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« J’ai choisi d’adopter des enfants atteints du VIH »

Lettre ouverte d’une maman qui rêve de mieux.

Par
Rose-Aimée Automne T. Morin
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Cet article est d’abord paru à l’origine en 2017 dans le cadre d’une campagne de sensibilisation de l’organisme ViiV Healthcare.

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Lucie*, mère adoptive de deux enfants atteints du VIH, nous a contactés parce qu’elle souhaitait partager les rêves qu’elle entretient pour le futur de sa famille. En cette journée mondiale de la lutte contre le Sida, on vous raconte son histoire et on vous offre sa déchirante lettre ouverte.

Lucie et son conjoint étaient les heureux parents d’un enfant biologique. Quand est venu le temps de penser au second bébé, ils ont ressenti l’envie d’adopter. Au cours de leur réflexion, ils ont rencontré un couple en processus d’adoption. Leur processus à eux était particulier. Il concernait un enfant atteint du VIH.

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Notre première réaction, ça a été de se dire : « Voyons donc, ils sont malades! » Lucie me raconte l’histoire avec un relent d’incrédulité. « On ne connaissait pas les dernières données sur le VIH, on pensait que c’était de la folie. On s’est informé, puis on a ensuite ressenti beaucoup de compassion. Les gens qui adoptent veulent des enfants en santé. Nous, on pouvait avoir des enfants biologiques, alors tant qu’à faire une différence dans la vie d’un enfant, on a décidé d’aller vers un enfant qui avait des besoins spéciaux. On a appelé une agence d’adoption. On a dit qu’on était intéressés à adopter un enfant avec le VIH et… tant qu’à en adopter un, pourquoi pas deux? »

Vivre dans le secret

Le couple a été dirigé vers l’Inde, pays avec une grande prévalence de VIH. Deux garçons les attendaient dans un orphelinat. Des bambins dont la mère était décédée du Sida et dont le père, atteint de la même maladie, était dans le coma.

Ça aura pris deux ans avant qu’ils puissent finalement être adoptés. Ils sont arrivés ici à l’âge respectif de 7 et 10 ans.

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L’aîné sait que ses frères ont un trouble de santé, mais il ignore le nom de leur maladie. Les parents le lui ont caché pour éviter qu’il ne le révèle à autrui. En fait, très peu de personnes sont au courant de la situation. Parce qu’elle choque.

Lucie me raconte : « On ne l’a dit qu’à nos amis proches et notre famille. La majorité des gens réagissent super bien, mais ce n’est pas toujours le cas… Mon beau-frère refuse que ses enfants jouent avec les nôtres. Parfois, quand on révèle que nos enfants ont le VIH, ça crée des réactions émotives et non pas rationnelles. On ne sait pas à qui faire confiance. On veut être transparents, mais on ne veut pas que nos enfants vivent cette stigmatisation. C’est super dur de vivre dans le secret, en même temps, on n’a pas le goût que nos enfants soient rejetés. On leur a montré à prendre leurs médicaments en cachette quand ils dorment ailleurs. Ça a été un choix difficile… c’est comme si on leur apprenait à avoir honte. »

La peur des autres

En plus de la peur des autres, les parents doivent-ils gérer leurs propres inquiétudes? Craignent-ils que le virus soit transmis au reste de la famille? « Selon les dernières recherches, si tu es indétectable, tu es intransmissible, m’explique Lucie. On a suivi des formations, puis on a réalisé que la transmission est un risque dans notre tête, mais que ce n’est pas un risque réel. Même si la personne n’est pas indétectable, le VIH ne s’attrape pas facilement. Il faut des relations sexuelles ou des injections de drogues… Ce ne sont pas des choses qu’on fait à la maison! Le risque est négligeable, voire nul. »

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Parce qu’il reste beaucoup de choses à apprendre, de mythes à défaire, d’histoires à découvrir et de préjugés à détruire, voici maintenant les souhaits de Lucie. Ceux qu’elle tient à partager pour qu’ensemble, on arrive à briser la peur.

Je rêve d’une cure, mais pendant ce temps…

Je rêve du jour où…

… Le statut de VIH sera partagé aussi facilement que celui du diabète;

Le VIH ne sera pas associé à certains groupes définis par la race, l’orientation sexuelle ou le statut économique;

… Les services seront octroyés sans le moindre jugement quant à la façon dont la personne a été infectée ou, dans notre situation, quant aux raisons pour lesquelles les enfants ont été adoptés;

… Je n’aurai pas à aller à l’école de mes enfants en ayant l’impression de cacher un secret terrible qui, si partagé, pourrait avoir des conséquences majeures sur leur avenir et leur acceptation parmi leurs camarades;

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… Certains membres de notre famille demanderont pardon d’avoir rejeté nos enfants après notre divulgation;

… Je n’aurai pas à craindre de perdre des amitiés après avoir nommé la maladie de mes enfants;

… Je n’aurai pas à penser à cacher la réserve de médicaments ou d’autres « preuves » avant que quelqu’un ne vienne à la maison;

… Je n’aurai pas à dire à mes enfants : « Il vaut mieux ne pas en parler, de peur qu’ils ne veuillent plus jouer avec toi. »

Je ne rêve pas du jour où mes enfants se rendront compte de l’impact de cette stigmatisation sur leurs relations.

Je rêve du jour où les gens connaitront les faits réels sur le VIH et sa transmission.

Du jour où le VIH ne sera pas vu et traité comme un acte criminel.

Du jour où les familles qui s’occupent des enfants vivant avec le VIH auront une voix dans les soins de santé qui les concernent.

Du jour où mes enfants grandiront et trouveront le bon soutien, celui qui respecte leur vie privée et leur liberté de choix… Du jour où ils seront traités comme les experts de leur santé.

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