Logo

J’ai arrêté de dire « sale PD » après le coming-out de mon frère

En partenariat avec la ZEP (Zone d’Expression Prioritaire).

Par
La ZEP
Publicité

Ce récit provient des ateliers d’écriture animés par les journalistes de la Zone d’Expression Prioritaire (la ZEP), un média qui accompagne l’expression des jeunes pour qu’ils et elles se racontent en témoignant de leur quotidien et de toute l’actualité qui les concerne.

*****

Dans ma famille, on est six. L’un de nous a une orientation amoureuse différente. Cette personne, c’est mon frère. J’ai toujours cru qu’un garçon devait être amoureux du sexe opposé. Mais mon frère est bisexuel.

Un jour, je rentre chez moi après les cours. Comme d’habitude. Je vais voir ma mère pour lui raconter ma journée. Comme d’habitude. Elle est dans la cuisine avec mon beau-père. Ils boivent un coup. Je les salue, puis je vais dans ma chambre pour jouer tranquillement à la Play. Comme d’habitude. Il doit être 18 heures quand j’entends mon frère parler tout bas avec ma mère. Ça attise ma curiosité, je m’approche pour écouter à la porte.

Publicité

Sa voix est très calme, posée. Il vient d’annoncer à ma mère qu’il est bi. Il y a un grand blanc. Je crois que ma mère est sous le choc. Aucun mot ne sort de sa bouche pendant plusieurs minutes. Moi aussi, je suis choqué, je ne sais pas où me mettre. Personne ne s’y attendait.

La peur du regard des gens

Dans ma tête, il s’est passé beaucoup de choses ce jour-là. J’ai tout de suite pensé au regard et à la réaction des gens. Je craignais que mon frère se fasse harceler. J’avais entendu que des personnes s’étaient suicidées parce qu’elles avaient été rejetées. Puis, j’avoue, j’avais aussi peur que mes amis ne me parlent plus et me rejettent à cause de ça.

Moi, je n’ai pas accepté tout de suite la bisexualité de mon frère. Ça m’a fait un peu peur, j’avais l’impression qu’il allait devenir un inconnu pour moi, que je n’aurais plus de complicité avec lui. Déjà qu’on n’en avait pas beaucoup. J’avais peur qu’on ne se ressemble plus, qu’on ne se comprenne plus.

La réaction de ma mère a été totalement différente de la mienne : elle l’a rassuré et l’a soutenu. Mes parents assument le fait que leur fils soit bisexuel, ce n’est pas du tout tabou. Perso, je préfère ne pas en parler en dehors de mon cercle familial. Je pense que la sexualité de mon frère ne regarde que lui.

Publicité

J’ai arrêté avec les insultes homophobes

Quand mon frère a fait son annonce, j’avais 14 ans et lui 17. Je n’arrivais pas à imaginer un garçon avec un garçon, pour moi ça n’était pas du tout « normal ». Ça me choquait même. Puis, avant, j’avais des préjugés sur la bisexualité et l’homosexualité. Pour faire comme les copains, je disais des trucs du genre « sale PD », mais sans le penser évidemment. Depuis l’annonce de mon frère, j’ai naturellement arrêté de dire des insultes homophobes, même pour rire. Mon avis a changé sur le sujet. Le monde a évolué aussi, on accepte plus facilement les communautés LGBT, et c’est tant mieux.

La bisexualité de mon frère n’a pas totalement changé nos rapports. On s’entend bien et parfois on se dispute, comme des frères. On n’a jamais vraiment parlé du sujet juste tous les deux. Je ne dois pas le rejeter ou je ne sais quoi car c’est mon grand frère, quoi qu’il arrive.

Dépasser les tabous et changer les mentalités

J’ai remarqué qu’il a changé depuis son coming-out : il évoque sans tabou ses relations amoureuses avec les hommes quand on est à table, tous ensemble en famille. Il raconte ses rencontres, ses déceptions, ses coups de cœur. Un jour, il a sorti cette phrase : « Je veux changer les mentalités de la génération de maintenant. » Ça m’a marqué.

Publicité

Maintenant, quand j’entends des insultes homophobes dans la classe ou dans mon groupe d’amis, ça me fait un truc, comme un petit pincement au cœur. Je ne réagis pas, ça ne sert à rien de répondre aux idiots.

Arthur, 15 ans, lycéen, Lille