collègues autour.

Et pour finir, Jérémie me dit qu’il ne faut pas qu’il y ait des éléments qui puissent faire en sorte qu’on te reconnaît : ton appart, tes grains de beauté (n’est-ce pas Benjamin ?), une marque particulière, « au cas où »…

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« -Mais si la fille te demande, tu fais quoi, alors ?
-Je lui dis qu’elle la verra quand on se verra IRL, si elle y tient.

-Et ça marche ?

-Neuf fois sur Dix. »

Il est pas con, Jérémie. Dans une époque où tout va trop vite, il prend son temps, ce petit saligaud, fait monter le désir. Je me suis posé beaucoup de questions sur lui, sur le chemin du retour. S’il n’a pas besoin d’être rassuré par les autres sur la taille de sa teub, c’est que… Non, rien. Finalement, n’oublions pas que c’est une sorte d’exhibitionnisme, de montrer son zgeg. Alors attention, on parle bien de l’envoi de ces zizimages sollicitées ou consenties. Sinon, c’est puni par la loi pour une République numérique depuis 2016, allant jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 60.000 euros d’amende. Il est bon de le rappeler, sur un sujet qui peut paraître aussi peu sérieux. Ça fait digérer plus vite la pizza et les Spritz.