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Appeler mon enfant Philippe-Alexandre Martin-Chevalier, ça ne m’intéressait pas. Quand ton nom fait quatre lignes ou que tu dois connaître parfaitement ton alphabet pour être capable de l’écrire, peut-être qu’il est un peu long…
Ma femme et moi pensions donc de la même façon : nos enfants n’auront qu’un seul nom de famille, « le mien », pensais-je. Mais non, c’est lorsqu’elle est tombée enceinte que la discussion s’est entamée. Elle voulait donner son nom à notre petit.
Donner le nom de la mère à sa progéniture est tout à fait légitime. Après tout, on est en 2023, pas en 1860.
Mais, simplement parce que c’est « la norme », je n’avais pas pensé à cette possibilité. Et c’est finalement l’option qu‘on a choisie.
Mieux réfléchir
J’ai accepté assez facilement parce que honnêtement… ça ne me dérange pas. J’ai aussi un nom de famille pas très loin derrière Martin en termes d’originalité et je ne suis donc pas inquiet pour ma descendance. Ceci dit, il y a quand même une raison plus cute qui m’a mené à cette décision.
Il y a quelques années, ma femme a eu un cancer. Le médecin nous a ensuite annoncé qu’il serait difficile, voire même impossible d’avoir des enfants après ses traitements de chimiothérapie. Une nouvelle difficile à apprendre, surtout pour elle, car issue d’une grande famille de sept enfants, elle avait les mêmes aspirations familiales.
Un an après la fin des traitements, nous avons eu l’autorisation d’essayer de procréer si le désir était encore là. Si six mois passaient sans que rien n’arrive, ça voulait fort probablement dire qu’il faudrait penser à d ’autres options pour fonder une famille. La vie étant parfois bien faite, nous avons réussi en à peine un mois et demi à commencer cette route qui allait nous mener à la naissance de notre petit, notre bébé miracle.
C’est un défi de la vie qui m’a en partie motivé à donner le nom de ma femme à notre enfant.
C’est une autre situation difficile qui a fait que Kim Thurber, maman, a donné le sien à son garçon. « Mon mec est mort deux mois avant la naissance de mon fils », me raconte-t-elle.
Ce triste événement a même fait en sorte que le petit aurait eu dans ses documents officiels la mention « père inconnu » si elle n’avait pas entamé des procédures pour changer la donne. « J’étais une nouvelle maman, fatiguée, avec la moitié des revenus en moins, mais je tenais à faire reconnaître la paternité. »
DES FAMILLES SOUS LE CHOC
Donner le nom de famille de la mère à son enfant semble créer à coup sûr des réactions du côté du père.
Au terme du processus de reconnaissance de la paternité traversé par Kim Thurber pour son fils, la grand-mère paternelle lui a demandé de changer son nom pour celui du défunt parent.
« Elle venait de perdre son fils, c’est comprenable qu’elle voulait garder quelque chose de lui, » reconnaît Kim. « Maintenant que j’ai mon fils, je m’imagine vivre une situation semblable et je comprends mieux sa réaction. »
Kim a finalement fait un grand geste pour apaiser cette peine. Pour garder une trace du père, elle a inscrit le nom de famille de ce dernier comme deuxième prénom de son enfant.
De mon côté, ce fut la consternation chez mes deux parents. Ma mère a remis en question ce choix alors que mon père m’a avoué avoir passé quelques nuits blanches, stressé pour sa descendance.
Le temps ayant fini par faire retomber la poussière, ils comprennent maintenant beaucoup mieux ma décision. De son côté, Kim Thurber a gardé contact avec les grands-parents paternels afin qu’ils puissent avoir une belle relation avec leur petit-fils.
Dans un cas comme dans l’autre, ils ont compris que leur petit-fils n’était pas « moins » le leur parce qu’il avait un nom de famille différent.
Au moment d’écrire ces lignes, j’attends mon deuxième enfant. Je ne sais toujours pas le sexe – on attend à la naissance, comme nous avions fait pour le premier – mais une chose est sûre : il ou elle aura encore une fois le nom de sa maman. Et si mes parents sursautent encore jusqu’au plafond, ce sera tant pis pour eux.